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KUCHNIA KONFLIKTU - Quand les réfugiés partagent leur nourriture et leur histoire à Varsovie

Écrit par Lepetitjournal.com Varsovie
Publié le 19 septembre 2016, mis à jour le 20 septembre 2016

?La cuisine du conflit? est un foodtruck qui entend faire tomber des frontières : de la carte à la cuisine, il est animé par des réfugiés aspirant à faire découvrir leur culture et leur histoire à travers la cuisine de leur pays. Si Kuchnia Konfliktu vient de terminer sa saison, le projet aspire à perdurer et à poursuivre sa contribution pour la condition des réfugiés.


Sensibiliser et engager le dialogue
Les initiateurs du projet, Paulina Milewska, Jarmi?a Rybi?ka et Maciek Kuziemski, sont tous trois d'anciens activistes particulièrement concernés par la situation des réfugiés. Le projet Kuchnia Konfliktu prend le contrepied du durcissement de la société polonaise et du gouvernement sur cette question : « nous nous sommes demandés ce que nous pourrions faire pour changer cela à notre échelle, par une approche plus positive, explique Jarmi?a Rybi?ka. Nous voulions faire quelque chose de plaisant pour toucher d'avantage de personnes. Nous avons donc pensé à la nourriture, combinée avec un côté pédagogique, des interactions ». Est ainsi venue l'idée d'un foodtruck, présent près du Centre Copernic durant l'été et accessible à tous par son prix, d'environ 20 PLN par plat. Ayant fait appel à un financement participatif pour mettre leur projet en place, les organisateurs sont présents sur base de volontariat. Les réfugiés participant au projet sont quant à eux déclarés et rémunérés, une situation exceptionnelle aux vues de la précarité de leur statut.


Tensions sociétales et complications institutionnelles
« Les discriminations auxquelles les réfugiés font face sont personnelles et institutionnelles, continue Jarmi?a Rybi?ka. Il est difficile de louer un appartement, de trouver un travail, ils ne reçoivent quasiment rien de l'Etat ». Un permis de travail ne peut être accordé à un migrant lorsqu'il n'a pas obtenu le statut de réfugié. Or, ce dernier n'étant délivré que cinq mois après son arrivée sur le territoire, cela signifie vivre sans revenus durant ce laps de temps. Kuchnia Konfliktu n'a pour cette raison pas pu employer un kurde venant du Nord de l'Irak, n'ayant pas le statut de réfugié bien qu'il lui soit impossible de retourner dans son pays. « Dans ce contexte-là, il est très facile de finir dans un travail où l'employeur profite de sa supériorité en embauchant pour un salaire illégal. Les mauvais traitements de travailleurs sont communs sur le marché, mais les étrangers y sont encore plus vulnérables ».

A cette position sociale et économique dissuasive s'ajoutent les récentes décisions du gouvernement polonais concernant l'accueil des réfugiés : Jaroslaw Kaczynski, président du parti Droit et Justice (PiS) au pouvoir, a ainsi déclaré que la Pologne n'accepterait plus de réfugiés, qui représentent selon lui une menace à la sécurité de la Pologne, en référence aux attentats français. Malgré les exhortations du Pape François à accueillir les réfugiés lors des Journées Mondiales de la Jeunesse à Cracovie et les menaces de l'Union Européennes de faire payer 250,000? par réfugié refusé ? argent qui serait directement reversé aux pays gérant principalement la crise migratoire, comme la Grèce ou l'Italie ? le dialogue semble stagner. « On se demande si l'on doit accueillir dix ou cent personnes, alors que nous devrions discuter de l'accueil de dix mille, vingt mille réfugiés, considère Jarmi?a Rybi?ka. Je ne dis pas que nous devons recevoir deux millions de personnes en une seconde, mais nous sommes 40 millions en Pologne, nous pourrions définitivement accepter davantage ! »


S'intégrer par les échanges culturels
Si la société polonaise semble crispée sur ce sujet, les initiateurs de Kuchnia Konfliktu saluent néanmoins l'accueil reçu par leur projet : « Nous avons reçu quelques commentaires haineux via Facebook mais les gens que nous rencontrons sur place sont très sensibles et favorables à notre initiative ». Le profit réalisé par Kuchnia Konfliktu est encourageant et permet d'imaginer un nouveau développement : « nous voulons fonder un lieu plus permanent afin d'offrir un emploi stable, ce qui n'est pas le cas actuellement, en ne travaillant que deux mois l'été, déclare Jarmi?a Rybi?ka. Nous pensons à ouvrir une sorte de bar, qui serait un lieu d'événements pédagogiques et culturels, permettant davantage de dialogue et d'interactions ». Les employés, aux trajectoires extrêmement diverses ? ils sont irakiens, kurdes, algériens, tunisiens, iraniens, tchétchènes, ukrainiens, biélorusses, et étaient étudiants, ingénieurs, informaticiens, journalistes ? partageraient un peu de leur culture, avec l'angle de vue qu'ils souhaitent. Un dialogue déjà bien engagé en cette première saison. « Ce n'est pas juste de la cuisine, glisse Jarmi?a Rybi?ka. Je l'espère en tout cas. »

 

Océane Herrero (lepetitjournal.com/Varsovie) - Mardi 20 septembre 2016

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Publié le 19 septembre 2016, mis à jour le 20 septembre 2016