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Blandine M. du Biest met en lumière la vie de l’artiste peintre Frances Hodgkins

Elle fêterait le 28 avril ses 155 ans. Dans le cadre de la diffusion du film documentaire "Frances Hodgkins anything but a still life" sur la peintre néo-zelandaise Frances Hodgkins, nous sommes allés à la rencontre de Blandine Massiet du Biest, réalisatrice française établie en Nouvelle Zélande, qui a su mettre en lumière la vie oubliée de cette artiste néo zélandaise feministe et visionnaire, tombée amoureuse du vieux continent au début du vingtième siècle.

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Écrit par Hélène Confuron
Publié le 28 avril 2024, mis à jour le 1 mai 2024

Pouvez-vous nous expliquer ce qui vous a amenée en Nouvelle Zelande ainsi que la genèse de ce film?

Après des études de lettres et d'audiovisuel en France, je suis partie vivre en Angleterre où j'ai rencontré mon mari kiwi. Nous avons vécu 6 ans en France et avons décidé de venir nous installer en Nouvelle Zélande, il y a maintenant 19 ans. Passionnée de montage, j'ai commencé à travailler comme assistante monteuse. Mes enfants étaient scolarisés à l'école française de Richmond road, une école participante qui a pu voir le jour grâce à l'initiative des parents. J'ai donc pensé qu'il serait pertinent de faire un documentaire sur la création de cette unité bilingue, ce qui m'a permis aussi de faire mes armes dans ce domaine.

J'ai ensuite participé à plusieurs projets de l'Art Gallery d'Auckland en organisant des week-ends pour les français et francophiles de la région. L'Art Gallery exposant beaucoup d'art moderne, j'ai eu la chance d'avoir accès à plusieurs œuvres d'artistes, et Frances Hodgkins en particulier. En 2019, l'exposition sur la peintre Frances Hodgkins: European Journeys a vu le jour. Dans ce cadre, la senior curator de la galerie Mary Kisler voyageait en Europe et, étant moi même à Paris durant cette période, nous nous y sommes retrouvées. Frances fut l'une des premières professeures d'aquarelle à Paris et je voulais aller sur ses traces. L'école dans laquelle elle enseignait avait disparu et nous y avons trouvé un restaurant. En y jetant un coup d'œil, nous nous sommes rendues compte que l'école avait été intégrée dans l'Académie de la Grande Chaumière. Nous sommes entrées dans ce lieu et avons été émerveillées par ce magnifique studio de dessin de nus, fidèle à un studio du dix neuvième siècle. Nous avons donc filmé plusieurs plans et c'est à ce moment qu'est venue l'idée de faire un film sur la vie de l'artiste.

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                 Blandine Massiet du Biest

 

Ce film m'est très précieux et j'espère que la détermination de Frances donnera envie aux femmes artistes de se libérer des difficultés à se faire reconnaître.

Pouvez-vous nous parler des débuts de ce film biographique? 

Ce projet représente un investissement personnel très important puisque je l'ai écrit, monté et réalisé seule. Je suis, dans un premier temps, allée à la rencontre d'une productrice expérimentée en films d'art. Je suis sortie de ce rendez-vous assez découragée puisque selon elle, personne ne me connaissait et que donc, je n'aurais pas de fonds. Quelque temps après, nous sommes partis vivre 8 mois en France avec ma famille et j'ai pris connaissance du fond d'amitié Franco-néo-zélandais qui avait été mis en place pour promouvoir les actions de coopérations culturelles entre les deux pays. Nous étions en 2019 et c'était la dernière année que cette opportunité existait. J'y ai eu accès, ce qui m'a permis d'acheter ma caméra et de financer mon premier voyage.

Ce projet a duré 4 ans, j'ai tourné toutes les scènes qui se passent en Europe et de retour en Nouvelle Zélande, j'ai conduit les interviews. Le covid m'a également donné un temps précieux pour travailler sur le montage du film afin de le présenter au Doc Edge Festival. J'ai eu la chance d'être sélectionnée ce qui m'a permis d'avoir accès au finishing found de la NZ film commission et donc de travailler avec une compositrice pour la musique et de payer le mixage et la conformation.

Comment avez-vous rencontré les personnes clefs du documentaire?

Tout d'abord, j'ai lu tout ce que j'ai pu sur la vie de Frances grâce au catalogue raisonné disponible en ligne qui regroupe de nombreuses lettres et photos d'époque. Marie Kisler, la curatrice de l'exposition sur Frances Hodgkins en 2018; est la spécialiste qui m'a beaucoup soutenue. Elle m'a permis de rencontrer Linda Taylor et j'ai contacté directement Joanne Drayton qui avait écrit un livre sur la vie de Frances Hodgkins. Grâce à l'exposition de 2019, j'ai aussi fait la connaissance de fabuleux artistes comme Star Gossage. J’ai aussi fait la rencontre de la designer Kate Silverster qui a créé une collection en s'appuyant sur les peintures de Frances Hodgkins. Lors de mes interviews, je me suis assurée d'aborder le sujet sous un angle qui correspondait à chacune des personnalités interviewées en insistant également sur les émotions transmises par l'art de Frances.

The Weir - Frances Hodgkins
The Weir, Frances Hodkins - Image credit Glasgow Life Museums

 

Frances Hodkins était une visionnaire et très peu reconnue. Comment expliquez-vous cela?

Une fois le film en salle, j'ai eu la chance de rencontrer ses descendants qui se représentaient leur ailleul de manière bien différente. Il existait une forme d'incompréhension envers Frances. Son esprit visionnaire gênait, les gens de l'époque n'ayant pas forcément les clefs pour comprendre son art. Elle était vue comme la tante sévère et austère (cela est sûrement dû à son visage dur et ferme que l'on voit sur les différentes peintures et photos du film) mais sa personnalité était très riche, aventurière.

Née à Dunedin dans un univers artistique grâce à son père, Frances aurait pu avoir un tout autre destin. Mais elle avait de plus fortes aspirations. Son père avocat a toujours été attristé de ne pas pouvoir exercer en tant qu'artiste. Elle voulait alors quelque part porter le flambeau, pour lui. La relation avec sa sœur a aussi été un élément clef du développement de son caractère bien trempé. Elle s'y comparait beaucoup puisque son entourage la voyait comme moins belle, moins intelligente. Elle va donc commencer ses voyages hors de son pays natal et à ses 30 ans, découvre Paris et l'Europe ainsi qu'un univers de possibilités artistiques. Très peu reconnue en France, elle représentera tout de même l'Angleterre à la Biennale de Venise en 1939.  Malheureusement ses  tableaux ne sont jamais arrivés à destination à cause des tensions politiques sous Mussolini. Sa nationalité facilitera sa reconnaissance puisqu'il existait très peu d'artistes néo-zélandais présents en Europe à cette époque.

Aujourd'hui, même en Nouvelle Zélande, peu de personnes connaissent sa vie et son importance dans l'histoire de l'art néo-zélandais en tant que première artiste avant-gardiste néo-zélandaise. La Mahara gallery de Waikanae, ville dans laquelle ses cendres ont été enterrées avec celle de sa sœur et sa mère, possède plusieurs de ses œuvres de jeunesse. 

 

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            Frances Hodgkins

 

Que représente ce film pour vous?

Ce film résonne particulièrement en moi, notamment en ce qui concerne la place de la femme dans notre sociéte et des aboutissements qui y sont possibles, malgré l'âge. Frances a continué à créer et à se faire connaître après ses 60 ans. On est donc inviteé à se questionner sur la place d'une femme plus âgée qui decide de se défaire du patriarcat traditionnel à une époque bien différente de la nôtre. Aujourd'hui, nous avons la chance de vivre dans une société plus moderne, même si nous avons encore beaucoup de chemin à faire, mais j'ai moi aussi eu l'opportunité à 50 ans passé, de faire mes preuves puisque j'ai reçu l'award du best emerging film maker. Pour moi tout est possible et je vois la cinquantaine comme la meilleure décennie de ma vie. J'ai perdu un temps fou à vouloir rentrer dans un cadre et je ressens seulement maintenant la sensation de m'en être affranchie. Ce film m'est donc très précieux et j'espère que la détermination de Frances donnera envie aux femmes artistes de se libérer des difficultés à se faire reconnaître.

Vous habitez Christchurch? Une projection est prévue le 30 avril à 16h au Lumiere Cinema

Vous habitez New Plymouth? Une projection est prévue le 4 mai à 15h et le 5 mai à 10h30 au Len Lye Cinema.

 

helene confuron
Publié le 28 avril 2024, mis à jour le 1 mai 2024

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