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LYCEE FRANCAIS - Rencontre avec un président suisse : Hans-Rudolf Merz

Écrit par Lepetitjournal Zurich
Publié le 2 août 2016, mis à jour le 14 octobre 2016

Le Lycée français de Zurich a récemment eu l'honneur d'accueillir Hans-Rudolf Merz, ancien président de la Confédération suisse, pour une séance de questions réponses animée par des classes de collège. L'occasion pour ce libéral convaincu de revenir sur son parcours politique, sur sa conception de l'engagement et sur sa vision de la Suisse, de l'Union Européenne et de l'actualité internationale.

C'est dans le bâtiment flambant neuf du nouveau Lycée français de Zurich, à Dübendorf, que les classes de quatrième et de troisième ont accueilli Hans-Rudolf Merz pour une rencontre exceptionnelle à laquelle était également convié le consul général de France à Zurich, Jean Jacques Victor. Retiré de la vie politique depuis 2010, l'ancien président de la Confédération suisse, qui donnait selon ses propres dires sa dernière interview, a répondu pendant 1h30 aux questions des élèves, en français et en allemand. Des élèves intéressés aussi bien par son parcours et sa vision du monde, que par les ressorts de l'action politique et le fonctionnement des institutions suisses.

"Moi, j'aimerais être libre"

L'homme d'Etat, né en 1942 dans le canton d'Appenzell Rhodes-Extérieures, est donc revenu sur les origines de son engagement politique. Etudiant en sciences politiques à l'université de Saint Gall, il devient secrétaire du Parti radical-démocratique (N.D.L.R devenu Parti libéral-radical 2009) du canton du même nom, de 1969 à 1974. Pourquoi avoir choisi le PRD ? En grande partie grâce à son père "qui était commerçant dans le textile, avec un petit atelier produisant des blouses". "Voir cette auto-responsabilité et cette volonté de défendre une petite entreprise, pour moi, ça a été une expérience très importante", a-t'il expliqué. "Ça m'a bien formé. Et c'est là que je suis devenu, politiquement, un libéral". Une inclinaison renforcée par un voyage en Europe de l'Est, au lendemain du printemps de Prague : "En tant qu'étudiant, j'ai visité la Tchécoslovaquie pendant la guerre froide. Et ça m'a beaucoup impressionné. J'ai pu voir le communisme, cette situation sans espoir, où l'Etat gère tout et où l'autorité s'occupe de tous les problèmes. Ça m'a vraiment convaincu que le libéralisme est une philosophie adaptée à l'être humain."

"Je repars à zéro"

A partir de 1974, il met la politique de côté pour se consacrer à ses activités professionnelles dans le conseil et la finance. Il devient notamment président de la banque cantonale d'Appenzell Rhodes-Extérieures en 1993, établissement dont il organise la privatisation en 1994. Dans le même temps, il voyage dans le monde entier en tant que conseiller en stratégie indépendant. Il renoue avec la politique en 1997, quand la landsgemeinde d'Appenzell Rhodes-Extérieures l'élit en tant que représentant du canton au Conseil des Etats. Mais c'est en 2003 que sa vie prend une tournure radicalement différente. "J'ai été élu comme conseiller fédéral le 10 décembre 2003, et j'ai dû laisser du jour au lendemain toutes mes obligations privées, industrielles et économiques. Et ma vie a totalement changé. J'ai eu un garde du corps et une voiture avec chauffeur. C'était des changements dont je n'étais pas conscient. Je connaissais un peu la vie politique bien sûr, je connaissais naturellement le système parlementaire et les procédures politiques? mais de loin. Et désormais j'étais au centre de tout ça. Je ne connaissais pas le Palais fédéral en détail, je ne savais même pas où étaient  les toilettes. J'ai dû tout recommencer. Comme le dit Edith Piaf, "Je repars à zéro"."

"Désendetter la Suisse"

Pendant ses années en tant que conseiller fédéral, Hans-Rudolf dirige le Département des finances. Il s'attèle notamment à désendetter la Confédération helvétique "pour que les dettes ne deviennent pas le problème des générations futures". Un poste à responsabilité dont il mesure l'importance : "Le département des finances est un département clef. Car tout ce qui a un coût passe par lui." A sa tête, il rencontre ses alter ego  européens et américains et assiste à la valse des ministres français, qu'il évoque volontiers : "En 2003, le ministre français était Francis Mer , puis il y a eu Gaymard. Ensuite, pendant un certain temps, c'était Sarkozy qui était mon collègue, puis ce fut Breton, Lagarde, et enfin Baroin. Donc chaque année j'avais un nouveau ou une nouvelle collègue. C'était difficile de visiter Bercy, car à chaque fois il y avait un nouveau nom sur la porte." En 2009, Hans-Rudolf Merz est finalement élu par l'Assemblée fédérale comme président de la Confédération helvétique. Une expérience écourtée par des problèmes de santé qui l'obligent à présenter sa démission en octobre 2010.

Les qualités nécessaires pour être un bon leader politique ?

Désormais retiré de la vie politique, l'ancien président porte un regard mitigé sur la fonction qu'il occupait. Qu'a-t'il le plus apprécié quand il était à la tête de la Confédération helvétique ? "Il y a très peu de choses pour lesquelles on puisse dire qu'on les a aimées ou non", a-t'il expliqué. "On doit toujours prendre position, être pour ou contre. On ne peut jamais vivre en paix !" Mais il retire malgré tout de cette expérience quelques certitudes, en ce qui concerne notamment les qualités à posséder pour faire un bon dirigeant : "Premièrement, Il doit propager la joie. La joie apporte de l'énergie, et ça c'est le plus important. Deuxièmement, il doit comprendre les hommes pour pouvoir les diriger, c'est l'intelligence sociale. Troisièmement, il doit savoir expliquer. Car la politique, ça peut être très compliqué et dans une démocratie directe comme en Suisse, tout le monde doit pouvoir comprendre."

Polyglotte globetrotter

Hans-Rudolf Merz s'appuie également sur son expérience pour analyser le monde contemporain, qu'il a sillonné en long et en large : "J'ai parcouru 1,4 millions de kilomètres avant d'être président de la Suisse, ce qui fait 35 fois le tour du monde." Un monde qu'il comprend sans sous titres : il parle en effet sept langues, l'allemand, l'anglais, l'italien, l'espagnol, le français, le russe et le portugais. L'homme d'Etat a donc pu mettre son CV à profit pour répondre aux nombreuses questions d'actualité posées par les élèves sur des sujets hétéroclites : élection américaine, tensions en Europe de l'est, crise migratoire, initiative contre l'immigration de masse, revenu de base inconditionnel? Un thème s'est cependant dégagé avec insistance, celui des relations entre la Suisse et ses voisins.

"Je m'oppose à l'adhésion à l'Union européenne"

Concernant l'Union européenne, le discours est pédagogique mais ferme : "Historiquement la Confédération suisse a été fondée en 1848 sur l'union des cantons. Donc le pouvoir est venu des cantons et non pas de la confédération. Aujourd'hui même, beaucoup de pouvoirs restent dans leurs mains. Le fédéralisme, c'est donc la raison d'être de la Suisse. Et la richesse qui en résulte, la richesse politique, de mentalités, de langues, de paysages, démontre que ça reste encore une obligation politique pour nous." Un ensemble politique original donc, qu'une adhésion à l'Union européenne pourrait ébranler : "Cette construction ne peut pas être adhérée à l'Union européenne. L'Union européenne n'est pas prête à pouvoir nous intégrer. Ça serait mettre en danger ce système fédéraliste, qui a été un grand succès et qui nous a permis de survivre à des guerres, des tensions, des situations difficiles."

"Nous voulons les bilatérales"

En accord avec la ligne de son ancien parti, Hans-Rudolf Merz refuse donc une adhésion à l'Union européenne mais milite pour le maintien de bonnes relations culturelles et économiques : "Nous voulons maintenir les relations bilatérales avec les pays de l'Union européenne. C'est-à-dire l'accès au marché, à l'économie, le maintien des relations amicales avec nos voisins, sans cependant être intégrés dans l'Union européenne comme organisation centriste." Des accords bilatéraux qui devront être renégociés avec l'UE en raison de l'initiative sur l'immigration de masse de 2014. Du côté des relations franco-suisses, Hans-Rudolf Merz souligne "la grande influence, culturelle surtout" de la France sur la Suisse. "On voit que la littérature française, la musique française, l'art, les beaux-arts, influencent notre culture d'une manière énorme. C'est la raison pour laquelle les relations entre les deux pays dans le domaine de la culture ont toujours été très amicales et très denses."

Comment s'intégrer en Suisse ?

Enfin, la dernière question a permis d'aborder un sujet plus pratique : comment faire pour s'intégrer en Suisse ? Ici, pas de recette miracle, il s'agit avant tout d'"une procédure et d'un développement mutuel", selon Hans-Rudolf Merz. "Je crois d'abord qu'il faut avoir l'ouverture d'esprit de s'intégrer et la volonté de s'établir dans un pays. Et je crois qu'une organisation comme le Lycée Français de Zurich c'est un endroit très important. Et je vous en félicite. J'ai vu la situation des écoles suisses à l'étranger, qui dépendent des parents et de la confédération, c'est un endroit clé pour l'intégration des gens, de pouvoir s'exprimer en deux langues, de pouvoir vivre dans deux cultures et de les intégrer dans son âme." 

Jean-Baptiste CHATAIN (www.lepetitjournal.com/zurich) jeudi 30 juin 2016.
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Publié le 2 août 2016, mis à jour le 14 octobre 2016

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