Nicolas Niemtchinow, ambassadeur de France aux Emirats fait le point sur sa 1e année

Ambassadeur de France aux Émirats arabes unis depuis décembre 2022, Nicolas Niemtchinow a étudié à l'École nationale d'administration (ENA), à l'École normale supérieure (ENS) et à Sciences Po Paris (IEP, Paris), et rejoint le service des affaires étrangères en 1995. Il a le rang de ministre plénipotentiaire, ambassadeur, représentant permanent de la France auprès de l'Office des Nations unies à Genève et des organisations internationales en Suisse (2012-2015). Ses vœux de la nouvelle année 2024 comme l’échange que nous avons eu reflètent à la fois un enthousiasme passionné à la découverte de notre communauté  “nombreuse, diverse, entreprenante, dynamique, jeune aussi” une communauté qui est « une chance, une force incomparable et une fierté”, ainsi qu’un sens profond de l’honneur de représenter la France aux Emirats en participant à une relation bilatérale riche et « à 360 degrés », qui donne envie de se tourner « résolument vers l’avenir ».

Lepetitjournal.com/dubai : Monsieur l’ambassadeur, vous avez pris vos fonctions en janvier 2023. Quel bilan dressez-vous de cette première année en tant qu’ambassadeur de France aux Emirats arabes unis ?

Nicolas Niemtchinow : un bilan très positif, je dirais même enthousiasmant ! Mon épouse et moi-même nous sommes tout de suite sentis chez nous aux Emirats arabes unis, et c’est un grand honneur pour moi d’agir au service de notre pays. D’abord parce que la communauté française des Emirats arabes unis est très nombreuse et continue de croître ; elle est aussi particulièrement dynamique, accueillante et entreprenante.

Ensuite, parce que la relation que la France entretient avec les Emirats arabes unis est exceptionnelle : elle à la fois ancrée dans l’histoire, diversifiée et tournée vers l’avenir.

Comme j’ai l’habitude de le dire, cette relation est à « 360 degrés », et très dynamique. Et j’ai aussi la chance et le privilège d’avoir des équipes formidables à l’ambassade et au Consult général.

Cette relation exceptionnelle repose sur une grande confiance entre nos dirigeants, comme en témoigne encore la visite du Président de la République les 1^er et 2 décembre dans le cadre de la COP28 à Dubai – la troisième visite du chef de l’Etat aux Émirats en seulement deux ans.

Les Émirats arabes unis sont l’un de nos principaux partenaires commerciaux dans la région. Notre coopération se développe dans tous les domaines : l’environnement, la défense, l’éducation, la culture aussi bien-sûr – songez par exemple au Louvre Abu Dhabi, ce musée universel, symbole de notre coopération bilatérale, qui a inauguré cette année encore plusieurs nouvelles expositions magnifiques.

Et cela ne s’arrête pas là, puisque nous préparons ensemble l’avenir.

Nous voulons coopérer dans des domaines nouveaux – je pense par exemple à l'espace, ou encore l’intelligence artificielle.

Sur tous ces sujets, j'ai la conviction que nous pouvons réaliser de grandes choses avec notre partenaire émirien.

Un mot sur les décorations remises à des personnalités fortes et emblématiques de la région : Dr. Cheikh Sultan bin Muhammad Al Qasimi, Mme Dr Raja Easa Al Gurg, Abdelmonem Alserkal ?

La France est fière de pouvoir honorer ces personnalités étrangères de renom, avec ses ordres nationaux qui sont anciens et prestigieux.

Son Altesse Sultan bin Mohamed Al Qasimi, Emir de Sharjah, a œuvré de façon exceptionnelle en faveur de l’art et la culture avec notamment la Sharjah Art Foundation, la Biennale ou encore la Foire internationale du livre. L’Emir est un ami de la France, où il se rend régulièrement. Historiquement, c’est d’ailleurs à Sharjah que s’est développée la présence française aux Emirats : la première escale d’Air France vers l’Asie était à Sharjah, de même que la première école française dans le pays. Et récemment, une Alliance française a ouvert ses portes dans l’émirat.

Vous citez aussi Madame Raja Al Gurg, que j’ai également eu le très grand privilège de décorer. C’est une éminente personnalité dans le domaine de l’économie, la philanthropie et l’éducation. En tant que présidente du Dubai Women Business Council, elle est aussi engagée pour la promotion des femmes dans le monde de l’entreprise, ce qui est très positif et reflète bien cette priorité partagée à la fois par les Emirats et la France.

Quant à M. Abdelmonem Alserkal, qui a été décoré de l’ordre des Arts et des lettres, son œuvre au service de la culture est exceptionnelle puisque c’est le fondateur du quartier Alserkal à Dubai. Ce quartier est très inspirant, je vous invite à le découvrir si vous ne le connaissez pas encore ! C’est là que se situe le cinéma indépendant « Akil », qui projette de nombreux films tout au long de l’année et accueille le festival du film francophone, Francofilm, dont le succès va toujours croissant ! Plusieurs galeristes français ont par ailleurs élu domicile au sein du quartier Alserkal.

Votre implication dans les projets culturels. Un coup cœur ? 

Notre action culturelle ici est particulièrement riche, diversifiée et prometteuse. Songez que c’est avec ce pays que nous avons réalisé un projet aussi emblématique que le Louvre Abu Dhabi, un foyer remarquable de culture, de très haute qualité.

Je suis donc très investi dans les nombreux projets culturels que nous développons ici.

Un programme que je suis particulièrement heureux d’accueillir est le programme « Immersion » qui concerne les industries culturelles et créatives : au mois de juin, l’ambassade accueillir une dizaine d’entreprises françaises de ce secteur pour leur faire découvrir la France et ses opportunités. Nos entreprises sont reconnues pour leur caractère innovant et leur excellence dans les arts numériques, la réalité augmentée, l’ingénierie culturelle, la muséographie, la musique, le jeu vidéo ou encore le spectacle vivant. Nous sommes impatients de faire découvrir les nombreuses opportunités qu’offrent les Emirats arabes unis !

Un mot sur la communauté française des Emirats arabes unis ?   

Plus je la rencontre, plus je mesure combien est talentueuse. Et elle ne cesse de grandir : c’est la plus importante dans la région, avec quelque 30 000 personnes enregistrées au Consulat général, et en réalité bien davantage.

Notre Consulat général ne cesse d’enregistrer des naissances. Les enfants sont scolarisés dans 8 grandes et belles écoles françaises que j’ai toujours un grand plaisir à visiter et qui forment au total quelque 12 000 élèves, Français et étrangers confondus. Une jeunesse magnifique ! C’est une source de fierté et je suis toujours ravi d’aller à la rencontre des élèves, des parents et des personnels enseignants.

On ne le sait pas assez, mais la touche française couvre aussi l’enseignement supérieur. Pensez à Sorbonne Abu Dhabi, très active, mais aussi à l’INSEAD, Panthéon-Assas, l’Ecole supérieure de la mode, l’Ecole 42-Abu Dhabi, l’EM Normandie ou encore l’ESCP.

Et puis bien sûr, au plan économique, notre communauté est une force. Les entreprises françaises exportant aux Emirats couvrent l’ensemble de nos savoir-faire : l’aéronautique, les énergies nouvelles, les mobilités, l’environnement, le luxe, le textile, l’alimentation et bien d’autres secteurs. Pensons aussi à la gastronomie : le chef multi-étoilé Alain Ducasse a ainsi inauguré à Abou Dabi une école de cuisine en décembre dernier.

Vos impressions sur la COP28 ?

Cet événement est une belle réussite et nous devons féliciter les Emirats arabes unis qui l’ont organisé et présidé avec succès. Bien avant la COP, la France avait exprimé son plein soutien aux Emirats pour accompagner cet événement, car nous savions qu’il s’agissait d’une étape déterminante, huit ans après la COP21 et l’adoption historique de l’Accord de Paris pour le climat.

Les résultats obtenus à la COP 28 sont très positifs. L’un des principaux engagements pris est de sortir progressivement des énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon) car ces énergies sont la principale cause de l’augmentation des gaz à effet de serre. Sortir de ces énergies fossiles est donc indispensable pour limiter la hausse des températures et respecter l’Accord de Paris.

C’est aussi pour cela que les pays présents à la COP 28 ont également encouragé le triplement des énergies renouvelables, et reconnu le rôle de l’énergie nucléaire dans la décarbonation. Là encore ce sont des avancées importantes.

Dans ce contexte, le consensus obtenu à la COP de Dubai, sous présidence émirienne, envoie un message d’espoir au monde. Il faut s’en réjouir.

Quelles sont les perspectives pour l’année 2024 ?

Après une année 2023 particulièrement dynamique, je regarde la nouvelle année avec optimisme pour notre relation bilatérale. Nous attendons plusieurs visites de haut niveau. Nous avons de nombreux projets très stimulants. Je compte aussi être plus présent sur le terrain, à Dubaï et dans les Emirats du nord.

Et bien sûr 2024 sera une année importante pour le rayonnent de notre pays, avec les Jeux olympiques. Le monde a rendez-vous à Paris en juillet, 100 ans après les premiers JO de Paris et de Chamonix. Nous y célébrerons avec force les valeurs du sport et de la paix.

1. La francophonie sera également à l’honneur avec le Sommet de la Francophonie le 4 octobre prochain à Villers-Cotterêts, lieu où a été inauguré en 2023 la Cité internationale de la langue française. Je rappelle que les Emirats arabes unis sont d’ailleurs membres-observateurs de l’Organisation internationale de la francophonie depuis 2018. Et nous estimons qu’il y a aujourd’hui plusieurs centaines de milliers de francophones aux Emirats arabes unis.
2. 2024 sera aussi une année électorale, avec les élections européennes qui permettront d’élire les 81 représentants de la France au Parlement européen. C’est une échéance démocratique importante et j’encourage tous nos compatriotes à s’inscrire sur les listes électorales. Ils ont jusqu’au 3 mai pour le faire. Aux Emirats arabes unis, le vote aura lieu le 9 juin.