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150 JOURS DU PIS AU POUVOIR- Bilan et perspectives pour l’économie polonaise

Écrit par Lepetitjournal.com Varsovie
Publié le 24 mai 2016, mis à jour le 25 mai 2016

Depuis son arrivée au pouvoir en octobre 2015, le parti conservateur « Droit et Justice » (PiS) n'a pas chômé ! Pendant ces 150 jours, il a adopté de nouvelles mesures et fait de nombreuses annonces. Alors quel bilan peut-on faire du nouveau gouvernement sur le plan économique ? Le PiS va-t-il mettre en œuvre toutes ses promesses ? Quelles sont les perspectives de l'économie polonaise ? Trois experts polonais ont abordé ces questions et bien d'autres lors du dernier « Rendez-vous d'affaires » organisé par la Chambre de Commerce et d'Industrie Française en Pologne (CCIFP) : en voici un compte-rendu pour faire toute la lumière sur la situation économique du pays ! 

Trois journalistes expérimentés étaient récemment invités par le président de la CCIFP, Maciej Witucki, à revenir sur les 150 jours du nouveau gouvernement et à aborder les 150 jours à venir, voir un horizon plus lointain bien que celui-ci soit difficilement prévisible. Piotr Gabryel de la revue hebdomadaire Do Rzeczy, Wawrzyniec Smoczyński du centre d'analyse de politiques Polityka Insight et Marek Tejchman du journal Dziennik Gazeta Prawna se sont ainsi livrés à une analyse des mesures du nouveau gouvernement d'un point de vue purement économique, même si celui-ci est parfois difficile à séparer des dimensions politiques et sociales.  

De gauche à droite : Wawrzyniec Smoczyński, Piotr Gabryel, Maciej  Witucki, Marek Tejchman

Un bilan positif des 150 jours du Pis sur le plan économique ?

Le Président de la CCIFP a entamé la discussion en  demandant à Piotr Gabryel de faire un bilan des actions positives de ces 6 mois de gouvernement du PiS. Pour Piotr Gabryel, la question est difficile. « Si l'on écoute les médias étrangers, on pourrait croire que la Pologne n'existe plus ou devrait cesser d'exister », ironise-t-il, « ce qui n'est évidemment pas le cas mais il est bien sûr difficile de faire abstraction des problèmes politiques notamment avec le chaos concernant le tribunal constitutionnel ». Il ajoute qu'il est difficile de parler de mesures positives ou négatives de façon univoque et objective. Par exemple, le programme (appelé 500+) d'octroi d'allocations de 500 zlotys par enfant et par mois à toutes les familles à partir du deuxième enfant, ainsi qu'aux foyers ayant un seul enfant quand ils disposent d'un revenu par personne ne dépassant pas 800 zlotys par mois (environ 180 euros), peut être vu de manière positive pour l'instant, son financement étant raisonnable cette année mais risque de poser problème dès 2017. Selon Piotr Gabryel, une mesure positive est la diversification dans les sources d'approvisionnement énergétique ou encore le plan du vice-Premier ministre et ministre de l'économie Mateusz Morawiecki. Ce plan de développement économique pourrait faire l'objet d'un débat à part, nous dit-il, et s'il reste un peu vague sur les moyens utilisés, il a le mérite de poser un bon diagnostic et des objectifs.

Tous les intervenants se sont finalement accordés à dire que l'équipe économique du gouvernement actuel, dirigée par Morawiecki, était meilleure que la précédente. Marek Tejchman a reconnu son expertise notamment pour ce qui est des problèmes de réindustrialisation, avec de vraies visions économiques, ce qui manquait au gouvernement précédent. Une meilleure utilisation des fonds européen a également été saluée.

La situation et les inquiétudes des investisseurs étrangers et polonais

Le changement de gouvernement a suscité des réactions inquiètes de la part des investisseurs étrangers mais aussi polonais. Une des appréhensions concerne ainsi la réforme du système fiscal. Si le déficit budgétaire était de 2.6% cette année, il risque de dépasser la barre des 3% du PIB l'année prochaine. Le gouvernement met en effet en œuvre des mesures coûteuses à financer comme le programme d'allocation 500+, l'abaissement de l'âge du départ à la retraite tandis que les recettes budgétaires prévues semblent difficiles à atteindre, certaines taxations comme celle sur les hypermarchés étant pour l'instant abandonnées. Il pourrait ainsi être moins rentable d'investir dans les bons du Trésor polonais.

La crise du Tribunal constitutionnel constitue une autre source d'anxiété. Les fortes prises de position du ministre de la Justice et sa volonté de réformer profondément le système judiciaire en Pologne font douter les investisseurs sur l'indépendance des tribunaux et la sécurité de leurs investissements, a appuyé Marek Tejchman.

Wawrzyniec Smoczyński a souligné le fait que les plus inquiets et prudents étaient les investisseurs polonais, disposant de moins de capitaux que les investisseurs étrangers et regardant la situation politique de plus près.

Concernant la discrimination des investisseurs étrangers au profit des nationaux, Piotr Gabryel considère que le patriotisme économique est un phénomène positif qui doit être privilégié pour permettre le développement du capital polonais et d'entités commerciales nationales fortes. Les autres intervenants pensent que cela doit se faire de façon naturelle : or, les investisseurs polonais ont parfois moins de capitaux et de savoir-faire que les étrangers. Le vice-rédacteur en chef de Dziennika Gazety Prawnej, Marek Tejchman, a par ailleurs souligné que des organismes avec un capital polonais très fort peuvent, à long terme, obtenir une position trop importante et poser un problème pour le gouvernement.

Un climat économique dominé par l'incertitude

L'analyse de la situation économique actuelle met avant tout en évidence une incertitude prédominante venant des doutes sur les projets du gouvernement et à plus long terme, d'un contexte international imprévisible. Le flou entoure la réalisation des engagements électoraux : le gouvernement va-t-il finalement établir la taxe sur les hypermarchés ? Va-t-il tenir sa promesse, très forte pendant la campagne, concernant la conversion des prêts hypothécaires en franc suisse détenus par les Polonais en monnaie locale, qui paraît difficilement réalisable, risquant de provoquer une crise bancaire ? Piotr Gabryel énonce ainsi la nécessité pour le gouvernement de trancher et lever les doutes, l'incertitude nuisant au développement de l'économie. 

Wawrzyniec Smoczyński, le directeur de Polityka Insight, affirme que le gouvernement semble vouloir réaliser ses promesses mais aussi renouveler son mandat. Or, pour gagner les élections, l'économie est cruciale et le gouvernement devra limiter les dépenses publiques. Pour lui, si le PiS arrive à maîtriser le déficit budgétaire, il a des chances d'être réélu. Mais d'ici-là, la situation internationale peut connaître bien des évolutions qui peuvent modifier les prévisions. Beaucoup de changements peuvent apparaître avec le référendum sur le Brexit, les élections présidentielles aux Etats-Unis puis celles qui vont avoir lieu en France et en Allemagne, le conflit russo-ukrainien et une possible levée des sanctions, l'éventualité d'amendes instaurées par l'Union européenne en cas de refus d'accueil de migrants, la situation bancaire préoccupante en Italie, le ralentissement économique de la Chine et de la zone euro,… Nul ne sait ce que l'avenir réserve !

© Photos : CCIFP

Hélène Sancey-Dodivers (lepetitjournal.com/Varsovie)- Mercredi 25 mai 2016 

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Publié le 24 mai 2016, mis à jour le 25 mai 2016