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EXPAT – Quand c’est Madame qui fait carrière

Écrit par Lepetitjournal.com International
Publié le 1 septembre 2014, mis à jour le 18 septembre 2014

Elles semblent être de plus en plus nombreuses, ces femmes expatriées qui entrainent leur famille autour du monde. Comment les "hommes d'expat", specimen en voie d'apparition, vivent-ils cette situation ? Témoignages

photos Corbis
Pendant longtemps il n'a été question que de femmes d'expat qui suivaient leur mari à l'étranger. Aujourd'hui, la réalité est bien loin de ce stéréotype. Quand elles partent à l'étranger, par choix ou non, de très nombreuses femmes défendent leur parcours et rebondissent professionnellement, même si les disparités de revenus entre les hommes et les femmes restent une réalité qui affecte également les Français expatriés. D'après l'étude 2013 de la Maison des Français de l'étranger, le taux d'emploi des femmes atteint 75,1% chez les 25-49 ans (84% en France). 22% des femmes expatriées gagnent 60.000 euros ou plus de revenus annuels nets moyens (contre 78% des hommes). 2 % sont des chefs d'entreprises de 10 salariés ou plus (9 % des hommes). Si 70% des expatriés sont mariés, la proportion chez les femmes expatriées reste inférieure à 40%. Elles seraient entre 20 et 30% à entraîner leur conjoint et leur famille dans leur sillage : on est encore loin de la parité, mais ces chiffres semblent progresser chaque année.

"D'une façon générale je constate autour de moi de plus en plus de conjoints homme dont les femmes ont été mutées en Chine, explique Thibaud. Dans mon environnement proche je connais sept couples dans cette situation ce qui me semble assez conséquent. Je dis toujours que nous sommes une race en voie d'apparition ! C'est une très bonne chose, cela montre que la société évolue".  

Un choix plus ou moins facile
Hervé a suivi sa femme à San Francisco sans états d'âmes : "Nous n'avons pas hésité. Nous pensions que cela était une chance exceptionnelle pour son développement professionnel mais aussi pour nos enfants".  V. a choisi de faire une pause dans sa carrière : "il est normal que les femmes qui ont les compétences et la motivation ne soient pas toujours celles qui doivent céder la place. Avec un Bac + 5 et une bonne expérience professionnelle internationale, j'aurais pu faire le choix de poursuive ma carrière concomitamment à celle de ma femme. A part l'argent, que cela aurait-il apporté de plus à notre famille ? ".

Mais pour François, qui a suivi sa femme à Tokyo, "ce mode de vie peu commun sort des sentiers battu et il est plus difficile pour un homme de se faire "entretenir" par son épouse que l'inverse..." Gérald lui, a posé ses conditions pour quitter son poste de chef de projet dans un grand groupe français : "Ok pour une expatriation mais avec le cahier des charges suivant : hors d'Europe  (Londres après Bruxelles me paraissant moyennement exotique), un timing me permettant de préparer ma sortie de poste et de profiter de la partie du développement projet que je n'avais pas encore connue, et l'assurance que nous nous en sortirons financièrement si je ne trouve pas de travail."

Des intrus parmi les femmes d'expat
La famille de  Gérald s'est installée à Hong Kong en aout 2012. "Pour moi la transition a été rude. D'une position de cadre exposé et valorisé qu'une équipe projet de 250 personnes sollicite toute la journée, je me suis retrouvé dans une situation d'homme au foyer dans un appart/hôtel avec 2 enfants et très peu de jouets, le tout sous une chaleur écrasante. Mise à part la sieste avec le plus jeune, je ne disposais de guère plus de temps mort qu'avant : courses, un peu de cuisine, aller/retour à l'école du grand, repérage de la ville et de ses commerces?et piscine. Au cours de ce processus d'installation, je me suis rendu à différents cafés d'accueil. Bien que ce soit une mine d'informations, j'ai arrêté rapidement cette activité, lassé d'être généralement le seul «mâle» -qui plus est « dominé »-  et de participer à des conversations où mes interlocutrices ponctuaient nombre de leurs phrases par des «pour nous les femmes». L'homme reste un intrus quand il s'immisce dans les activités «réservées» aux mamans. Par exemple, à la fin de l'année scolaire on remercie chaleureusement les «mamans» qui ont participé à la vie de la classe mais pas un mot ou regard pour le papa qui s'est coltiné (globalement avec plaisir) toutes les sorties et la moitié des séances de piscine?"

 

Même constat pour Hervé à San Francisco : "j'étais un homme au milieu de femmes. Je ne me suis pas senti exclu mais je n'étais pas non plus forcément invité aux cafés, balades nature et évidemment diner des filles. Et lorsque nous nous retrouvions dans les parcs pour que les enfants jouent ensemble, c'était très agréable mais les sujets de conversations n'étaient pas forcément de mon gout. Et lorsque je retrouvais des hommes, c'était également le cas puisqu'ils parlaient de leur travail et d'aspects techniques qui me sont totalement étrangers". Gérald avait même "parfois l'impression que les expatriés hommes me regardaient avec dédain voire fuyaient comme s'ils craignaient une certaine contagion".

Pour Thibaud, "de manière concrète les ajustements se font peut être de manière un peu plus chaotique car les femmes qui travaillent comme expatriées ont souvent moins de temps pour les enfants et aimeraient être un peu plus à leurs côtés et les hommes ont peut être un peu moins la fibre de faire des devoirs et d'être disponible comme une femme sait l'être. Ceci dit de manière globale tout se met bien en place".

Rebondir professionnellement
Près de 75 % des hommes ayant suivi leur conjointe à l'étranger travaillent (source MFE2013). Pour autant, trouver un emploi n'est pas toujours une sinécure. "Mise à jour du CV sauce hongkongaise, rencontres à la chambre de commerce, contacts des recruteurs", au bout de quelques mois à Hong Kong, le constat de Gérald est amer : "Les recruteurs locaux veulent absolument me recaser dans ce que je faisais précédemment. Ici tout ou presque passe par le « réseau ». Pas évident pour moi, personne introvertie qui débarque et qui ai toujours évolué plutôt grâce à mes résultats qu'à mon relationnel. Il fallait donc recommencer à zéro dans tout autre chose, supporter les remarques récurrentes du genre « pourquoi tu ne montes pas ta boite ? » (ben ? faut avoir une idée, un projet, des ressources), « pourquoi tu bosses pas dans le luxe ? » (je ne suis pas contre mais mon CV industriel n'est pas très vendeur apparemment) ? remarques qui proviennent souvent de gens qui n'ont jamais réussi voire même tenté l'effort d'un tel changement !"

"A plusieurs reprises, je me suis demandé ce que je faisais au Brésil, pourquoi et à quoi je servais, raconte François B.. Le plus dur est l'inactivité professionnelle même si je ne reste pas inactif pour trouver un job... C'est d'autant plus dur à vivre que j'ai toujours travaillé durant ces vingt-six dernières années sans interruption à des postes de management. Alors, il faut se fixer des objectifs pour ne pas tomber dans des moments de déprime. J'ai donc plusieurs pistes pour travailler au Brésil. L'une d'elle est de créer une entreprise avec une conjointe d'expatrié ( qui est dans le même cas que moi) et le moins que l'on puisse dire, c'est que cela occupe pour aboutir à monter à bien ce projet".

V.  trouve "dommage, navrant, inexplicable, que les grandes entreprises, en particulier françaises, ne cherchent pas à utiliser les compétences des conjoints en leur offrant une activité à mi-temps, en les aidant dans leurs recherches s'ils souhaitent retravailler, en les aidant à créer leur entreprise y compris au niveau des visas. Le plus grand gâchis pour l'entreprise, pour les expatriés et pour les conjoints est probablement à ce niveau !".

Pour François, "le premier challenge en arrivant au Japon était de trouver une activité régulière, en tant que chef de cuisine le fait de devoir mettre de coté ma carrière professionnelle n'était pas envisageable. Après 3 ans passés au service dune personnalité politique importante, le fait de rentrer en France a nécessité pour moi de devoir, une fois encore, remettre ma carrière en question. Ce n'était pas franchement pour me ravir ! Mais cela fait partie des règles du jeux quand l'on s'expatrie et il est important d'en être parfaitement conscient."

"Dans cette expérience de conjoint, je me suis efforcé de me mettre dans une situation de recherche d'emploi « classique », comme si j'avais été en France, raconte Guillaume, de Sao Paulo. A la simple différence qu'ici cela demande un investissement en énergie et en temps trois fois supérieurs. J'ignore à cette date si cela sera une stratégie payante sur le plan personnel, et si je n'aurais pas mieux fait de profiter de cette période pour mener à bien un projet différent. Toutefois c'est la voie que j'ai choisie aujourd'hui et c'est celle qui à mon sens me permettra de trouver le meilleur équilibre familial. C'est aussi celle qui nous permettra en couple de ne pas voir cette expatriation comme une simple « mission » mais bien comme un projet de vie à long terme, ici ou à l'international".

On positive
"Ma femme, au demeurant très sympa, me dit de profiter de ces mois et de ne voir que le positif, ajoute François B. Mais le positif s'arrête t-il à la plage et à profiter de Rio ? Bref, le plus important est de se tenir "actif" intellectuellement parlant, de faire travailler ses neurones et d'avoir des objectifs bien clairs dans sa tête pour maintenir le cap.... Et bien sur de se sentir soutenu par ses proches. Autrement, le Brésil est magnifique, mais la vie de conjoint d'expat n'est pas aussi simple que cela..."
En rentrant à Paris, Gérald devra retourner dans sa multinationale : "je sais déjà que je ne finirai pas ma vie dans une telle structure. Il faut donc que je profite de cette parenthèse pour trouver une porte de sortie et la préparer. En plus de tout ce qui est positif pour l'ensemble de la famille à Hong Kong, cette période est aussi l'occasion de faire des choses pour lesquelles je n'étais plus disponible. Faire du sport, écouter de la musique comme quand j'étais adolescent (à forte dose, en recherchant des nouveautés, en redécouvrant des classiques?)". 
"Nous voulions une vie équilibrée et qu'en aucun cas, notre petit garçon ne soit élevé par une maid, explique V. Quand je le vois aujourd'hui si épanoui lui aussi, je n'ai pas le moindre regret".
Aujourd'hui Thibaud a retrouvé un travail, mais auparavant, il s'est investi pour une association, l'UFE, et "les cafés rencontres ont été remplacés par des activités sportives. Nous avons fait beaucoup de jaloux !"

Des envieux ?
Gérald constate en effet que ses amis quadragénaires restés en France lui envient "la nouveauté au quotidien, le temps que je peux accorder à mes enfants, le sentiment que je peux profiter d'eux et pas seulement « enchaîner » les semaines avec eux, ainsi que le recul et le temps que je peux prendre pour trouver des réponses aux questions qu'on semble tous se poser à l'approche de la quarantaine".
François ne regrette "absolument pas cette superbe expérience de 4 an au Japon où notre fille a vu le jour". Pour Hervé, "l'expérience américaine a été merveilleuse, très enrichissante. Nos enfants sont exceptionnels et c'est un vrai plaisir de s'occuper d'eux. Depuis deux ans, nous sommes revenus en Europe. J'y poursuis mon activité professionnelle (recruteur) depuis la maison pour essayer autant que possible, d'être disponible pour les enfants encore et toujours. Je ne regrette rien."

MPP (www.lepetitjournal.com) lundi 30 septembre 2013

 

Ecoutez aussi :  VIVRE AILLEURS Quand le conjoint est un homme
(06:43)
 
 

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logofbinter
Publié le 1 septembre 2014, mis à jour le 18 septembre 2014

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