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CETA – La Pologne doit-elle craindre l’accord ?

Écrit par Lepetitjournal.com Varsovie
Publié le 15 novembre 2016, mis à jour le 16 novembre 2016

 

L'Accord Economique et Commercial Global (CETA) a été signé le 30 octobre 2016, après le ralliement de la Wallonie au choix de tous les pays européens. Or le CETA alimente de nombreuses craintes chez les citoyens des deux côtés de l'Atlantique. Quelles seront donc les conséquences du traité pour l'économie et l'agriculture polonaise ?

Le CETA, une aubaine économique ?

Selon l'étude conjointe menée par l'Union Européenne et le Canada, le CETA pourrait rapporter jusqu'à 12 milliards d'euros par an aux pays de l'Union. En supprimant 99% des droits de douanes, le traité va multiplier les échanges commerciaux entre les deux régions. Une élévation des quotas devrait permettre à l'Europe d'exporter 5 000 tonnes de fromages en plus chaque année, tandis que le Canada pourra exporter 45 840 tonnes de b?uf sans hormones (contre 4 162 aujourd'hui), 75 000 tonnes de porc sans ractopamine (contre 5 549), 100 000 tonnes de blé, et 8 000 tonnes de maïs doux. Selon la synthèse des négociations publiée par la Commission Européenne, « l'élimination des droits de douane a pour objectif de réduire les coûts supportés par les exportateurs et, ainsi, de permettre à ceux-ci d'être plus compétitifs sur le marché. Elle se traduira aussi par un choix plus large et des prix plus bas pour les consommateurs. »

La Pologne, en pleine croissance économique, n'aurait-elle donc pas besoin d'un tel tremplin ?

Lepetitjournal.com/Varsovie a posé la question à Maria Swietlik, anthropologue, membre de l'organisation Akcja Demokracja et responsable d'une campagne menée contre le CETA et le TTIP par cette dernière. L'organisation, créée il y a environ un an, milite également contre les réformes du Tribunal constitutionnel par le gouvernement et pour la défense du droit à l'avortement.

Maria Switlik doute de la logique économique de l'Union Européenne : « nous n'avons aucune preuve des promesses économiques de la Commission Européenne. Les seules études qu'elle a produites datent d'il y a déjà plusieurs années. Nous savons qu'elles ne sont plus valides, et qu'elles utilisent des modèles économiques extrêmement peu fiables. De plus, elles ne prennent pas en compte tous les changements dus à la crise financière de 2008. Deuxièmement, la croissance économique est une idée ayant ses limites ; nous devrions approfondir la question pour voir qui sont ceux qui en bénéficient réellement ? pas l'ensemble des citoyens, c'est certain ».

 Manifestaton contre le traité de libre-échange, octobre 2016 

Le CETA, une chance pour les agriculteurs ?

La compression des prix et l'uniformisation des standards de production sont au c?ur des craintes des opposants au CETA : « Les agriculteurs veulent produire de la nourriture de qualité ; cela fait partie de leur identité, de l'identité de leur travail, estime Maria Switlik. Ce que nous savons, c'est que oui, les exports devraient être plus importants vers le Canada, mais les imports le seraient encore d'avantage. Les exports de nos agriculteurs sont adaptés à un marché intra-européen. On ne peut pas transporter des produits frais de l'autre côté de l'Atlantique. Ce traité signifie donc qu'ils vont perdre leur marché. Exporter au-delà de l'Europe coûte trop cher à un petit agriculteur. Beaucoup d'études confirment une compression des prix, sachant que le problème existe déjà en Europe ». La Pologne, dont les exportations de pommes sont parmi les plus importantes de son aire géographique, serait par exempleconcurrencée par les pommes canadiennes. La loi canadienne autorise notamment l'usage de colorants, limité en Pologne et interdit dans certains pays d'Europe.

Le CETA, en parvenant à une quasi-abolition des tarifs douaniers, entend permettre aux agriculteurs d'exporter vers un marché nouveau. Le ministre du Développement, Mateusz Morawiecki, a déclaré ne pas voir dans le traité de menace à l'agriculture polonaise, et rappelle que certains produits, considérés sensibles, ne seraient pas sujets à la libéralisation avec le Canada.

La Commission Européenne veut rassurer. L'accord "n'aura aucune incidence sur les règles relatives à l'environnement et à l'alimentation dans l'UE. Les producteurs canadiens ne peuvent importer et vendre des produits dans l'UE que s'ils respectent pleinement la réglementation européenne en vigueur, sans aucune exception. Par exemple, l'AECG [accord économique et commercial global] ne modifiera pas les restrictions imposées par l'UE sur le b?uf aux hormones ou sur les OGM".

 

La signature du CETA est-elle un signe des failles de la démocratie européenne ?

« 55% de gens sont opposés au CETA en Pologne [NDLR : 62% des Français s'y opposent, de même que 70% des belges francophones, selon un sondage Harris Interactive et Sum of Us]. Habituellement, nous sommes un pays très capitaliste. Mais ce capitalisme-là n'est pas souhaité par les Polonais. Cette politique néo-libérale, globale, ne séduit pas les gens. Tous les pays sont plus ou moins contre en Europe, or cela ne changera pas la décision du gouvernement, ce qui pose des questions au niveau de la démocratie européenne », soutient Maria Switlik.

Or, si une part majoritaire des citoyens européens est hostile aux traités transatlantiques, le CETA entrera néanmoins très rapidement en vigueur. En effet, après l'accord de la Wallonie, le conseil des 28 ministres européens du commerce a abouti à une acceptation formelle du traité. S'en suivra un vote par le Parlement européen, puis par tous les parlements nationaux. Ce processus s'avérant extrêmement long, il est d'usage de faire appliquer un traité simplement après le vote du Parlement européen.

 Les gouvernements et experts européens sont très optimistes et attendent des retombées économiques favorables pour l'économie et l'agriculture de l'Union.  Nul doute que les résultats du CETA seront impitoyablement scrutés, tant ils sont importants pour les stratégies économiques futures.

 

Crédits photographiques: Akcja Demokracja

Océane Herrero (lepetitjournal.com/Varsovie) ? Mercredi 16 novembre 2016

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Publié le 15 novembre 2016, mis à jour le 16 novembre 2016