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La Chine se rêve en géant des puces électroniques

Le lancement du smartphone Mate 60 de Huawei, doté d’une puce chinoise puissante, symbolise la riposte de l’Empire du Milieu dans la guerre des microprocesseurs menée contre les Etats-Unis.

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Huawei contre les Etats-Unis : voici le match retour. (photo Balkanphotos sur CreativeCommons).
Écrit par Guillaume Clément
Publié le 17 septembre 2023, mis à jour le 18 septembre 2023

Le chinois Huawei contre-attaque

Lancé fin août en Chine, le smartphone Mate 60 semble marquer une étape importante dans le retour au premier plan de l’ex-numéro un mondial Huawei. Le constructeur chinois a en effet dominé le marché mondial des mobiles jusqu’en 2019, avant d’être frappé par plusieurs sanctions des administrations Trump et Biden : exclusion des Télécoms américains, révocation de ses licences Android, puis interdiction plus générale de l’approvisionnement en technologies américaines. A l’époque, Huawei s’équipait en puces de conceptions étrangères gravées en 7 nanomètres, alors que la Chine semblait incapable de breveter des modèles avec une finesse inférieure à 45 nanomètres.

Dès lors, face à ces sanctions grandissantes et à un épuisement de ses stocks de microprocesseurs étrangers, Huawei n’avait cessé de voir ses ventes plonger et sa technologie prendre du retard. L’espoir vient donc de renaître avec ce nouveau modèle équipé d’une puce Kirin 9000s fabriquée en Chine par le numéro un local SMIC (Semiconductor Manufacturing International Corp). Son processeur, gravé en 7 nanomètres, permettrait notamment de dépasser les vitesses de téléchargement des derniers Iphone 5G d’Apple.  

La technologie des puces, enjeu mondial majeur 

Les interdictions américaines d’exportations de technologies vers la Chine, encore renforcées par un décret Biden le 10 août 2023, n’ont donc pas exclu Pékin de la compétition des puces. Plus précisément, selon les étapes du processus de la production des microprocesseurs, chaque camp semble profiter de ses avantages divers.

En premier lieu, il est nécessaire d’utiliser des terres rares, comme le gallium et le germanium, produits respectivement à 80% et à 60% en Chine. Pékin vient justement d’annoncer un mécanisme de restriction des exportations de ces deux matières début août.

Ensuite, il faut les usines d’assemblage, qui demeurent très majoritairement en Asie, malgré 200 milliards de dollars de projets d’investissements récents aux Etats-Unis. Pour la Maison Blanche, cette maîtrise des usines actuelles peut expliquer l’importance de Taiwan, patrie du numéro un mondial TSMC, ou encore l’accord récent avec le Vietnam, en vue d'un « friendshoring » (relocalisations d’usines dans un pays « ami »). A terme, la Chine a aussi les moyens d’inonder le monde en microprocesseurs pour faire pression sur le marché.

Néanmoins, pour être performant, il faut aussi maîtriser un certain nombre de technologies. L’Occident possède ici un avantage décisif sur trois points : les cartes graphiques (domaine largement dominé par l’Américain Nvidia), les logiciels permettant de créer des puces (marché contrôlé à 90% par quatre sociétés américaines) et surtout la lithographie par rayonnement ultraviolet extrême ou EUV, qui, seule, permet de réduire la taille des microprocesseurs en dessous de 5 nanomètres. Aujourd’hui, l’entreprise néerlandaise ASML, qui détient le monopole de l’EUV, ne fournira pas cette technologie à la Chine, en accord avec les Etats-Unis.   

Echec des restrictions américaines

En raison de ces interdictions, les 7 nanomètres de la puce de Huawei semblent donc encore relever d’une ancienne génération face aux microprocesseurs actuels d’une finesse de gravure de 3 nanomètres du Taiwanais TSMC et du Sud-Coréen Samsung (et même 2 nanomètres annoncés pour fin 2024). Si on applique la loi de Moore selon laquelle le nombre de transistors dans un circuit intégré double tous les deux ans, la Chine affiche donc encore quelques années de retard sur le camp occidental.

Cependant, la nouvelle puce chinoise montre surtout que les sanctions américaines finissent par produire des effets contraires à leur but initial. Non seulement elles ne coulent pas l’industrie chinoise des smartphones et des télécommunications, mais, en divisant le monde selon des technologies et des standards rivaux, elles finissent même par fragiliser des producteurs américains. Restreint dans ses exportations d’Android, Google est ainsi contraint de partager sa position autrefois ultradominante sur le marché planétaire des systèmes d’exploitation. De même, d’autres entreprises américaines commencent aussi à remettre en cause la politique de leur pays. Par exemple, Nvidia, déjà interdit d’exporter ses cartes graphiques A100 et H100, fait pression pour que cela ne s’étende pas à d’autres modèles, sachant que la Chine représente plus de 20% de ses ventes mondiales. Dans ce contexte, le Mate 60 de Huawei risque d’être au moins autant une victoire politique qu’un succès technologique ou commercial.

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