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REFORME DE L’EDUCATION – Une affaire qui divise

Écrit par Lepetitjournal.com Varsovie
Publié le 26 février 2017, mis à jour le 27 février 2017

Le mois dernier, le président de la République, Andrzej Duda, promulguait la loi portant sur la réforme de l'éducation en Pologne, en dépit des nombreuses protestations des enseignants et des parents d'élèves. Que contient cette loi ? Faut-il s'inquiéter pour l'avenir de l'éducation en Pologne ? Anna Maliszewska, directrice de l'école internationale trilingue de Varsovie, nous livre son point de vue sur une réforme qui continue de partager l'opinion publique. 

Pouvez-vous nous rappeler brièvement ce que cette réforme, en vigueur dès septembre 2017, va changer dans le système de l'éducation en Pologne ? 

Tout d'abord, c'est la structure qui va changer. Le collège n'existera plus, il sera réparti entre l'école primaire et le lycée. Il y aura non plus six ans de primaire mais huit années et quatre ans de lycée au lieu de trois. Par ailleurs, les enfants seront dans l'obligation d'accéder au primaire à l'âge de sept ans, contrairement au système actuel où ils doivent y rentrer dès six ans. Ensuite, pour rentrer au lycée, l'élève devra passer un examen beaucoup plus sélectif, qui déterminera s'il a le niveau requis pour aller dans une branche professionnelle ou bien dans un cursus classique, dit « intellectuel » débouchant sur des études supérieures.

Concernant les programmes, on observe deux changements majeurs. Le  premier correspond à  une spécialisation dans l'enseignement des matières, notamment scientifiques (biologie, physique-chimie, géographie), dès la 5ème classe (équivalent du CM2 en France), au lieu de la 6ème comme c'est le cas actuellement. Le second centre davantage l'enseignement sur l'histoire, la langue polonaise et les valeurs patriotiques. Une dérive nationaliste est donc à craindre.

En bref, nous retournons dix ans en arrière en appliquant le système éducatif de l'ancienne génération.  

Quelles seront les conséquences d'une telle réforme, selon vous? 

Cette réforme aura des répercussions à plusieurs niveaux. D'abord sur les enfants ; en rentrant au primaire à l'âge de sept ans, ils auront perdu une année d'apprentissage, la maternelle ne permettant qu'une phase d'éveil et de découverte. De plus, le « changement social » aura disparu; en effet, étant donné que le collège n'existera plus, ils seront confinés dans un même environnement de l'âge de 3 à 15 ans. Et l'échec scolaire deviendra sûrement plus fréquent à cause de l'examen d'entrée au lycée, qui est plus sélectif.

Les professeurs seront également directement impactés. A cause de ce nouveau programme, plus diversifié et plus spécialisé, certains perdront leur emploi, ou devront assurer des cours dans différentes écoles. Ce qui n'arrange pas l'organisation et la logistique des établissements ; le nôtre devra accueillir d'ici quelques mois deux niveaux scolaires supplémentaires ! 

Côté parents, ce sera aussi un sacré chamboulement ! La plupart sont complètement perdus, ils ne sont pas encore préparés à ce genre de changement et par conséquent, perdent confiance dans le système de l'éducation publique. Je pense que ceux qui en auront les moyens se tourneront davantage vers l'enseignement privé ou les écoles internationales pour plus de flexibilité en termes d'application de la loi. 

De plus, cette réforme arrive bien trop tôt. La rentrée en septembre 2017 promet d'être chaotique, car personne n'est vraiment préparé à de tels changements !  

Pourquoi le gouvernement a t-il pris une telle décision ? Comment l'a t-il justifiée auprès de l'opinion publique?

Je pense que cette décision est avant tout politique et non sociale comme le gouvernement voudrait nous le faire croire. Car pour lui et une minorité de la société polonaise, le problème vient principalement du collège. Selon eux, cette institution est génératrice de problèmes, notamment comportementaux chez les jeunes. Car comme nous le savons, les enfants à cette période sont à un âge difficile? 

Mais c'est partout pareil ! Est-ce vraiment l'institution qui pose problème ou existe-t-il un problème social sous-jacent bien plus sérieux ? Là est la vraie question. Or, le gouvernement a pris cet argument pour faire culpabiliser la société et a fait comprendre que revenir au système d'antan est plus sûr pour l'avenir de la jeunesse polonaise.

Et certains ont fini par le croire. Les sondages montrent que près de 55 % des Polonais sont pour cette réforme. L'inconnu leur faisant peur, ils ont une confiance aveugle dans un système qu'ils ont déjà connu et ne mesurent pas toutes les conséquences qui en découleront. 

Le gouvernement tente de rassurer les 45% de l'opinion publique restante en certifiant que l'ancien système était bien meilleur que l'actuel et qu'il créera aussi de l'emploi... Mais force est de constater que l'actuel est bien plus efficace. Depuis la création du collège en Pologne, il y a dix ans de cela, le pays s'est retrouvé en 10ème position du classement mondial PISA (Programme international pour le suivi des acquis des élèves), après les pays asiatiques et scandinaves. Ce qui n'est pas anodin pour un pays européen comme la Pologne. 

Je pense qu'il est nécessaire d'évoluer avec son temps. La méthode d'antan n'est pas compatible avec la nouvelle génération et le monde qui nous entoure. 

Existe-t-il tout de même des points positifs à retenir dans cette réforme ?

Des points positifs ? Cela dépend pour qui. Pour le gouvernement ou les autorités publiques sûrement. Cette décision leur permettra de renforcer et d'augmenter leur électorat. Ou certains diront toujours qu'ils ont fait huit ans de primaire et qu'ils n'en sont pas morts pour autant ! 

Faut-il s'inquiéter pour l'avenir de l'éducation en Pologne ?

Effectivement, le premier constat d'une telle réforme n'est pas réjouissant. Cet ancien système éducatif, qui est d'ailleurs encore d'actualité en Biélorussie, Moldavie ou Roumanie, présage une régression dans le domaine de l'éducation, notamment avec une division sociale à cause des lycées qui deviendront de plus en plus élitistes. 

Personnellement, je  ne suis pas d'accord pour éduquer mes enfants dans le même système que j'ai connu. Mais j'ai espoir que nous vivions seulement une transition. Je ne considère pas cette réforme comme définitive. Je fais confiance au peuple polonais, qui a toujours su faire face aux obstacles rencontrés sur son chemin. 

 

Eloïse Robert (lepetitjournal.com/Varsovie) - Lundi 27 février 2017

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Publié le 26 février 2017, mis à jour le 27 février 2017