Christopher Weissberg: Pourquoi je me suis abstenu sur le Projet de loi Immigration ?

Pour la première fois depuis que je suis devenu député il y a un an et demi, j’ai décidé de ne pas voter comme la majorité de mes collègues du groupe Renaissance sur le PJL Immigration. Les dernières heures de négociation avec Les Républicains ont selon moi trop dégradé le texte final pour assurer l’esprit du texte initial du Gouvernement puis de la commission des lois de l’Assemblée nationale que je soutenais avec conviction.

Double citoyen ayant acquis la nationalité américaine ainsi que la résidence permanente canadienne, j’ai toujours considéré l’immigration comme une chance et une force si celle-ci est maitrisée et garantit une bonne intégration économique.

Le texte « Contrôler l’immigration et améliorer l’intégration » présenté par le Gouvernement il y a un an correspondait à cette philosophie. Ce texte avait pour objectif de donner enfin une vision positive de l’immigration en renforçant l’intégration économique, en améliorant notre capacité d’accueil tout en sanctionnant et expulsant les immigrés délinquants qui jettent l’opprobre sur l’immense majorité des immigrés qui respectent les règles de notre pays. De nombreuses mesures permettaient de renforcer l’intégration par le travail ou par la langue comme le font le Québec et le Canada depuis de nombreuses années. Avec mon collègue Marc Ferracci, nous avions même proposé un amendement pour adapter le système canadien d’immigration sélective au système de passeport talent en France.

Le passage de ce texte au Sénat il y a quelques semaines a changé la donne. Les sénateurs Les Républicains (LR) l’ont durci en intégrant des mesures de plus en plus discriminatoires, souvent inconstitutionnelles, stigmatisant étrangers illégaux, travailleurs étrangers en situation régulière et étudiants étrangers.

A son retour à l’Assemblée nationale, la commission des lois, a nettoyé ce texte inacceptable tout en travaillant à un consensus avec l’ensemble des députés des différents groupes. L’examen du texte en séance publique a été interdit par une motion de rejet des Écologistes ralliés par l’extrême droite, toute la gauche ainsi que les LR. Cette procédure rarement votée a créé une crise politique sans précédent qui a affaibli la position de l’Assemblée nationale au profit du texte honni du Sénat au moment de la négociation entre les deux chambres en commission mixte paritaire (CMP).

Mes collègues de la majorité mandatés pour cette CMP se sont battus pour trouver un compromis qui respecterait nos valeurs. Ils y sont parvenus en supprimant des mesures dangereuses comme l’interdiction des étrangers irréguliers dans les structures d’hébergement d’urgence ou la suppression de l’aide médicale d’état, et en vidant certaines mesures de leur substance comme celles sur le code de la nationalité relatives au droit du sol afin de préserver l’état actuel du droit.

En toute fin de négociation, les LR ont tenté de rajouter une dernière mesure sur la réduction de certaines prestations sociales pour les travailleurs immigrés en situation régulière. Ce changement qui transgresse, certes à la marge, le principe d’égalité de traitement entre toutes les personnes qui travaillent et contribuent à notre économie qu’elles soient françaises ou étrangères correspondait à une ligne rouge que je m’étais défendu de franchir car elle revient sur cette notion d’intégration économique qui est au cœur de mes convictions.

Ce changement a donné au Rassemblement national (RN) une opportunité politicienne de voter ce texte.

Impossible pour moi, dans ces conditions de voter en faveur de ce texte. Je suis résolument incapable de joindre ma voix à celle du RN sur un texte sur l’immigration qui ne correspond pas au projet initial.

Je n’ai pas voté contre car ce texte comporte aussi de véritables progrès pour l’intégration des immigrés avec la régularisation des travailleurs illégaux dans les métiers en tension, la fin du placement des mineurs dans les centres de rétention administrative, le renforcement des sanctions pour les marchands de sommeil, le renforcement de nos capacités à éloigner les étrangers délinquants, l’amélioration de nos dispositifs de traitement des demandeurs d’asile.

J’ai conscience que de nombreuses dispositions de ce texte mériteraient d’être mieux expliquées et je suis évidemment à votre disposition pour répondre à l’ensemble de vos questions sur mon courriel.

Je suis profondément déçu et frustré que les oppositions dans leur ensemble aient interdit un débat important à l’Assemblée nationale par des calculs politiques qui ont affaibli le rôle du Parlement.

Je sors de ce vote plus que jamais convaincu que l’extrême gauche et l’extrême droite tentent inexorablement de nous fracturer et de nous diviser là où il devrait être possible de construire du consensus par des compromis avec les oppositions républicaines.

Le combat contre les idées identitaires et mortifères de Donald Trump et Marine Le Pen resteront toujours la source de mon engagement politique à l’Assemblée nationale comme député et comme citoyen aux Etats-Unis et au Canada.