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RESIDENCE 10/10 - La parole aux auteurs

Écrit par Lepetitjournal.com Varsovie
Publié le 7 mars 2017, mis à jour le 7 mars 2017

Etudiante Erasmus à Varsovie, j'ai eu l'opportunité de découvrir un événement peu commun, celui de la troisième « résidence d'écriture 10/10 », à  Zabrze en Silésie, créé et dirigé par Iris Munos et Jan Novak. Sur une période de dix jours (du 27 janvier au 13 février), dix auteurs issus de pays francophones se sont réunis afin d'écrire respectivement une pièce (ou plusieurs) de dix pages avec dix personnages. Ces pièces sont ensuite regroupées dans un livre adressé à des jeunes du monde entier qui apprennent le français et souhaitent s'exprimer sur une scène de théâtre.

Voir le premier volet de cet article paru mardi: RESIDENCE D'AUTEURS - Du théâtre français "made in Zabrze" 

Dans le second volet de cet article, j'ai donné la parole aux auteurs qui, pour la plupart, séjournaient en Pologne pour la première fois. Quel est leur regard sur cet événement? Comment perçoivent-ils la Pologne?

De gauche à droite : Sufo Tagne Denis (Sufo Sufo), Merlin Vervaet, Gwendoline Soublin , Martin Bellemare, Eva Bondon, Marie Vaiana,  Sabine Revillet, Elise Boch, Rebecca Vaissermann et Elise Hofner

Pour cette troisième édition, les auteurs sont issus de Belgique, Suisse, France, Cameroun et du Québec. Au-delà de la commande d'écriture, ils ont un programme chargé pendant leur séjour en Pologne puisqu'ils ont pu visiter une mine, travailler comme mineur pendant quelques heures à 300 mètres sous terre, visiter les alentours de Zabrze (son cimetière, son stade de foot et son musée de la guerre) et échanger avec de jeunes lycéens de la ville. 

J'ai eu la chance de les rencontrer et de pouvoir les interroger sur leurs motivations personnelles et professionnelles, très variées. D'abord, beaucoup ont conçu cette expérience comme un moyen de s'éloigner du quotidien, de changer radicalement de contexte, comme me le confirme Sabine : "J'avais déjà écrit une pièce dans le métro, et le fait de se retrouver à un endroit où l'on peut descendre à 300 mètres sous terre m'inspirait". Le fait que la résidence se déroule dans un temps et un espace donné est un moyen pour les auteurs d'écrire sans interruption.

D'un point de vue professionnel, tous ou presque considèrent la publication de leur pièce comme un élément déterminant. Comme nous l'explique Martin: "Parfois, on écrit certaines pièces qui peuvent tourner pendant quatre, cinq ans et il n'y a aucune publication ou représentation par la suite", alors même que la publication d'une pièce permet d'avoir accès à certaines bourses et offre des nouvelles opportunités de travail.

Elise B  m'explique de son côté : "Je vois dans cette expérience l'occasion de lancer un pont vers les ados qu'on a été et la nouvelle génération. Je pense aux profs et élèves, les fossés que j'ai pu constater en tant qu'adolescente. Si on a le moyen de produire quelque chose qui fait bouger les lignes, fait évoluer les relations entre professeurs et élèves, c'est cela qui me motive".  Je retrouve une motivation semblable chez Eva : "c'est super de pouvoir se dire que ce qu'on va écrire sera joué par des jeunes, j'y vois la possibilité de faire passer des messages et cela a été une de mes grandes motivations pour venir ici".

Dix auteurs qui ne se connaissaient pas vivent ensemble pendant dix jours. "Rencontrer des personnes qui font le même métier que moi m'a permis de me rendre compte que c'était souvent les mêmes inquiétudes et angoisses sur notre métier et cela m'a rassuré" me dit Suffo. "Être en résidence avec d'autres auteurs va enfin nous permettre d'échanger sur notre écriture, notre pratique, comment on travaille nos pièces et c'est quelque chose de passionnant !" ajoute Elise B. Le contact avec des pairs aînés est aussi enrichissant pour Merlin: "Etant assez jeune, se retrouver avec des auteurs qui sont déjà bien ancré dans le monde de l'écriture et du théâtre va m'aider".

Comment les auteurs perçoivent-ils la Pologne ?  

La Pologne suscite une certaine curiosité chez nos auteurs. Beaucoup ne s'y étaient jamais rendus et voulaient découvrir un nouveau pays, une nouvelle culture.  " Je suis globalement très friand de ce qui est nouveau. Au Cameroun, il n'existe pas de liens particuliers avec la Pologne ou les pays de l'Est mais par contre je savais que la Pologne est une terre religieuse et je souhaitais découvrir cette terre qui a produit des papes" nous dit Suffo. "J'étais curieuse de voir un pays dont on parle beaucoup dans les journaux, et dont on ne dit pas tellement de bien.  Je n'avais de représentation de la Pologne, qu'une représentation liée à la littérature concentrationnaire, et comme on allait dans cette région j'étais curieuse de voir ces endroits en vrai et depuis mon arrivée, en me baladant j'ai eu des projections d'extraits de livre, d'autobiographies ou de récits qui font écho à ce que j'ai lu" (Elise H).  

Pour certains, le fait que la résidence se situe en Pologne fut une motivation supplémentaire. Comme nous le confie Marie, venue de Belgique: "Mon grand-père est arrivé en Belgique de Sicile dans les années 50 pour travailler dans les mines. J'ai monté un spectacle sur l'incendie du Bois du Cazier [qui s'est produit à Charleroi en 1956, NDLR]. La Silésie étant une région minière, j'ai souhaité être ici pour écrire". Même chose pour Merlin, originaire de Namur : "La Belgique a un lourd passé avec l'industrie minière, cela m'intriguait de découvrir cela ici en Pologne". L'immersion dans un tel environnement leur permet ainsi de mieux appréhender la difficulté d'un tel travail. Pour Rebecca, cette expérience fut autrement symbolique. C'est dans cette région que fut déportée son arrière-grand-mère le 11 février 1943 : "Cette résidence avait une énorme valeur symbolique : je souhaitais pouvoir créer quelque chose, laisser une trace à un endroit qui fut un lieu d'anéantissement et de destruction". 

10 pages et 10 personnages pour des jeunes qui apprennent le français, voilà un format pour le peu original. "Ce n'est pas évident d'écrire quelque chose de court, mais en plus de cela avec 10 personnages, je me suis dit que c'était impossible! Mais en lisant les textes des éditions précédentes je me suis rendue compte des idées et possibilités d'écriture, ça a libéré quelque chose, mais je dois reconnaître que cela reste un exercice difficile" nous explique Gwendoline. "Beaucoup se dirigent vers un travail de ch?ur, les personnages sont matérialisés par des tirets " explique Sabine et comme le remarque Marie : "Je préfère avoir une contrainte liée à la forme plutôt que sur le fond".

Je tiens à féliciter Jan et Iris pour ce projet remarquable. Je souhaite, tout comme les auteurs, qu'à travers le théâtre, les jeunes et moins jeunes puissent découvrir certaines valeurs, comme celle du partage et de la cohésion mais au-delà de cela, que les thèmes évoqués puissent appeler à la curiosité, la réflexion.  Je remercie tout le monde pour le formidable accueil qui m'a été réservé au sein de la résidence et souhaite à tous le plus grand succès pour les aventures à venir que je ne manquerai pas de suivre !

 

Remerciements aux partenaires du projet : l'Institut français de Varsovie, la Société des Auteurs et Compositeurs dramatiques, la Société Suisse des Auteurs, Agora Francophone, Wallonie Bruxelles International, l'Académie royale de langue et de littérature française de Belgique, le Centre des écritures Dramatiques Wallonie-Bruxelles, ainsi que des partenaires locaux tels que la Fondation Zygmunt Zaleski Stichin et la Fondation Jan Michalski ainsi que les villes de Zabrze et Ryn (lieu de la résidence 2016).

© photos: Natalia Gruszka

Sophie Martiné (lepetitjournal.com/Varsovie) - Mercredi 8 mars 2017

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Publié le 7 mars 2017, mis à jour le 7 mars 2017
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