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PAUL RADU - L'investigation dans le sang

Écrit par Lepetitjournal Bucarest
Publié le 14 avril 2015, mis à jour le 9 avril 2015

L'investigation journalistique à l'état pur : voici le travail de Paul Radu. Ce journaliste roumain de 39 ans a monté deux organisations indépendantes de journalisme d'investigation : l'Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) et Rise Project. Les enquêtes qu'il a menées sont des références. La dernière en date est liée au système internationale de fraude fiscale mis en place par la filiale suisse de la banque HSBC (Swiss Leaks). (Cette interview a été publiée le lundi 16 février 2015)

Photo : DR

Lepetitjournal.com/Bucarest : Comment en êtes-vous arrivé à enquêter sur l'affaire Swiss Leaks ?

Paul Radu  : Je suis membre de l'ICIJ (Consortium international des journalistes d'investigation) depuis 2001. En fait, nous sommes deux journalistes roumains de Rise Project à appartenir à cette organisation qui, avec le journal Le Monde, a obtenu les données bancaires de plus de 100.000 clients de la filiale suisse d'HSBC. Nous avons donc pu avoir accès à l'ensemble de ces informations. Mais nous nous sommes surtout intéressés à la partie roumaine de cette affaire.

Justement, combien de Roumains sont impliqués dans ce scandale ?

Ils ne sont pas nombreux mais il y a des choses intéressantes. Notre dernière découverte concerne le compte de la femme de Mihai T?n?sescu, ancien ministre des Finances est actuel vice-président de la Banque européenne d'investissement. Ce compte secret a été ouvert dans les années 1990 et on lui a donné le nom de code Sphynx. À l'époque, la Roumanie cherchait à récupérer la dette égyptienne qui s'élevait à 200 millions de dollars, ce qui représentait une somme importante. M. T?n?sescu était alors le chef de la direction du ministère des Finances en charge des négociations. En parallèle, sa femme était actionnaire d'une société égyptienne qui négociait avec les autorités roumaines sur ce dossier. Le compte Sphinx a été ouvert à la même époque. Finalement, la dette égyptienne a été récupérée en proportion de 63% par l'État roumain. On ne sait pas ce qu'il s'est passé avec les 37% restants.

Quelle est la philosophie de Rise Project ?

Avec quatre autres journalistes roumains, nous avons décidé de créer cette organisation en 2012 après avoir fait le constat qu'il n'existait pas de journalisme d'investigation indépendant et honnête en Roumanie. Le paysage médiatique est tiraillé par les intérêts individuels des patrons de presse qui ont, pour certains d'entre eux, des problèmes graves avec la justice. Je pense qu'il est très important pour les jeunes d'avoir accès à une information correcte. Surtout à l'heure actuelle où il existe de plus en plus de mécontentement. Nous aimerions que ceux qui sortent dans la rue ne crient pas simplement ''à bas le gouvernement'', mais qu'ils sachent exactement pourquoi ils manifestent. Or les informations dont ils ont besoin pour mieux comprendre la situation ne peuvent être obtenues que grâce au journalisme d'investigation.

Certains de vos articles ont été à la base d'enquête judiciaire d'importance...

Oui, nos investigations ont un certain retentissement qui peut entrainer parfois des enquêtes judiciaires. Le dossier des rétrocessions illégales de forêts, qui a touché plusieurs hommes politiques roumains de premier plan, est partie de l'une de nos enquêtes, par exemple. Nous l'avions menée en partenariat avec le journal allemand Die Welt. Une autre de nos investigations, qui a mis en lumière le circuit des intermédiaires dans le cas de la commercialisation maquillée de viande de cheval en France, a également été reprise par de nombreux médias occidentaux.

Vous pratiquez depuis longtemps le journalisme d'investigation ?

J'ai créé en 2007 l'OCCRP (Organized Crime and Corruption Reporting Project, ndlr) avec un journaliste américain établi à Sarajevo. Il s'agit d'une organisation spécialisée dans les investigations transfrontalières. Notre principale zone d'activité s'étend sur l'Europe de l'est, de la Russie jusqu'en Albanie, mais nous avons aussi des projets en Amérique centrale, au Mexique, et en Afrique du nord. Dans chacun de ces pays, nous avons des partenaires avec qui nous réalisons nos investigations. En Russie, par exemple, il s'agit de Novaïa Gazeta, le journal de Anna Politkovskaïa, la journaliste assassinée en 2006 à Moscou.

Comment êtes-vous financés ?

Nos financements proviennent exclusivement de subventions et de fonds publics. Sur le site de l'ORCCP comme sur celui de Rise Project, nous rendons public leur source. Il n'y a pas longtemps, un homme d'affaire roumain est venu nous voir. Il voulait nous aider en nous sponsorisant car il aimait beaucoup notre travail. Mais nous avons refusé. Nous ne voulons pas être impliqué dans des financements privés.

Entretien réalisé par Jonas Mercier (www.lepetitjournal.com/Bucaret) Mercredi 15 avril 2015

Pour plus d'informations : www.riseproject.ro et www.occrp.org

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Publié le 14 avril 2015, mis à jour le 9 avril 2015

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