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URBANISME - Focus sur le "Globus-Provisorium"

Écrit par Lepetitjournal Zurich
Publié le 15 juillet 2016, mis à jour le 15 juillet 2016

C'est peut-être le bâtiment le plus controversé de Zurich. Sorti de terre en 1961, provisoire, il devait être détruit cinq ans plus tard. Régulièrement remis en cause, le "Globus-Provisorium" résiste au temps, et ne laisse personne indifférent...

Le "Globus-Provisoire", les habitants de Zurich le connaissent bien. Il abrite le supermarché Coop du Bahnhofbrücke, qui accueille plus de 6.000 clients par jour. Mais c'est aussi le bâtiment que les touristes regardent avec circonspection, celui qu'on évite de photographier quand on se promène en centre-ville. Situé en face de la Hauptbahnhof, les pieds dans la Limmat, il profite d'une situation privilégiée : impossible de le manquer. Et c'est bien ce que lui reprochent nombre de Zurichois, du simple passant à Marina Garzotto, ancienne élue UDC du conseil municipal, qui le qualifiait volontiers de "souillure urbaine". Mais au-delà des apparences, le Globus-Provisorium raconte un petit bout d'histoire de la ville.

Le Globus-Provisorium (Valentine Lafond)

Du Globus au Globus-Provisorium

Jusqu'en 1951, l'esplanade du Globus-Provisorium (la Papierwerd-Areal) est séparée des quais par un bras de la Limmat, désormais comblé. C'est sur cette île, longtemps occupée par des manufactures de papier, qu'est construit en 1882 le premier grand magasin de Zurich, établissement qui devient le Globus en 1896. Rapidement à court de place dans cet ancien bâtiment, la compagnie cherche à s'agrandir. Et après des décennies de négociation avec la ville de Zurich, la situation évolue enfin dans les années cinquante. Le grand magasin est rasé pour pouvoir être reconstruit, et le Globus déménage donc provisoirement sur la Bahnhofstrasse. Mais c'est sans compter sur la motion "Limmat Libre" ("Freie Limmat"), votée entre-temps: elle stipule qu'il sera désormais interdit d'obstruer la ligne de vue au-dessus de la rivière en direction de Bellevue, ce qui interdit de facto la reconstruction du Globus sur la Limmat.

Zurich en 1910: Limmat, Banhofbrücke, Papierwerd

L'histoire aurait pu en rester là, mais la société Globus, désormais privé de son site d'origine, a besoin d'agrandir ses locaux de la Bahnhofstrasse pour pouvoir s'y installer. Elle obtient de la ville la construction d'un bâtiment provisoire sur la Papierwerd-Areal, le temps  de mener à bien les travaux : le Globus-Provisorium, dessiné par l'architecte Karl Engeder, est né.

Emeutes étudiantes et projets sans lendemain

Le 14 septembre 1967, le nouveau Globus de la Bahnhofstrasse ouvre ses portes. Mais le Globus-Provisorium n'est pas détruit pour autant. En effet, le vent du "Freie Limmat" est retombé, et la ville souhaite conserver le bâtiment, source de revenu locatif, en attendant de décider de l'affectation du site. Ces visées pécuniaires sont cependant mises à mal par un mouvement de jeunesse, qui s'organise pour réclamer l'usage libre des locaux à des fins associatives. Et dans l'effervescence du printemps 1968, une manifestation devant le Globus Provisorium dégénère : les "émeutes du Globus" du 28 juin font une soixante de blessés alors que cent soixante-neuf manifestants sont arrêtés.

"Freie Limmat" n'est plus qu'un lointain souvenir (Valentine Lafond)

Après cet épisode, le bâtiment est occupé par la police de la ville, puis cédé en concession à la société Coop. Certes, l'avenir de la Papierwerd-Areal est régulièrement discuté et de nombreuses idées voient le jour : nouvel hôtel de ville, extension du musée national, musée des transports, centre du tourisme, palais des congrès etc. Mais aucune ne fait long feu. Deux projets sont encore en lice : celui des Verts, qui voudraient créer un espace ouvert sur la Limmat, et celui de l'Association des industries créatives (der Verband Kreativwirtschaft Schweiz), qui souhaiterait conserver le Globus-Provisorium pour en faire un centre de création et d'exposition dédié aux jeunes talents des arts visuels et médiatiques. Face à ces deux alternatives, le conseil municipal a préféré se laisser le temps de la réflexion en prolongeant le bail de la Coop jusqu'en 2019: le contrat est lucratif et l'aménagement de la Papierwerd-Areal n'est, de toute façon, pas une priorité. Bref, le Globus-Provisorium a encore de beaux jours devant lui.

Jean-Baptiste CHATAIN (www.lepetitjournal.com/zurich) lundi 1er février 2016.
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Publié le 15 juillet 2016, mis à jour le 15 juillet 2016

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