Édition internationale
Radio les français dans le monde
--:--
--:--
  • 0
  • 1

Pourquoi Trump perd le vote des femmes américaines

Trump  vote femmesTrump  vote femmes
©️Meredith Ludlow
Écrit par Rachel Brunet
Publié le 2 novembre 2020, mis à jour le 3 novembre 2020

En 2016, 42 % des Américaines ont voté pour Donald Trump, malgré les propos misogynes qu’il avait tenu tout au long d’une douloureuse campagne. À quelques heures de l’élection présidentielle 2020, l’électorat féminin penche très sérieusement pour Joe Biden qui a entre 20 et 30 points d’avance sur Donald Trump, un écart historique dans le cadre d’une élection américaine.

 

61 % des femmes pour Biden

Aujourd’hui, les femmes de banlieue ayant massivement voté Trump en 2016 s’en mordent les doigts face à un président qui semble figé des décénnies en arrière, ne considérant même pas que la femme d’aujourd’hui, travaille et, est financièrement indépendante. "Femmes de banlieue, aimez-moi. On va remettre vos maris au boulot" a pris l’habitude de scander le président sortant dans ses nombreux meetings. Une aberration pour les Américaines.

Selon une étude de Pew Research Center réalisée entre fin septembre et début octobre, 39 % des femmes soutenaient encore Donald Trump. Son concurrent démocrate Joe Biden est soutenu par 55 % des femmes et creuse l'écart chez les femmes vivant en zone péri-urbaines et dans la catégorie des femmes hispaniques et afro-américaines. La gestion de la crise du Covid par Donald Trump et la question du racisme aux États-Unis peuvent expliquer ce désaveu.

Une tendance confirmée par un sondage réalisé par CNN et publié le 28 octobre : Donald Trump récolte le soutien de 37 % des femmes interrogées, contre 61 % pour Joe Biden.

Mais qu’a fait Donald Trump pour les femmes durant son mandat ?

 

Conte l’avortement

Alors que Donald Trump prêtait serment à Washington le 21 janvier 2017, des millions de femmes marchaient dans la capitale américaine, et partout aux États-Unis, pour protester contre l'élection du 45e président des États-Unis. Au-delà des propos insultants tenus à l'encontre des femmes, [attraper les femmes par la chatte, NDLR] ce sont ses positions ouvertement contre l'avortement et le droit des femmes à disposer de leur corps librement qui ont inquiété les citoyennes et les citoyens des États-Unis. À juste titre ! Dans l’entourage proche du président, dès le début de son mandat : le Vice-président Mike Pence, qui a restreint l'accès à l'avortement dans l'Indiana où il était gouverneur de 2013 à 2017, Neil Gorsuch, juge à la Cour suprême, contre l'avortement, Mike Pompeo, directeur de la CIA, pour qui l'avortement n'est possible qu'en cas de danger vital pour la mère, ou encore Charmaine Yoest, secrétaire d'État à la Santé et ancienne présidente du groupe anti-IVG Americans United for Life. Le message a été clair dès le départ et  le restera jusqu’à la fin.  Donald Trump, a nominé Amy Coney Barrett, pour succéder à la progressiste Ruth Bader Ginsburg à la Cour suprême. Farouchement opposée à l’avortement, elle appartient au groupe People of Praise lequel prône que les maris ont autorité sur leur épouse et doivent diriger leur famille.

Sur les 50 États américains, 28 sont engagés dans des démarches de limitation de l’avortement.  Leur objectif numéro un : que la Cour Suprême change la jurisprudence nationale. Cette jurisprudence autorise l’avortement depuis 1973 et le célèbre arrêt Roe contre Wade. Voilà l’enjeu d’aujourd’hui. Amy Coney Barrett est le ticket gagnant de Donald Trump dans cette lutte d’abolition du droit à l’avortement. La confirmation de Madame Amy Coney Barrett, approuvée par le Sénat, dont les cent membres ne représentent pas la population américaine de manière proportionnelle, permet désormais à la droite américaine de transformer le pays en profondeur pendant des décennies, la Cour suprême tranchant des questions décisives sur l'avortement, l'assurance maladie, les droits des personnes LGBT+, les régulations environnementales ou encore le sort de millions de jeunes immigrés. Sans oublier de possibles contestations de candidat, lors d’une élection présidentielle.

En avril 2017, le Planning Familial devient aussi la cible de l’administration Trump. Cette organisation qui a pour mission de militer en faveur de l'éducation sexuelle et de garantir aux femmes un accès aux soins de santé et à la santé reproductive, a vu ses financements publics tout simplement annulés par promulguation d’une loi abrogeant la sanctuarisation des financements publics des cliniques du Planning Familial pratiquant l'interruption volontaire de grossesse.

 

Au sein de l’entreprise et de l’école

Quelques mois plus tard, l’administration Trump annulait une disposition de la loi Obamacare, portée par Barack Obama et Joe Biden, qui obligeait les employeurs à prendre en charge les moyens de contraception dans la couverture santé proposée à leurs employés. Déjà accordée à des institutions religieuses, l’exemption avait été étendue à toutes les entreprises commerciales provoquant la colère des associations de défense des droits. Cette disposition concernait 62 millions de femmes.

Puis, c’est l’égalité salariale qui a été la cible de Donald Trump. L’administration Obama / Biden, en faveur de l’égalité Femme-Homme avait approuvé une réglementation qui obligeait les entreprises à rendre public les écarts de salaires entre ses salariés selon leur genre et leur origine. Une avancée sociale balayée par l’administration Trump, qui, dès l’été 2017 a supprimé cette obligation.

Autre pas en arrière pour les jeunes femmes, menée par la ministre de l’éducation, Betsy Devos : pour prouver qu'un ou une étudiante est responsable d'une agression sexuelle ou d'un viol, les universités américaines doivent depuis fin 2017 se fonder sur des preuves plus exigeantes que celles prévues sous l'administration Obama.

En 2016, Donald Trump a conquis la Maison-Blanche en partie grâce au vote des femmes, 53 % des femmes blanches lui avaient accordé leur vote comparativement à 6 % pour les femmes afro-américaines et 26 % pour les femmes latino-américaines.

Joe Biden, ancien vice-président de Barack Obama, a choisi une femme pour porter avec lui, l’avenir du pays en cas de victoire. Avocate de formation, procureure de San Francisco, puis de Californie, Kamala Harris est également rompue à l'exercice du pouvoir. Sénatrice de Californie depuis 2017, elle a marqué les esprits lors des audiences houleuses du candidat controversé à la Cour suprême Brett Kavanaugh, choisi par le président américain Donald Trump. Elle pourrait être la première femme de couleur à accéder à la fonction de vice présidente des États-Unis. Selon Jean-Eric Branaa, un spécialiste des Etats-Unis « Joe Biden a annoncé depuis très longtemps qu'il voulait être un pont vers l'avenir. Pour lui, qui a été élu pour la première fois en 1972, il s'agit de boucler la boucle en portant une femme de couleur au plus près du sommet de l'Etat ».

 

Les femmes, plus impactées par la crise

Parmi les différents points du programme de Joe Biden, un investissement massif pour endiguer le Covid-19. Le candidat démocrate souhaite mettre en place un corps de santé de 100 000 employés consacré à la lutte contre le virus, constituer des stocks de vaccins et lancer d'immenses dispositifs de dépistages sur tout le pays. Et sur se plan, il attaque Donald Trump sur sa mauvaise gestion de la pandémie qui a couté la vie à plus de 200,000 Américain et fracassé l’économie du pays. Alors que les inégalités hommes femmes sur le marché du travail font l’objet de nombreux débats, la pandémie de coronavirus semble accentuer ces défauts d’égalité. En effet, le Covid-19 semble mettre à mal l’emploi des femmes dans le monde, comme le révèle une étude publiée par McKinsey concernant les effets de la pandémie sur le travail.

Selon le cabinet de conseil en stratégie, les femmes seraient 1,8 fois plus susceptibles de perdre leur emploi que les hommes. Les femmes représentent 39% des emplois occupés dans le monde mais représentent 54% des emplois perdus dans le monde en raison du Covid-19. En avril, le taux de chômage des femmes aux États-Unis a atteint 16,2 %, pour 13,5 % chez les hommes.

Dans le contexte du à la crise sanitaire, la pauvreté devrait continuer de s’accroître encore dans la population féminine. Et notamment dans les communautés déjà fragilisées, les femmes noires et hispaniques paient le prix le plus fort, avec des taux de chômage respectifs de 16,4 % et 20,2 %.