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Rencontre avec Caroline Laurent venue présenter son roman "Rivage de la Colère"

Caroline Laurent, écrivaine française acclamée, connue pour son talent à capturer l'essence humaine à travers des récits poignants et évocateurs est venue présenter son nouveau roman "Rivage de la colère". Elle explore les thèmes de l'identité, de la famille et de la liberté avec une sensibilité profonde. Son travail lui a valu une reconnaissance internationale en tant qu'auteure contemporaine de premier plan.

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Écrit par Hélène Confuron
Publié le 3 mars 2024, mis à jour le 3 mars 2024

Caroline Laurent devant le Randell Cottage à Wellington. ©Tim Gruar

 

Pouvez-vous nous parler de votre livre? Quelles sont les thématiques phares et pourquoi avez-vous décidé de les aborder?

J'ai écrit et publié plusieurs livres à ce jour, mais celui dont je parle le plus en Nouvelle-Zélande, sans doute parce qu'il est traduit en anglais, est mon deuxième ("Rivage de la colère", devenu "An Impossible Return" dans la version publiée chez Amazon Crossing). C'est un roman qui revient sur une tragédie méconnue, et pourtant récente : celle de l'archipel des Chagos, dans l'océan Indien. Cet archipel, rattaché administrativement et culturellement à son île-mère, l'île Maurice, n'a pas eu droit à l'indépendance en 1968. Il est resté sous le joug de la Couronne d'Angleterre pour des raisons diplomatiques et militaires. Au début des années 1970, en effet, le gouvernement britannique a accédé à la demande secrète de son Allié américain : l'obtention de l'île principale de l'archipel, Diego Garcia, pour pouvoir y construire une base militaire, devenue hautement stratégique en ces temps de Guerre froide. Le pouvoir britannique a alors orchestré la déportation des quelque 2000 habitants de l'île, les Chagossiens, dans le secret et la violence.
J'ai écrit cette histoire parce que l'injustice me révolte et parce que ma mère, qui est mauricienne, a vécu à Diego Garcia au début des années 1960. Avant l'enfer, donc. C'est un devoir de mémoire.

 

Comment les thématiques abordées s’inscrivent-elles dans les débats sociaux actuels? 

Ce livre condense, je crois, toutes les questions liées à la colonisation et à la décolonisation, que l'on sait aussi imparfaite que persistante. Elle brosse le portrait d'une minorité noire laissée pour compte (les Chagossiens sont majoritairement des descendants d'esclaves malgaches), mais aussi de femmes résistantes, pionnières d'un combat qui, sur le papier, ressemble à celui de David contre Goliath. Car le peuple chagossien, envers et contre tout, se bat depuis plus de 50 ans pour pouvoir retourner sur ses terres. Ils incarnent le courage et la dignité de ceux qui n'ont rien, ou pas grand-chose, parce qu'on leur a refusé des conditions de vie décentes.

 

Pouvez-vous partager avec nous ce que représente pour vous la présentation de votre livre, en particulier ici en Nouvelle Zélande ?

On peut trouver des échos dans l'histoire chagossienne avec les spoliations dont les Maoris ont été victimes, ici, en Nouvelle-Zélande. L'appartenance très forte à une terre, à une île, l'identité, les racines, la culture ancestrale sont des éléments structurants de ces deux peuples, et dans les deux cas, leurs droits ont été bafoués par un pouvoir colonial excessivement brutal (il se trouve qu'il s'agit ici du même, le pouvoir britannique). J'ai pu confier cette histoire à des personnes maories qui, je l'avoue, ont été choquées et blessées par cette nouvelle ombre à porter au tableau du gouvernement britannique.

 

Chaque rencontre, chaque échange s'est avéré riche et fructueux pour le débat. Le public est touché par cette histoire qui possède une dimension universelle.


En présentant votre livre en Nouvelle-Zélande, comment envisagez-vous la réception du public néo-zélandais ? Y a-t-il des éléments spécifiques de "Rivage de la Colère" que vous pensez particulièrement pertinents ou significatifs pour cette audience ? 

Chaque rencontre, chaque échange s'est avéré riche et fructueux pour le débat. Le public est touché par cette histoire qui possède une dimension universelle. Tout le monde saisit le drame que cela représente : un jour, des soldats débarquent chez vous et vous donnent une heure montre en main pour rassembler quelques maigres affaires et dire adieu à tout ce qui faisait votre vie. Cela dépasse le cadre de la Nouvelle-Zélande, c'est notre humanité qui est en jeu. Mais le lien qui perdure ici avec l'Europe et singulièrement le Royaume-Uni exacerbe peut-être le sentiment de colère ou de honte, c'est selon.

 

Quel est votre parcours en tant qu'écrivaine ? 

Des romans, un récit personnel, l'an prochain de la non-fiction, de la bande dessinée, et bien sûr mon quatrième roman à venir, qui se déroule en Nouvelle-Zélande... Mon écriture est irriguée par les rencontres et les voyages. Mes livres tournent autour des notions de liberté, de féminité et d'insularité. Je pense qu'ils me ressemblent assez... Quant à vous parler des nombreux prix littéraires que j'ai reçus, de l'accueil chaleureux du public et des médias en France et à l'étranger, je pourrais le faire, mais ce n'est pas le plus intéressant.

 

Pourriez-vous nous donner un aperçu de votre processus de création littéraire ? 

Le roman néo-zélandais que je suis en train d'écrire sera le fruit d'une longue maturation. Deux voyages à Aotearoa, grâce à la bourse et résidence du Randell Cottage à Wellington, sans laquelle rien n'aurait été possible, sans oublier l'accompagnement précieux de l'Ambassade de France et des Alliances françaises ; des lectures d'auteurs maoris et pakehas ; des films ; des sensations et des rencontres qui m'ont apporté beaucoup ; la force des récits de vie des gens. J'absorbe toute cette matière, je la fais mienne. Puis je me lance dans l'écriture, souvent lancée par une phrase précise, une image, mais avec une idée globale du récit assez claire. Je connais la fin de mon livre par exemple, mais pas le chemin qui m'y conduira. Je peux écrire une journée entière sans sortir du Cottage ou au contraire visiter le pays, marcher des heures durant, et avancer un chapitre le soir. Ma règle, c'est de n'en avoir aucune.

 

Quel conseil donneriez-vous aux écrivains en herbe qui pourraient nous lire aujourd’hui ?

Je vais voler la phrase du célèbre docteur qui a sauvé Janet Frame lorsqu'elle se croyait mourir de chagrin et de mal-être : "Keep writing." C'est une lapalissade, mais je n'ai rien de mieux à dire : Écrivez. Continuez. Écrivez encore.

 

 

helene confuron
Publié le 3 mars 2024, mis à jour le 3 mars 2024

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