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Jean-Pascal Elbaz " Ma passion trouve ses racines dans une forme d'identification "

Jean-Pascal Elbaz vient de publier un livre sur les correspondances de Louis-Charles Damais et Claire Holt 1945-1947. Une publication qui nous apporte des éclairages sur une partie de l’histoire et surtout sur l’indépendance de l’Indonésie. L’occasion pour nous d’aller à la rencontre de l’auteur, mais aussi traducteur, interprète et chercheur qu’est Jean-Pascal Elbaz installé depuis presque 30 ans en Indonésie.

Jean Pascal Elbaz auteur Jean Pascal Elbaz auteur
Écrit par Valérie Pivon Chapuis
Publié le 24 mars 2024, mis à jour le 27 mars 2024

Louis-Charles Damais (1911-1966) a vécu 29 ans en Indonésie, érudit, épigraphe et spécialiste de la littérature et des arts en Indonésie. Il est à l’origine de la création de l’Ecole Française d’Extrême Orient. Le Lycée Français de Jakarta porte son nom depuis 2008.

Claire Holt (1901-1970), journaliste, anthropologue spécialisée dans les arts d'Indonésie a étudié et pratiqué les danses de palais javanais qu’elle a contribué à faire connaître.

 

Jean-Pascal, quel est votre parcours et pourquoi l’Indonésie ?

Mon parcours débute à la Sorbonne où je passe un master en psychologie. Je suis passionné par la littérature depuis mon enfance, je commence à travailler dans le monde de l’édition de littérature contemporaine : P.O.L., Flammarion. Puis je deviens journaliste critique de livres pour des magazines hebdomadaires et professionnels de l'édition. En parallèle de mon activité, dès 1987, je commence à voyager en Asie et décide de quitter la France pour tenter une expérience de vie en Asie. Je travaille six mois pour un éditeur français à Singapour puis je m'installe en juillet 1991 à Jakarta. J’apprends l'indonésien et commence à travailler comme freelance pour différentes institutions comme Ecole Française d’Extrême Orient, l’Ambassade de France et l’Institut Français jusqu’en 1997.

Je serais tour à tour ; responsable d'un programme de traduction pour l'Ambassade, puis directeur de l’Institut Français de Jogjakarta. (1997-2002).

Je quitte l’Indonésie en 2002 pour assurer le poste de directeur de l’Alliance Française de Madras en Inde pendant cinq et reviens en Indonésie en 2008. Je m’installe à Jogjakarta, une ville où j’ai mes attaches. J’ouvre un restaurant Indien et une galerie « Sangam House » (2008-2014).

Depuis ces 10 dernières années, j’ai développé de nombreuses activités : traducteur/interprète pour l’édition et des conférences et des organisations internationales, curateur pour des expositions ou des festivals de films, écriture d'articles, sous-titres de films comme pour le court métrage « Basri et Salma » qui a été sélectionné pour le festival de Cannes...

Pouvez-vous nous parler de votre travail de traducteur et des livres que vous avez traduits qui vous ont le plus marqué ?

J'ai commencé la traduction Français/Indonésien/Anglais au moment de mon installation en Indonésie, mais aussi au sein de mes activités à l'Institut Français de Jogjakarta et à Chennai.

Les livres traduits qui m'ont le plus marqué : 

  • de l'anglais au français : un ouvrage de bouddhisme par un maître Chan (zen) chinois, publié en France (2014)
  • du français à l'indonésien : la pièce de théâtre Les Paravents de Jean Genet, pour une mise en scène par un théâtre contemporain de renom en Indonésie, Teater Garasi (2000)
  •  de l'Indonésien au français : les nouvelles et poèmes de deux jeunes écrivains Indonésiens renommés Intan Paramahdita et Norman Pasaribu (2018)

Vous habitez Yogyakarta depuis 20 ans ? Pouvez-vous nous parler de ce qui vous lie à cette ville.

J'ai construit une petite maison traditionnelle javanaise sur les pentes du Merapi où je vis depuis mon retour à Jogjakarta en 2007. Tant de choses me relient à cette ville; un fort réseau d'amis, anciens et nouveaux, une activité culturelle intense car Jogja reste la capitale culturelle du pays, la proximité avec la nature tout autour de la ville, les traditions de la ville, les temples tout autour, j’ai d’ailleurs publié un guide des temples oubliés de la région et maintenant je retourne à l'université.

D’où vous vient votre passion pour Louis-Charles Damais ?

Ma passion pour Louis Charles Damais est très ancienne. A mon arrivée à Jakarta en 1991, j'ai fait la connaissance avec son fils Mas Sudarmadji Damais alors directeur du Musée Historique de Jakarta. Le parcours professionnel et personnel de son père arrivé à Java en 1937 m’interrogeait : comment faisait-il pour vivre à travers plusieurs cultures, comment vivait-il, ses rencontres… Au cours de nos échanges, je posais de nombreuses questions à son fils.

Louis Charles Damais et son epouse
Louis-Charles Damais et son épouse

Jusqu'au jour où en 1994, mas Adji m'a donné accès aux archives de son père qu'il conservait. Il m’a confié la lourde charge de la mémoire de son père. J'ai étudié pendant un an les documents retrouvés et publié un article sur Louis Charles Damais grâce aux informations trouvées. Puis il y a eu une longue parenthèse due à mes occupations professionnelles, mais j'ai toujours ressenti le poids de la responsabilité d'avoir reçu de la famille Damais leur confiance en me donnant accès aux archives de Louis Charles Damais. J'ai donc commencé à me remettre à étudier ces documents à mon retour en Indonésie en 2007.

Ma passion trouve sans doute des racines dans une forme d'identification avec Louis-Charles Damais, français arrivé en Indonésie à l’âge de 26 ans où il fera sa vie et sa carrière de spécialiste.

Louis Charles Damais et sa famille
Louis-Charles Damais et sa famille

 

Vous venez de publier un livre sur les correspondances de Louis-Charles Damais et de Claire Holt, pouvez-vous nous en parler ?

Ce livre sur la correspondance de Damais-Holt remonte encore à ma découverte des archives, sans rien connaître de Claire Holt ou Damais, j'ai tout de suite eu le sentiment de l'importance de cette correspondance lorsque je l'ai découverte en raison des dates historiques (1945-1947), et du contenu. Damais observe et décrit avec détails ce qu’il se passe à Jakarta à cette période.

Je découvre un aspect inconnu de Damais : il connaissait intimement certains personnages proches des mouvements nationalistes. Il organise des rencontres entre des nationalistes et des Hollandais progressistes.

En 1996, j'ai retranscrit ces lettres mais le projet a échoué, car la veuve de Louis-Charles Damais ne voulait pas voir ces lettres publiées. L’une des raisons était que Damais n'est jamais tendre avec les Hollandais, il prend position et s’engage contre l’anticolonialisme et puis certaines familles étaient encore vivantes.

En 2016, l'EFEO m'a demandé de relancer ce projet, l’ambassade de France a également financé mes recherches. Le manuscrit était terminé début 2020... puis la Covid est arrivée et l'ouvrage qui devait être publié en France a finalement été publié en Indonésie. C’est avant tout l’histoire des Indonésiens, nous avons décidé de le publier en bahasa Indonesia et anglais afin de la rendre plus accessible.

Vous venez de commencer un doctorat sur Louis-Charles Damais, la suite logique à vos recherches.

En 2019, j'ai décidé de reprendre des études, à Jogjakarta, à l'Université catholique Sanata Dharma. D'abord un Master2 en « Cultural Studies » matière qui n'existe pas en France mais qui est pluridisciplinaire et concerne l'études de phénomènes contemporains. Pour mon mémoire, j'ai choisi d'étudier le journal intime de Damais encore inédit et plus particulièrement la période où il arrive en Indonésie (1937-1942).

Et voyant que le sujet est vaste et le journal aussi (1933-1947) j'ai décidé à l'obtention du master en 2023 de continuer et d'étendre mes études avec l’écriture de la biographie de Damais à travers son journal intime.

Mais je ne suis qu’au début de ce doctorat, ma connaissance de Damais, de cette époque fascinante du passage de l’époque coloniale au post-coloniale ne fera que s’enrichir au cours de cette étude.

 

livre louis charles damais Claire Holt

Le livre est disponible en anglais et bahasa indonesia dans toutes les libraires Gramedia en Indonésie et également en version e-book sous ce lien.