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COUP D’ETAT – Prayut intronisé, les anti-coups prêts à défier son ultimatum

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Écrit par Lepetitjournal.com Bangkok avec AFP
Publié le 25 mai 2014, mis à jour le 19 mai 2020

Prayut Chan-O-cha, qui a pris le pouvoir le 22 mai, a reçu lundi l'approbation du palais royal pour sa nomination à la tête du Conseil national pour la paix et l'ordre (NCPO) qui dirige désormais les affaires du pays. Face aux manifestations quotidiennes demandant la fin du coup d'état et des élections au plus vite, le chef de la junte militaire a menacé de réprimer toute nouvelle contestation de son autorité dans la rue. Malgré cet ultimatum, un nouveau rassemblement des anti-coups se préparait lundi soir

Le général Prayut Chan-O-Cha est apparu à la télévision lundi, en uniforme blanc, s'agenouillant non pas devant le roi Bhumibol en personne, mais devant un portrait du monarque, lors d'une cérémonie organisée au quartier général de l'armée.
Considéré comme le ciment de cette Nation très divisée politiquement, le roi, âgé de 86 ans, à la santé fragile après avoir été longtemps hospitalisé, vit dans son palais de Hua Hin, station balnéaire au sud de Bangkok, et apparaît peu en public, prenant encore plus rarement la parole. «Afin de restaurer la paix et l'ordre, et pour le bien de l'unité du pays, le roi a nommé le général Prayut Chan-O-Cha», lequel aura pour mission «d'administrer le pays à partir de maintenant», dit l'ordre du palais lu lors de la cérémonie.

Juste après cette cérémonie, lors d'une conférence de presse, le général Prayut a promis de nommer un Premier ministre par intérim et de mettre en place un cabinet, sans toutefois s'avancer sur un échéancier. Le chef du Conseil national pour la paix et l'ordre (NCPO) a également insisté sur le fait que le NCPO n'avait aucune envie de conserver le pouvoir.

Il a aussi averti les opposants au coup d'Etat qu'il ne tolèrerait plus aucune manifestation, et ce dès lundi.
Criant «dehors» et arborant des banderoles «Stop au coup», un millier de Thaïlandais avaient bravé dimanche l'interdiction de manifester décrétée par la junte dès jeudi dernier, entre autres restrictions aux libertés civiques. Des rassemblements anti-coups, plus modestes mais croissants, avaient eu lieu les jours précédents. "Je n'ai pas peur d'eux (des militaires) parce que plus nous aurons peur, plus ils nous marcheront dessus", disait dimanche l'un des militants, Kongjit Paennoy, sur la place de Victory Monument.

Manifestations anti et pro-coups

Si les opposants manifestent à nouveau, «je vais intensifier l'application de la loi et vous devrez comparaître devant le tribunal militaire», a déclaré le chef de la junte lors de sa première conférence de presse depuis sa prise de pouvoir, faisant craindre des violences, alors que des manifestations étaient attendues lundi en fin de journée sur la place de Victory Monument, faisant craindre des affrontements. Les militaires avaient fait fermer les stations de métro aérien de Phaya Thai, Victory Monument et Sanam Pao comme pour se préparer à réprimer le mouvement. Mais finalement la foule s'est dispersée vers 18h.

La junte peut désormais s'appuyer sur cette approbation royale pour affirmer sa légitimité. «Les militaires ont besoin d'une approbation royale explicite, et vite», dans ce pays où le roi a un statut de demi-Dieu, a analysé Paul Chambers, politologue américain spécialiste de la Thaïlande. Traditionnellement, les prises de pouvoir par l'armée s'y font avec l'aval du palais, selon les experts.

Mais à Bangkok, le coup d'Etat faisait aussi l'objet d'une manifestation de soutien organisée autour du Monument de la Démocratie - les participants considèrent que le coup est un passage obligé certes peu démocratique en soi mais nécessaire pour rétablir l'ordre et éradiquer ce qu'ils appellent le régime Thaksin. L'intervention militaire était en effet espérée depuis plusieurs mois par les manifestants anti-gouvernementaux emmenés par le tribun Suthep Thaugsuban qui ont accueilli jeudi l'annonce du putsch comme une victoire, sinon une libération.

En sept mois de manifestations organisées par l'opposition avant la prise de pouvoir par l'armée, 28 personnes ont été tuées, la plupart dans des tirs et jets de grenade d'origine inconnue en plein Bangkok. La situation reste fébrile, depuis l'annonce jeudi dernier de ce coup d'Etat, le 19e putsch, réussi ou raté, depuis l'instauration de la monarchie constitutionnelle en Thaïlande en 1932.

Le nouveau régime a dissous le Sénat samedi, conservé jusqu'alors malgré la suspension de la Constitution, et confié l'autorité législative au général Prayut, qui concentre ainsi désormais tous les pouvoirs.

De nombreuses personnalités politiques détenues

Et depuis dimanche, le crime de lèse-majesté et celui de «menace à la sécurité du royaume» relèvent des tribunaux militaires, sans possibilité d'appel. Cela concerne toute critique «du roi, de la reine, des héritiers et des régents», a précisé l'armée, alors que la Thaïlande possède déjà une des lois de lèse-majesté les plus strictes au monde. Plusieurs Thaïlandais critiques de cette loi, qui contribue à rendre taboue la question de la royauté, purgent déjà d'importantes peines de prison.

La junte a aussi placé en détention de nombreuses personnalités politiques, en particulier l'ex-Première ministre Yingluck Shinawatra, s?ur de Thaksin Shinawatra, ancien chef de gouvernement chassé du pouvoir par un précédent putsch en 2006. Le sort de plusieurs d'entre eux restait peu clair lundi, notamment celui des responsables politiques emmenés sous escorte hors de la table des négociations convoquées par l'armée juste avant le coup d'Etat.

Parmi eux, Suthep Thaugsuban, le meneur des manifestants contre le gouvernement déchu, poursuivi notamment pour insurrection, a été transféré lundi à la justice civile. Soutenu par l'élite traditionnelle proche du palais selon les analystes, il avait manifesté pendant sept mois dans Bangkok.

Suthep deux fois libéré sous caution

Suthep Thaugsuban, leader des manifestations contre le gouvernement thaïlandais renversé par l'armée, a été libéré lundi sous caution par la justice, a annoncé un de ses avocats, précisant qu'il était interdit de sortie du territoire.

Suthep est libre maintenant de rentrer chez lui, a déclaré Bandit Siripan. Il avait été interpellé jeudi dernier au moment du coup d'Etat, avant d'être finalement remis à la justice civile par l'armée lundi matin. Mais il n'a pas le droit de voyager hors du pays.

Suthep, portant toujours autour du cou le sifflet devenu le symbole des manifestants contre le gouvernement renversé, faisait l'objet d'un mandat d'arrêt pour insurrection dans le cadre de son rôle dans ce mouvement commencé à l'automne contre le gouvernement de Yingluck Shinawatra.

La justice a imposé une caution de 100.000 bahts (2.250 euros) pour sa libération dans cette affaire, a précisé l'avocat Puangthip Boonsanong. Plus de 20 autres leaders du mouvement faisant l'objet des mêmes accusations ont également été libérés, certains sans caution.

Suthep a ensuite fait face à la cour criminelle dans une autre affaire, où il a également été libéré contre une nouvelle caution de 600.000 bahts, selon sa défense.

Cette affaire est liée à des poursuites pour meurtre pour son rôle dans la répression des manifestations antigouvernement de 2010, lorsqu'il était vice-Premier ministre.

Les Chemises rouges, partisans de l'ancien Premier ministre en exil Thaksin Shinawatra, frère de Yingluck, avaient alors occupé le centre de Bangkok pendant deux mois, avant un assaut de l'armée. La crise avait fait plus de 90 morts et 1.900 blessés. La première audience est prévue le 28 juillet, selon sa défense.

Les leaders des Chemises rouges ne semblent pas avoir été libérés.

L'armée a prévenu que Yingluck et d'autres personnalités détenues pourraient n'être relâchés qu'au bout d'une semaine, soit jeudi.

Et ce sans charges, en raison de la loi martiale en vigueur. La situation de Yingluck n'était pas claire lundi. «Nous nous occupons d'elle. Elle va bien. Elle peut choisir de rester où elle veut», a indiqué le lieutenant-général Thirachai Nakwanich, commandant de l'armée dans la région centre.

Outre Yingluck, plus de 200 politiques ou universitaires ont été convoqués par le régime, qui n'a pour l'heure pas révélé l'ampleur des détentions.

Avec AFP (http://www.lepetitjournal.com/bangkok) lundi 26 mai 2014
 

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