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TATARS DE CRIMEE - La Pologne, possible terre d'accueil

Écrit par Lepetitjournal.com Varsovie
Publié le 7 avril 2014, mis à jour le 10 avril 2014

Le 28 février dernier, l'armée russe occupait la péninsule ukrainienne. Depuis, 5.000 Tatars environ ont quitté la Crimée, leur terre historique, pour se réfugier à l'Ouest de l'Ukraine ou à l'étranger. Certains d'entre eux ont déjà demandé l'asile politique à la Pologne.

La Crimée : terre historique
Ils sont aujourd'hui au nombre de 300.000 et représentent entre 12 et 15% de la population de Crimée. Les Tatars criméens sont  les descendants d'une population turque musulmane qui habite la péninsule depuis le XIIIe siècle. Installés dans les montagnes, ils embrassent l'islam sunnite en 1441 et forment dès lors une entité séparée des autres peuples installés en Crimée, alors sous domination ottomane. C'est en 1792 que la Crimée est cédée à l'Empire russe. Plus tard, le régime soviétique se traduit par des persécutions durant la collectivisation et les Grandes Purges dans les années 1930. Mais la grande saignée démographique est initiée par Staline le 18 mai 1944, une date que les Tatars n'ont pas oubliée et qui explique en grande partie les craintes d'aujourd'hui.

Une communauté favorable à l'unité territoriale
Pour la plupart réputés antirusses, les Tatars de Crimée auraient, en majorité, soutenu la contestation visant l'ancien président pro-russe, Viktor Ianoukovitch, et se seraient montrés très largement opposés à la sécession de la péninsule ukrainienne. Certaines voix dissidentes estiment, au contraire, que 50% des électeurs tatars auraient voté en faveur de Moscou au Référendum du 16 mars. Estimation fortement contestée par le Mejlis, l'Institution officielle tatare de Crimée, dont la presse internationale occidentale s'est faite la porte-parole ces derniers temps.
Mais qu'il s'agisse de la majorité ou non de cette communauté musulmane de Crimée, les fervents défenseurs de l'intégralité territoriale de l'Ukraine sont nombreux et font entendre leur voix. Certains d'entre eux choisissent parfois de quitter leur pays car ils craignent la violence et les expulsions de la part des pro-russes et du nouveau gouvernement.

Retour sur les derniers événements
Leur action commence par l'appel au boycott du référendum de rattachement de la Crimée à la Russie le 16 mars dernier. L'annexion de leur terre historique par les Russes les conduit le 29 mars à voter une motion en faveur de leur autonomie : près de 250 représentants de la communauté tatare se sont en effet réunis afin d'envisager leur propre référendum d'autodétermination. Car ils refusent de devenir russes, mais ne veulent pas quitter le pays de leurs ancêtres ; aussi, l'idée d'une entité autonome au sein du pays a-t-elle été envisagée. Cependant, beaucoup d'entre eux émettent des réserves quant à la portée de ce statut, car la manière de s'engager avec la Russie n'a pas encore été définie. Le leader de la communauté, Refat Tchoubarov n'aurait pas encore précisé si la région appartiendrait à la Russie ou à l'Ukraine , bien que La Voix de la Russie ait déclaré le 3 avril que les Tatars de Crimée « acceptent de coopérer avec la Russie ».
Vladimir Poutine a prononcé le 18 mars un discours rassurant où il soutient leurs droits. Il leur a assuré une représentation au Parlement et a souhaité faire du tatar l'une des trois langues officielles de Crimée, avec le russe et l'ukrainien. Dans la foulée, le Parlement de Crimée a adopté une résolution sur la protection des minorités. Mais pour les Tatars, il ne s'agirait que d'une tentative de séduction ; et pour cause, dans une interview accordée à l'agence russe Ria Novosti, le nouveau vice-Premier ministre de Crimée Roustam Temirgaliev a annoncé que les Tatars devront renoncer à des terres sur lesquelles ils sont installés. La municipalité de Simferopol prévoit, à en croire la radio locale, d'agrandir son territoire et d'expulser certains Tatars installés à la périphérie de la ville. La perte de leurs terres : une crainte qui les hante depuis plus de 70 ans.

La répression stalinienne
Pendant la seconde guerre mondiale, les Allemands tentent d'embrigader les Tatars, mais bien que seule une minorité ait accepté la collaboration, toute la population est victime de la répression stalinienne en représailles. 180.000 Tatars sont ainsi déportés en Asie Centrale, en Sibérie et en Ouzbekistan sur décret de Staline dans des conditions déplorables. Ils meurent en masse de maladies ou de malnutrition.
Ils ne sont autorisés à revenir en Crimée qu'à partir de 1989, avec la dislocation de l'URSS, mais restent relativement pauvres, l'administration refusant de leur accorder des terres et des permis de travail. Ils s'octroient donc des terres parfois sans autorisation. Depuis 1991, la défense de leurs intérêts est prise en charge par une organisation, le Mejlis (assemblée) des Tatars de Crimée qui, le 30 juin de cette même année, a déclaré leur souveraineté et adopté un hymne national, ainsi qu'un drapeau. Depuis 1998, l'organisation envoie 14 députés au parlement ukrainien. Elle est soutenue financièrement par la Turquie.

Vers un second exil
Si la plupart des Tatars de Crimée ne souhaitent pas quitter la péninsule, 5.000 d'entre eux ont choisi le chemin de l'exil. En effet, les rumeurs de croix tracées sur les portes de maisons tatares dans certains villages et les récits d'arrestations arbitraires et de tortures ravivent le souvenir du 18 mai 1944. Parmi les villes qui ouvrent leurs portes à ces réfugiés, celle de Lviv, située à l'Ouest de l'Ukraine près de la frontière polonaise. On estime à environ 1.500 le nombre de personnes y ayant échoué; le gouvernement ukrainien a lancé un  plan d'accueil. Hors Ukraine, des pays limitrophes ou proches sont sollicités : la Lituanie ou la Pologne, où le 21 mars, un groupe d'une trentaine de personnes passe la frontière et demande le statut de réfugiés politiques. Selon le journal polonais « Gazeta Wyborcza », plusieurs centaines de familles tatares de Crimée s'apprêteraient à s'exiler en Pologne. Le ministre de l'Intérieur Bartlomiej Sienkiewicz a déclaré que la Pologne pouvait accueillir 11.000 personnes.
La communauté tatare de Pologne a, quant à elle, publié une résolution par laquelle elle soutient les droits de ses cousins criméens et condamne la répression russe. La solidarité des Tatars de Pologne s'organise, notamment à Kruszyniany, un des deux villages à l'Est de la Pologne, avec Bohoniki, où vivent des Tatars polonais. Ces derniers souhaiteraient accueillir leurs cousins criméens, lesquels sont pour le moment dirigés vers un centre de réfugiés près de Varsovie.

Pour en savoir plus sur "LES TATARS ? Polonais et musulmans depuis des siècles"

Laura Giarratana (www.lepetitjournal.com/varsovie) - Mardi 8 avril 2014

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Publié le 7 avril 2014, mis à jour le 10 avril 2014