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Adoptions internationales : un rapport pointe des manquements collectifs de la France

Attendu depuis l’été 2023 et publié en mars 2024, le rapport de la mission d'inspection interministérielle sur les pratiques illicites dans l'adoption internationale pointe des “manquements collectifs dans la protection due aux enfants, avec des conséquences jusqu'à leur vie d'adulte”.

adoption internationale n'a pas toujours été claire dans l'histoireadoption internationale n'a pas toujours été claire dans l'histoire
Écrit par Capucine Canonne
Publié le 15 avril 2024, mis à jour le 17 avril 2024

 

La mission interministérielle avait été lancée en novembre 2022 par le gouvernement. Ses objectifs étaient “d’identifier les pratiques illicites qui ont eu lieu par le passé pour éviter qu’elles ne se reproduisent » et « d’apporter une réponse aux demandes des adoptés » selon le communiqué officiel. Sa création avait été motivée notamment par l’impulsion d’associations d’adoptés qui se mobilisent pour mettre en lumière le passé ;  les adoptés des années 60 à 90 étant devenus adultes, les recherches sur les origines s’intensifient, avec des outils comme les réseaux sociaux ou les tests ADN. Plus d’un an plus tard, le rapport est rendu public. 

 

Adoptions internationales vers la France en berne...Mais pourquoi ?

 

C’est cet essor de l’adoption internationale que le rapport interministériel pointe en première observation, mentionnant d’importantes dérives à partir des années 60.

 

Des dérives de l’adoption internationale dans les années 60 à 90 

Interrogés par lepetitjournal.com en février 2023, les historiens Yves Denéchère et Fabio Macedo  expliquaient l’origine du développement de l’adoption internationale : “ C’est après 1945, et surtout à partir des années 1960-1970, que l’adoption entre pays se développe, dans des contextes nationaux et internationaux aux variables multiples et convergentes qui contribuent à un mouvement d’ampleur : popularisation du recours à l’acte adoptif infantile chez les familles occidentales infécondes (...), occupations militaires en Europe et en Asie, opérations humanitaires ciblant les populations d’enfants – a priori sans famille – touchées par la guerre et/ou le mal-développement »  

C’est cet essor de l’adoption internationale que le rapport interministériel pointe en première observation, mentionnant d’importantes dérives à partir des années 60. Le manque de contrôle ou d’encadrement dans certains pays, les arrangements directs avec les orphelinats, l’émergence d’intermédiaires peu scrupuleux, le versement de sommes d’argent, ou encore le non consentement des parents “semblent avoir été des pratiques courantes” selon la mission interministérielle. 

 

De 4.079 enfants venus de l’étranger en France en 2004, on passe à 232 en 2022. 

 

Un encadrement progressif de l’adoption, puis la Convention de La Haye

Le rapport observe un “’encadrement progressif de l’adoption internationale, porté par une vision plus critique” puis “ un mouvement de reflux important.” L’année 1993 marque en effet un tournant sans équivoque dans les adoptions entre pays. La Convention de La Haye est mise en place, et régit, entre autres, la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale. Concrètement, le texte a été conçu pour répondre aux problèmes humains et légaux, sérieux et complexes de l’adoption internationale et pour pallier l’absence d’instrument juridique international en mesure de s’attaquer à la situation. 

 

Le paysage de l’adoption internationale au Vietnam a bien changé

 

Dans le monde, les procédures se durcissent, les contrôles se multiplient, et la priorité est de plus en plus donnée à l’adoption nationale. En France, l’opinion publique sur l’adoption internationale évolue. A partir des années 2000, des voix d’adoptés commencent à se faire entendre. De 4.079 enfants venus de l’étranger en France en 2004, on passe à 232 en 2022. 

 

un enfant adopté dans les bras de son papa adoptant sur une plage

 

 

Une zone de risques demeure aujourd’hui sur “les circonstances et modalités selon lesquelles l’enfant va être déclaré adoptable et proposé à l’adoption.” 

 

Une procédure d’adoption internationale plus contrôlée 

Autre grande observation de la mission interministérielle : les dispositifs de contrôle de la procédure d’adoption “ne cesse de se consolider”, notamment avec la dernière loi du 21 février 2022 qui interdit les démarches individuelles et instaure un contrôle rigoureux et des organismes intermédiaires. 

“La mission a cependant relevé quelques points faibles inhérents à la répartition des contentieux entre les juridictions administratives et judiciaires et à l’éparpillement des procédures au sein de ces dernières.” mentionne le rapport.  Une zone de risques demeure aujourd’hui en amont de la procédure, sur “les circonstances et modalités selon lesquelles l’enfant va être déclaré adoptable et proposé à l’adoption.” 

 

 

un enfant adopté arrive dans son nouveau pays

 

 

 Quelles recommandations sur l’adoption internationale en France ? 

Si la mission interministérielle note une nette amélioration du contrôle et des procédures, elle n’en oublie pas d’observer des carences dans la protection des enfants par le passé et mentionne la nécessité de reconnaître et assumer les conséquences sur les victimes de pratiques illicites d’adoption. “Il importe que les pouvoirs publics reconnaissent, officiellement et sans détours, qu’il y a eu carence collective dans la protection due aux enfants et que ces manquements ont pu avoir pour eux des conséquences dommageables jusque dans leur vie d’adulte. (...)” précise la mission, ajoutant qu’elle “préconise la création d’une commission indépendante pour mettre en œuvre ce type de dynamique de vérité et de réparation, comme cela a pu être fait dans d’autres contextes notamment pour le traitement des abus sexuels dans l’Église.” 

Au total, 28 recommandations sont évoquées par le rapport relatif à l’adoption internationale. Parmi elles, un projet de loi visant à prévoir la suspension de la prescription des crimes et des délits relatifs à une adoption illégale, un audit approfondi de la situation de chacun des pays dans lesquels la France procède à des adoptions, des formations spécifiques pour les magistrats en charge des procédures relatives aux adoptions internationales, ou encore Le versement aux archives nationales de tous les dossiers d’adoption internationale.