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MOOC - Nouvelle page de l'enseignement français ?

Écrit par Lepetitjournal.com International
Publié le 6 novembre 2013, mis à jour le 5 novembre 2013

Avec les déclarations de Geneviève Fioraso début octobre et l'ouverture de la première plateforme de MOOC française baptisée France Université Numérique (FUN), le débarquement de l'enseignement en ligne en France est une opportunité à saisir. L'hexagone saura-t-il sortir de l'ombre des géants américains ?

C'est une petite révolution dans le milieu de l'enseignement et pourtant rares sont ceux qui savent véritablement de quoi il s'agit. Selon Lemonde.fr, 5% des étudiants et 18% des enseignants français disent connaitre les MOOC. L'acronyme signifie "Massive Open Online Course", c'est-à-dire des cours académiques diffusés en ligne et ouverts à tous. Le phénomène est relativement nouveau puisque les deux principales plateformes aujourd'hui sont les américains Coursera et edX nés en 2012. La promesse d'un format pédagogique plus moderne et plus démocratique peut faire rêver, et pourtant elle soulève déjà des interrogations.

Des cours FUN

FUN (France Université Numérique) est le nom de la plateforme française lancée par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche courant octobre. Annoncée au début du mois, elle ouvrait ses portes le 28 pour n'être effective qu'en janvier. Elle devra donc héberger des centaines d'heures de cours, gratuitement disponibles et destinés au grand public. Concrètement, pour s'adapter au support numérique, le cour magistral est filmé puis augmenté d'une série de liens et de documents audiovisuels en ligne.

Première révolution, en terme d'audience : les étudiants inscrits à l'université pourront y assister, mais aussi les salariés, les retraités et les sans emploi qui auront un libre accès au site et à ses contenus. L'enseignement est largement démocratisé, car que l'on souhaite améliorer son anglais, réviser l'histoire de France ou devenir le meilleur développeur web sur le marché, tous les publics et tous les sujets y sont les bienvenus.
Deuxième révolution : pas de limite de participants, tout ceux qui le souhaitent peuvent se connecter en même temps, les salles de classes deviennent de gigantesques amphithéâtres virtuels. Les plus célèbres  cours aux Etats-Unis accueillent parfois des dizaines voire des centaines de milliers d'auditeurs. Les leçons peuvent  être participatives, de l'élaboration des cours à leur correction. Ainsi s'ouvre un forum de discussion inouï. Les penseurs du siècle des Lumières peuvent rougir.

Polytechnique et Columbia dans la même journée

"J'ai une heure avant d'aller chercher les enfants à l'école, et si je passais à HEC ?", "rien à la télé ce soir, un petit tour à Oxford ?". Les MOOC sont simples comme bonjour et permettent d'accéder aux cours les plus prestigieux à travers le monde. En effet Coursera et edX (cités plus haut) sont fondés par des anciens de Stanford et d'Harvard. Les deux plateformes comptent à elles deux plus de six millions d'inscrits. Cette notoriété mondiale a rapidement attiré des établissements outre-atlantique dont notre chère Ecole Polytechnique. Celle-ci propose certains de ses enseignements sur le site Coursera, une visibilité internationale non négligeable pour "l'X". Autant de cours qui seront regroupés sur FUN d'ici janvier.


Ouverture de la plateforme FUN - France... par fr-universite-numerique

Quelques craintes d'ordre pédagogique subsistent. D'une part le ratio entre les étudiants inscrits et ceux qui vont jusqu'au terme du cours est encore très faible. Dans certains cas, seuls 10% des étudiants inscrits terminent leur enseignement en ligne. A moins de contrôler les présences, les résultats ne sont pas meilleurs que dans un cours magistral traditionnel. A noter que suivre les cours et réussir ses examens n'est pas synonyme d'une obtention de diplôme, car ce dernier pour être reconnu nécessite une inscription payante...
D'autre part, Lyonel Kaufmann professeur à Lausanne nous apprend que le modèle présenté par Coursera et edX est dangereux pour le corps professoral des petits établissements :

"Dans un premier temps, des professeurs dits « superstars » développent des cours en ligne attirant un grand nombre d'étudiants. Dans un deuxième temps, pour un coût dérisoire, ces cours sont ensuite mis à la disposition d'Universités aux moyens financiers limités et cherchant à limiter leurs coût salariaux".

Cette mondialisation des enseignements pourrait alors créer une forme de concurrence internationale entre les enseignants. Les lois du marchés sélectionneraient désormais les cours les plus renommés et élimineraient les autres, faisant disparaître les "petits professeurs" par la même occasion... 

Et le "made in France" ?

Mais avant même d'aborder ces sombres perspectives, d'autres problèmes apparaissent. La plateforme FUN, lancée en octobre par la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche Geneviève Fioraso est une occasion idéale pour la France. Forte du plus gros réseau d'enseignement international, l'hexagone peut mener un rôle de leader dans le domaine des Massive Open Online Courses à condition d'utiliser la carte "made in France". En effet, en proposant à une entreprise nationale de développer l'hébergement d'une telle plateforme la ministre pourrait s'offrir une place en or sur un marché encore jeune. Malheureusement le MOOC à la française se construit sur les bases d'edX qui est conçu en partenariat avec Google. Dans un souci d'efficacité et d'immédiateté, FUN a donc été élaboré sur les acquis et l'expérience du géant américain, une décision prudente mais qui n'est pas sans faire enrager les start-up françaises qui s'étaient lancées dans l'aventure des MOOC. "C'est un véritable pied de nez au made in France numérique", déplore Loïc Rivière, délégué général de l'Association française des éditeurs des logiciels et solutions Internet.

Financée à hauteur de 12 millions d'euros dans le cadre du programme d'investissements d'avenir, l'initiative publique n'a d'ailleurs pas l'ambition de ses confrères américains :  les moyens mobilisés sont jugés insuffisants au regard des montants levés par les MOOC américains Coursera (65 millions de dollars) et edX (60 millions).  
Interrogée par France Culture, Mme Fioraso a affirmé que l'idée était "d'aller vite. Nous avons choisi la solution expérimentale qui nous paraissait la plus opérationnelle".
Pour Matthieu Cisel, doctorant à l'ENS Cachan, qui suit le sujet de près : "Cette plateforme est une Rolls ; en France, il n'y avait que des 2-CV qui roulent à peine. C'est vrai qu'il est dommage que ce soit les Américains qui le fassent, mais ils offrent sur un plateau une solution très performante".

La solution peut être la plus opérationnelle dans l'immédiat, mais elle peut également s'avérer sacrificielle à l'avenir. Si la France a un rôle à jouer dans cette innovation qui pourrait changer le visage de l'enseignement dans les années à venir, il est important qu'elle prenne le train à temps.

David Attié (www.lepetitjournal.com) Mercredi 6 novembre 2013

En savoir plus : 

MOOC: lancement de la plate-forme nationale, ça va être FUN

Derrière le MOOC à la française : Google

La chronique : l'histoire est-elle soluble dans les MOOCs ? 

logofbinter
Publié le 6 novembre 2013, mis à jour le 5 novembre 2013

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