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“Aide à mourir” : quelles sont les particularités du texte français ?

Emmanuel Macron a affirmé dimanche 10 mars 2024 un avis favorable quant à une potentielle « aide à mourir », lors d’un entretien accordé aux quotidiens La Croix et Libération. Une proposition de loi, prévoyant le dépôt de son texte à l'Assemblée Nationale le 27 mai 2024, qui demeure un sujet particulièrement délicat.

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Écrit par Elena Rouet-Sanchez
Publié le 13 mars 2024, mis à jour le 14 mars 2024

Le projet avait été repoussé de nombreuses fois. Ce dimanche 10 mars 2024, le président de la République a exprimé un avis favorable quant à une proposition de loi sur « l’aide à mourir ». Un texte qui sera présenté à l’Assemblée Nationale le 27 mai 2024, et dont les circonstances devront être débattues, dans des « conditions strictes ». Chez certains de nos voisins européens, cette assistance existe déjà, mais reste cependant nuancée. 


 

En quoi consisterait le modèle français de « l’aide à mourir » ?

Ce projet, longtemps débattu en France, consiste à la prise d’une « substance létale » dans des « conditions strictes », comme a précisé Emmanuel Macron aux deux quotidiens français La Croix et Libération. Il ne concerne que les personnes majeures, atteintes de pathologies dites « incurables », en pleine capacité « d’un discernement plein et entier ». Cette proposition de loi ne s’ouvre donc pas aux malades atteints d’Alzheimer ou de syndromes psychiatriques, par exemple. Elle s’inscrit dans un objectif d’accompagnement et d’aide pour les personnes dont le pronostic vital est engagé et subissant des souffrances « réfractaires », que l’on ne peut soulager.

Ce processus épineux est en conséquent encadré par des médecins : dès la demande du patient, cette « aide » dépend de l’avis « collégial » d’une équipe médicale dans les 15 jours suivants. Une fois celle-ci acceptée, le patient peut décider de prendre seul le produit, avec l’aide du corps médical ou d’une personne volontaire désignée. Le produit qui sera prescrit dans le cadre de ce projet de loi reste cependant encore inconnu. 

 

Euthanasie, suicide assisté, aide à mourir… quelles différences ?

Si les circonstances de cette potentielle « aide à mourir » font débat, c’est en partie par la définition même du mot, qui n’a pas été choisi au hasard par le chef d’État, ainsi que ses circonstances. Il reste important de préciser les termes concernant les soins de fin de vie. 

Il a beaucoup été question d’une « assistance au suicide », qui n’est pas à confondre avec le « suicide assisté », même si les deux sont souvent employés à tord dans le langage commun pour désigner la même chose. Dans le cas d’une « assistance au suicide », c’est la personne elle-même qui accomplit le geste fatal, et non un tiers. Un « suicide assisté » définit, quant à lui, une situation bien précise : lorsqu’une personne souhaite mettre fin à ses jours, mais n’en n’est pas physiquement capable. Alors, elle nécessite l’aide d’un tiers afin de prendre le produit. 

En ce qui concerne la proposition de loi actuelle sur « l’aide à mourir », celle-ci se rapproche davantage de « l’euthanasie », qui est, par exemple, légalisée en Suisse. Si le président Emmanuel Macron a retenu ce terme plus général, c’est parce que cette loi inclut les deux manières dont la substance létale peut être prise. Pour le chef d’État, il est important de respecter le « consentement » du patient, tout en prenant en compte « la décision médicale qui a son rôle à jouer ». 

 

 

 

 


Comment se présente l’aide à mourir à l’étranger ?

Si la France a choisi le terme « d’aide à mourir » plutôt « qu’euthanasie », elle rejoint tout de même les six autres pays européens qui l’ont déjà mis en place, sous des conditions pour chacun nuancées. 

 

Les Pays-Bas

Le premier étant les Pays-Bas, en 2001. Le pays légalise l’euthanasie active qui implique intentionnellement de mettre fin aux souffrance d’une personne, en lui administrant un produit létal. Cette pratique, strictement encadrée, se fait sous la demande écrite du patient, souffrant d’une maladie justifiant son choix. Depuis 2023, les enfants de moins de 12 ans atteints d’une maladie incurable, pour lesquels les soins palliatifs ne suffisent pas à soulager les souffrances, ont également le droit de demander une euthanasie active.

 

La Belgique

La Belgique est souvent le premier pays où les Français se tournent actuellement lorsqu’il est question « d’aide à mourir ». Légalisée depuis 2002, « l’euthanasie » est ouverte aux personnes atteintes de maladies incurables, accompagnées de souffrances insupportables, qu’elles soient de l’ordre psychologique, psychique ou physique. La demande doit être consciente et réitérée. Deux avis médicaux sont requis, et même trois si le décès n’est pas imminent. L’année dernière, l’influenceuse Olympe, âgée de 23 ans, avait notamment annoncé se rendre en Belgique pour recourir à l’euthanasie, atteinte de plusieurs troubles psychiques, dont le Trouble Dissociatif de l’Identité (TDI), qui la contraint à vivre avec une dizaine de personnalités différentes. 

 

La Suisse 

Du côté de la Suisse, on parle de « suicide assisté » : un système dont le président français souhaite davantage se rapprocher. Légalisée depuis 1942, la loi repose principalement sur le discernement et la capacité du patient à prendre lui-même le liquide létal prescrit par un médecin. Une des conditions porte également sur les intérêts honnêtes de l’accompagnateur, qui ne doit pas être animé par de l’égoïsme, tels que l’espoir d’un héritage. 

 

Plus récemment, ce sont aussi l’Espagne (en 2021) et le Portugal (2023) qui ont dépénalisé l’euthanasie. 
 

 

“Aide à mourir” : une texte qui fait débat 

Emmanuel Macron avait longtemps hésité sur la question, et il s’agit de la première fois qu’il assume un contenu du texte législatif qui ouvrira « la possibilité de demander une aide à mourir sous certaines conditions ». 

Un projet qui, sans surprises pour le président, fait beaucoup réagir : « Je ne suis pas naïf, il y aura des oppositions, voire des attaques violentes ». 

L’Église catholique n’a d’ailleurs pas tardé à s’exprimer sur le sujet dès le lendemain : « Appeler loi de fraternité un texte qui ouvre à la fois le suicide assisté et l’euthanasie est une tromperie. Une telle loi, quoi qu’on veuille, infléchira tout notre système de santé vers la mort comme solution », a déclaré dans La Croix Éric de Moulins-Beaufort, président de la Conférence des évêques de France. 
 

 

Jean-Luc Roméro, président d’honneur de l’association pour le droit à mourir dans la dignité (ADMD), a, quant à lui, précisé la nécessité de précision quant aux formalités de cette « aide à mourir » : « Le texte proposé n’est pas applicable en l’état et donne toujours la décision aux médecins et non pas à la personne qui veut en finir de souffrances physiques ou psychiques insupportables ».

Néanmoins, cette proposition de loi en ravit certains, à l’image du journaliste français Charles Biétry, atteint de la maladie de Charcot : « Cette loi, un premier pas, peut nous offrir liberté et dignité. Merci. » a-t-il partagé sur X. 

 

Soucieux de ne pas heurter des sensibilités, notamment religieuses, Emmanuel Macron a assuré de « prendre le temps » sur l’établissement de ce contenu qui sera transmis la semaine suivante, au Conseil d’État.