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Christopher Weissberg : « Je pense que Joe Biden peut-être réélu »

Alors que la réélection de Donald Trump inquiète, Christopher Weissberg se veut rassurant : « la plateforme politique des démocrates est beaucoup plus performante que celle des Républicains ». Installé au café de ses nouveaux bureaux, non loin du Palais Bourbon où il siège, le député des Français de la 1ère circonscription nous parle d’élections américaines mais aussi de l’importance du vote aux Européennes, des bienfaits de la mondialisation ou encore de l’attrait d’un pays qu’il connait bien : le Canada. 

Christopher WeissbergChristopher Weissberg
Écrit par Damien Bouhours
Publié le 25 février 2024, mis à jour le 4 mars 2024

Est-ce que vous avez des craintes par rapport à l’issue des prochaines élections américaines ?

Nous n’allons pas nous servir de langue de bois pour parler d’un candidat qui ne joue plus du tout la langue de bois depuis très longtemps. Tout le monde est inquiet par le phénomène Trump. Du point de vue des Français résidant aux Etats-Unis, les années de Donald Trump au pouvoir ont été extrêmement difficiles, que ce soient pour les droits des expatriés (travel ban et visas), des minorités ou encore des droits reproductifs. La relation transatlantique est également à risque. Il suffit d’écouter ses discours très provocants pour s’en persuader. Donald Trump est proche de Vladimir Poutine et cela ne peut qu’être inquiétant. 

 

Mais pour autant, l’élection n’est pas encore gagnée. Les observateurs ont trop tendance à critiquer Joe Biden pour sa santé et oublier sa plateforme politique. Je pense pourtant que la plateforme politique des Démocrates est beaucoup plus performante que celle des Républicains. Si vous regardez les deux dernières élections, elles sont d’ailleurs un échec pour les Républicains qui persistent pourtant dans leur stratégie de radicalisation. Les démocrates, eux, gagnent le vote populaire depuis des années. Je pense que Joe Biden peut-être réélu et avec le résultat nécessaire pour renverser la Chambre et obtenir une vraie majorité. 

 

Aujourd’hui, l’Europe ne peut plus simplement rester protégée par les Etats-Unis

 

Donald Trump a annoncé qu’il ne souhaitait plus que les Etats-Unis protègent les pays de l’OTAN qu’ils jugent en « dette » et ne contribuent pas à hauteur des 2% requis. La France est à la limite avec 1,9%, est-ce une crainte ? 

L’OTAN et son article 5 garantissent depuis toujours la protection des Etats-Unis envers les autres États membres de l’alliance. Mais cela ne veut pas dire que les autres nations ne doivent pas participer. La France a fait des efforts importants pour enclencher son réarmement après des années de désinvestissement. Nos budgets consacrés à la défense représentent 1,9% du PIB et pourraient probablement passer autour des 2% dans les mois et les années à venir. La France est d’ailleurs l’un des plus gros contributeurs avec le Royaume-Uni, par rapport aux autres Etats membres de l’alliance. L’OTAN ne peut pas fonctionner sans la France aujourd’hui. L’invasion de l’Ukraine par la Russie a été un vrai changement de cap. Aujourd’hui, l’Europe ne peut plus simplement rester protégée par les Etats-Unis. 

Un possible retour de Donald Trump est dangereux car toute diplomatie est impossible avec des personnes instables dont l’attitude intempestive fluctue au gré des opportunités. Donald Trump est transactionnel là où l’instabilité du monde actuel nécessite des engagements forts sur la durée.

 

Christopher Weissberg, député de la 1ère circonscription des Français de l'étranger

 

La durée des visas investisseurs a été rallongée des deux côtés de l’Atlantique. En quoi sont-ils importants dans la dynamique économique bilatérale ? 

Face aux discours nationalistes, Il y a une sorte de fatalisme aujourd’hui à accepter le monde tel qu’il est. Être favorable à la mondialisation est presque devenu une honte. En tant que représentant des Français de l’étranger, je ne peux que constater que la mobilité internationale est bien réelle. Ce dynamisme est donc important pour les relations entre nos deux pays et nous avons besoin de faciliter les échanges en matière d’investissements. Je continue donc de penser que tous les traités de libre échange ne sont pas négatifs. Le CETA n’a pas tous les défauts que ses détracteurs lui prêtent. La France a besoin d’investisseurs américains et canadiens avec qui, contrairement aux Chinois ou Qataris, nous partageons la même vision du monde. Nous avons donc essayé d’accélérer et d’améliorer le visa investisseur que ce soit pour les Français qui veulent investir aux Etats-Unis mais aussi pour les Américains qui veulent faire de même en France. Le CETA (l’AECG) est un accord positif pour les exportations françaises en Amérique du nord et contrairement à ce que disaient ses détracteurs, le bœuf canadien n’est jamais arrivé sur les marchés français.

Défendre  un monde ouvert, c’est aussi comme nous l’avons fait d’accélérer et d’améliorer les visas investisseurs que ce soit pour les Français qui veulent investir aux Etats-Unis mais aussi pour les Américains qui veulent faire de même en France. 

 

Le Québec est une véritable porte d’entrée pour les francophones

 

L’inflation au Canada fait peur à de nombreux expatriés. Alors que le pays fait toujours de l’appel du pied aux ressortissants étrangers, est-ce la fin de l’Eldorado ?

L’inflation y est plus importante qu’en France, notamment sur les loyers et les denrées alimentaires mais le Canada est toujours attractif parce que les salaires y sont toujours plus élevés qu’en France. L’attrait du Canada reste donc important pour les Français, notamment au Québec, qui est une véritable porte d’entrée pour les francophones. Le Québec reste à mon avis une terre exceptionnelle d'immigration pour les Français. La province joue d’ailleurs à fond la carte de l'immigration francophone. 

Mais il ne faut pas négliger d’autres provinces comme l’Ontario, l’Alberta, le Nouveau-Brunswick ou la Nouvelle-Ecosse qui sont très dynamiques et offrent de belles opportunités. Pour de nombreux étudiants, le Québec est plus simple d’accès et offre un chemin tout tracé vers la résidence permanente et la citoyenneté. L’avantage est aussi de profiter de cette expérience québécoise pour s’acclimater et ensuite aller découvrir le reste du pays.

 

 

Les excès de Donald Trump font l’objet de tous les commentaires. Pourtant, la même chose se déroule en Europe

 

Les élections européennes approchent, même pour les Français des Etats-Unis et du Canada. Mais quel est l’intérêt pour eux de voter le 8 juin prochain ? 

Sur le papier, nous pourrions nous dire que cela ne les concerne pas du tout. Pourtant, j’essaie de dire à mes compatriotes, qu’au contraire, leur vote peut totalement faire la différence. Rendez vous compte, aux dernières élections européennes, les Français de l’étranger ont permis d’éviter deux parlementaires RN en moins au profit de députés européens de l’axe républicain. C’est considérable.

En ce moment, aux Etats-Unis, et partout dans le monde, les excès de Donald Trump font l’objet de tous les commentaires. Pourtant, la même chose se déroule en Europe. La forme est peut-être moins fantasque ou moins vulgaire, mais le fond politique et les alliances sont les mêmes, entre Donald Trump, Marine Le Pen ou Eric Zemmour. Steve Bannon en a d’ailleurs parfaitement conscience en étant régulièrement invité par les souverainistes européens. Le risque est donc de laisser le vote à ceux qui sont contre les institutions européennes. 

Pour la première fois de l’histoire de l’Union, une majorité de parlementaires européens pourraient être contre l’Union européenne. D’autant plus qu’il y a moins d’adhésion au projet européen en France. Les Français des Etats-Unis sont les premiers témoins que le repli sur soi des nationalistes est extrêmement dangereux. Si cela se passe au niveau européen, les frontières pourraient se refermer, l’investissement étranger être bloqué et l’expatriation devenir difficile. Avant le vote du 2 novembre, il y a donc celui du 8 juin, et il a autant d’importance pour les relations transatlantiques. 

 

Ce qui compte est que les électeurs voient l’intérêt de l’élection

 

Le problème est pourtant l’abstention… 

Les élections suscitent moins d’adhésion et moins d’intérêt. Cela se complique encore pour les Français de l’étranger avec la distance du bureau de vote. Même si cela coûte très cher par électeur, je suis radicalement pour le vote par internet. Même si cela ne sera pas le cas pour les Européennes, je pense qu’il faudrait que tous les votes soient possibles de façon dématérialisée. J’espère également que la procuration pourra se faire en ligne. Mais au fond, ce qui compte est que les électeurs voient l’intérêt de l’élection. Si vous ne savez pas pourquoi vous votez, vous n’irez pas à l’urne. Il faut se rendre compte que nous sommes à un moment dans notre histoire où chaque vote est particulièrement important.

 

Nous ne vivons pas dans le monde des Bisounours

 

Vous êtes porte-parole du groupe Renaissance, qu’est-ce que votre position en tant que député des Français de l’étranger, apporte à cette visibilité médiatique ? 

En tant que député des Français de l’étranger, j’essaie d’apporter systématiquement une vision comparative des enjeux débattus en France. Comparer permet de progresser et de s’améliorer.

Dans un monde idéal, tout le monde veut des salaires plus élevés et une inflation très basse mais nous ne vivons pas dans le monde des Bisounours, cela représente des choix politiques et économiques.

La réalité, c’est qu’il faut comparer pour mieux comprendre pourquoi ces problèmes sont si complexes. Quand je vais aux Etats-Unis ou au Canada, je constate que l’inflation y est beaucoup plus importante qu’en France. Certes, les salaires sont plus bas, mais notre système social est financé par notre travail. Pourtant lorsque vous écoutez l’opposition, vous avez l’impression que la France est sur le point d’exploser. Quand vous prenez du recul, vous pouvez voir que la situation est plus favorable sur bien des points en France qu’au Canada ou aux Etats-Unis. Tout n’est pas parfait mais lorsque l’on compare nous avons de meilleures chances de voir ce qui marche et ce qui ne marche pas.