En Europe, quatre-vingt-dix millions de tonnes de nourriture sont jetées chaque année. Le gaspillage alimentaire, un luxe en Pologne, où plus de 2 millions de personnes vivent en situation d'extrême pauvreté. Le problème est maintenant pris en compte par les autorités, les distributeurs et les banques alimentaires, qui souhaitent une coopération renforcée.
L'impulsion de l'Union Européenne
La Pologne s'est pliée, en 2013, à une directive européenne concernant la gestion des denrées alimentaires. L'objectif : limiter, tout au long du processus de production, le gaspillage. Les pertes s'avèrent en effet colossales : 45% des fruits et légumes, 35% des produits de la mer, ou encore 20% de la viande produits ne seront jamais consommés en Europe. La loi de 2013 a pour objectif de limiter ces pertes, principalement à l'étape de la distribution. Pour un renforcement de la coopération entre distributeurs et banques alimentaires, une suppression de la TVA est appliquée sur les dons de nourriture, véritable frein à un système responsable de gestion des invendus. Une avancée pour les banques alimentaires, dans la mesure où les distributeurs peuvent ainsi faire don de denrées très périssables et demandées, telles que la viande ou le pain.
La lutte contre le gaspillage, un profit pour le distributeur
Outre un atout d'image auprès des consommateurs, la lutte contre le gaspillage au sein du processus de distribution représente un gain économique. Pour répondre aux demandes des consommateurs de « manger local », les distributeurs doivent collaborer avec de petits producteurs, dont les productions peuvent s'avérer aléatoires, nous explique Barbara Kowalska, manager de l'enseigne Carrefour Pologne. Lutter contre le gaspillage nécessite en effet de sortir d'une vision très calibrée des produits et s'applique à l'échelle d'un supermarché : transformer des fruits abîmés, les reconditionner, permet bien souvent de limiter les pertes. Des efforts salués par la Fédération polonaise des banques alimentaires : selon Maria Kowalewska, représentante de la Fédération, la prise d'initiative contre le gaspillage par certaines enseignes incite les autres à les imiter, a fortiori maintenant la loi de 2013. Malheureusement, ce tableau optimiste reste contrebalancé par les chiffres : la Pologne est aujourd'hui le cinquième pays européen en termes de gaspillage, avec chaque année près de 9 millions de tonnes de nourriture jetées à la poubelle.
Une chaîne producteur ? consommateur à sensibiliser à tous les niveaux
Certaines situations de gaspillage ont cependant une dimension largement politique. L'embargo russe de 2014, empêchant notamment les producteurs de pommes d'exporter en Russie, a eu pour conséquence une surproduction que le marché européen a peiné à absorber. La surproduction de lait, problème toujours d'actualité tant en France qu'en Pologne, conduit au gaspillage et à la fragilisation des petits producteurs ayant vu le cours du lait baisser de presque 25% entre 2014 et 2016. Les mesures anti-gaspillage des distributeurs connaissent ainsi des limites, tant en terme de capacité d'action que de responsabilité dans les pertes ; ils ne sont responsables que de 5% du gaspillage alimentaire ? 53% a lieu durant la production et le transport, et 42% est à la responsabilité du consommateur en Europe.
Selon un sondage du CBOS, les consommateurs polonais seraient de bons élèves en terme de gaspillage domestique :
La sensibilisation est une nécessité en terme de responsabilité sociale des entreprises ? l'enseigne Tesco mettant par exemple en ?uvre un programme d'information dans les écoles polonaises au sujet du gaspillage qui aurait permis une réduction des pertes alimentaires dans 50% des écoles participantes. Monika Archici?ska, coordinatrice du programme de sensibilisation « ?ywno?? ? dobro, które anga?uje » dépendant de la Fédération des Banques alimentaires de Pologne, souligne une prise de conscience : « En tant que société, nous gâchons des tonnes et des tonnes de nourriture tout en étant entourés d'une armée de personnes souffrant de malnutrition. Notre but est de rendre ce statu quo connu de tous et que toujours plus de personnes s'investissent dans cette cause ».
Océane Herrero (lepetitjournal.com/Varsovie) - Lundi 26 septembre 2016
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