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PROGROM DE KIELCE - La commémoration, 70 ans après

Écrit par Lepetitjournal.com Varsovie
Publié le 5 juillet 2016, mis à jour le 7 juillet 2016

Les habitants de Kielce, petite ville à 180 km au sud de Varsovie, ainsi que des représentants d'Israël et des Etats-Unis ont rendu hommage dimanche dernier aux victimes juives du progrom de Kielce, qui s'est déroulé le 4 juin 1946, il y a 70 ans. Le président Andrzej Duda s'est rendu à son tour sur place lundi et a prononcé un discours contre l'antisémitisme, le racisme et la xénophobie, en présence de l'ancien président du Knesset, Shevach Weiss et du grand rabbin de Pologne, Michael Schudrich.

Une marche de mémoire et de prière est organisée depuis dix-sept ans sur les lieux de ces événements tragiques, notamment dans la rue Planty au numéro 7/9 où les massacres ont été commis. Le pogrom de Kielce a marqué un point important dans l'histoire des juifs en Pologne : survenu dix mois seulement après la fin officielle de la Seconde Guerre mondiale et de la Shoah, il a été considéré comme le catalyseur qui a fait fuir de Pologne la plupart des juifs survivants.

La ville de Kielce avait été entièrement vidée par les nazis de sa population juive d'avant-guerre. À l'été 1946, quelque 200 juifs, dont beaucoup d'anciens habitants, revenus des camps de concentration nazis y vivaient et la plupart d'entre eux logeait dans un seul bâtiment administré par le Comité juif de la Voïvodie de Kielce, situé au 7/9 de la rue Planty, au centre-ville. Bien que d'importantes zones d'ombre demeurent sur le déclenchement du pogrom et son déroulement, l'histoire a retenu le récit suivant: le 1er juillet 1946, un garçon de huit ans, Henryk B?aszczyk, polonais non juif, fut porté disparu par son père. À son retour, le garçon, probablement fugueur, aurait prétendu avoir été détenu par un inconnu. Un voisin suggéra à Henryk que cet homme pouvait avoir été juif ou bohémien. Le garçon, son père et le voisin se rendirent au commissariat de police locale, en passant devant la « maison juive » de la rue Planty. Henryk désigna un homme à proximité comme étant l'auteur de sa détention. Cette déclaration faite à la police, s'ajoutant à une suite de rumeurs déjà existantes sur des enlèvements d'enfants accompagnés de crimes rituels, marqua le début d'une flambée de violence perpétrée par les autorités et la population locale.

Trente policiers, cent soldats suivis par la foule entrèrent dans le bâtiment du 7/9 de la rue Planty. La police se mit aussitôt à tirer. D'autres juifs furent jetés dehors par les troupes, puis lapidés et attaqués avec des bâtons par des civils dans la rue. A la tuerie puis au lynchage, s'ajouta l'arrivée d'un groupe estimé à environ 600 à 1 000 travailleurs de l'aciérie Ludwików voisine, dirigée par des militants du PPR (nom qu'avait pris le parti communiste de Pologne qui était alors au pouvoir), armés de barres de fer: 20 juifs allaient être battus à mort. Après au moins trois heures continues de violence, pendant leur transport à l'hôpital, des juifs blessés continueront encore d'être battus et dévalisés par des soldats. Ce massacre fit 42 morts et 40 blessés. Mais les meurtres continuèrent encore pendant plusieurs mois après cette journée du 4 juillet. 30 personnes pourraient bien avoir été tuées dans les trains en transit qui passaient par la gare principale de Kielce : ces derniers étaient systématiquement fouillés par des civils et des gardes de la SOK (police ferroviaire) à la recherche de juifs.

Lors de procès sommaires, neuf personnes furent condamnées à mort pour leur participation à ce massacre et trois à de très longues peines de prison, tandis que le gouvernement communiste de Pologne chercha à attribuer la responsabilité aux nationalistes polonais, en particulier aux partisans anti-communistes qui soutenaient le général Anders et le gouvernement polonais en exil.

"La Pologne doit se souvenir non seulement des pages glorieuses de son histoire, mais également des événements qu'il faut condamner. Le pogrom de Kielce dont nous nous souvenons aujourd'hui en est un », a écrit la Première ministre Beata Szydlo dans une lettre lue dimanche devant les participants aux commémorations. « Cette tragédie fait encore l'objet d'études par les historiens. Mais aucune provocation ne peut être une justification de la haine et de la violence », a-t-elle ajouté.

Car en effet, une provocation des services secrets communistes est l'une des thèses souvent évoquées par les historiens polonais. D'autres voix, comme celle de l'universitaire américain Jan Gross, ont mis l'accent sur l'antisémitisme omniprésent dans la société polonaise, exacerbé par l'épreuve de la guerre. Toute enquête approfondie sur les circonstances du pogrom fut empêchée jusqu'à la chute du communisme en 1989, mais à cette époque beaucoup de témoins oculaires étaient morts. On se rendit compte alors qu'un grand nombre de documents relatifs au pogrom avaient été détruits par le feu dans des circonstances obscures ou l'avaient été délibérément par les autorités militaires. Cela explique que les origines du pogrom soient restées obscures jusqu'à aujourd'hui encore.

Environ 1 500 juifs ont été tués après la fin de la guerre. 100 000 ont quitté la Pologne dans les trois mois qui ont suivi le pogrom de Kielce. Il est resté 100 000 à 120 000 juifs en Pologne.

© Photo du 7/9 de la rue Planty à Kielce: commons.wikimedia.org

Laura Giarratana (lepetitjournal.com/Varsovie) - Mercredi 6 juillet 2016

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Publié le 5 juillet 2016, mis à jour le 7 juillet 2016