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ENERGIE - Le gaz de schiste, coûte que coûte !

Écrit par Lepetitjournal.com Varsovie
Publié le 18 décembre 2013, mis à jour le 19 décembre 2013

Depuis un rapport publié en 2011 par l'Agence d'Information sur l'Énergie américaine révélant les réserves abondantes de la Pologne en gaz de schiste, le gouvernement veut en faire l'élément clé de sa politique énergétique. Les nombreuses contraintes apparues entre temps n'y ont rien changé.

Pendant la conférence du climat tenue à Varsovie en novembre, le ministre de l'environnement Marcin Korolec a été remplacé pour opérer une "accélération radicale de l'exploitation du gaz de schiste" (D. Tusk), montrant ainsi les difficultés du pays à s'engager dans une réelle démarche de transition énergétique. 

Pour un pays limité par sa forte dépendance au charbon, source de 91% de l'électricité du pays, et au gaz russe, le gaz de schiste apparaît comme la solution de l'équation énergétique, l'arrivée du nucléaire n'étant pas prévue avant 2020. Le nouveau ministre de l'Environnement, Maciej Grabowski en charge des questions énergétiques, a d'ores et déjà déclaré que l'exploitation du gaz de schiste serait sa "priorité". 

Un choix largement approuvé
Ce choix énergétique est largement approuvé au sein de la classe politique et de la société. Un sondage  conduit par le Centre pour la Recherche sur l'Opinion Public (CBOS) en juin 2013 montre que 78% des interrogés soutiennent l'exploitation du gaz de schiste en Pologne. Ce soutien n'empêche pas  une opposition assez forte des collectifs écologistes comme à ?urawlów dans le Voïvoidie de Lublin. Mais ces initiatives sont mal vues par la majorité de la population. Ainsi, selon Urszula Stefanowic, coordinatrice du projet  Koalicja Klimatiyzna réunissant 22 organisations écologiques polonaises, il y a  un "risque", d'être "automatiquement" accusé d'être "du côté de [la société gazière russe] Gazprom" si l'on critique l'exploitation du gaz de schiste. 

Les premiers doutes
Le retrait de plusieurs sociétés américaines (ExxonMobil, Marathon) et canadiennes (Talisman) début 2013 a jeté quelques doutes sur les projets polonais en matière de gaz de schiste. L'exploitation été jugée moins rentable que prévue en raison de spécificités géologiques plus contraignantes que dans d'autres pays, comme en Ukraine ou en Bulgarie. Par ailleurs, les estimations initiales des réserves du pays on été revues à la baisse, et seraient au mieux, selon l'Institut Géologique de Pologne, deux fois moins importantes. 

L'UE "sabote" le gaz de schiste
Dans ce contexte, l'UE est perçue comme un bâton de plus dans les roues de la Pologne. En effet, en octobre dernier, une résolution a été adoptée au Parlement Européen, rendant obligatoire une étude d'impact préalable à tout nouveau forage. Isabella Albrycht , présidente de l'Institut Kosciusko, think tank proche des industriels, a dénoncé que l'UE "sabote" ainsi les projets polonais dans ce domaine. 

Le problème est que l'UE n'offre pas d'autre solution en matière énergétique. En l'absence de politique énergétique commune, la Pologne est contrainte à un prix du gaz très élevé (450 dollars/1000 m³) du fait de sa forte dépendance au gaz russe, par rapport à d'autres pays  comme la Grande Bretagne, qui ne paye que 313 dollars/1000 m³.

Une loi déterminante
Malgré ces contraintes, le gouvernement polonais ne renonce pas à ses projets d'exploitation commerciale dès 2014, conforté par les résultats des forages opérés par  San Leon Energy  dans le Nord de la Pologne,  jugés "très bons" par le vice ministre de l'Environnement Piotr Wozniak. Ainsi, dans les prochaines semaines, le Parlement polonais devrait adopter une loi qui pourrait déterminer l'avenir du secteur. Cette loi aura notamment pour but de définir le régime fiscal applicable à l'exploitation du gaz de schiste tout en visant, selon Grabowki, à "faciliter l'investissement dans le gaz de schiste".

Si cette loi pourra faciliter l'exploitation du gaz de schiste, l'avenir du secteur n'en demeure pas moins incertain. De nombreux forages d'explorations restent à être réalisés avant de pouvoir pleinement estimer  la rentabilité de l'exploitation du gaz de schiste. La question environnementale reste également en suspens, l'extraction du gaz de schiste pouvant libérer du méthane, gaz encore plus nocif que le CO2. Mais le gouvernement entend garder le cap. 12,5 milliards d'investissement vont ainsi être consacrés au gaz de schiste d'ici à 2020.

Cyril Mantoy (www.lepetitjournal.com/varsovie) - jeudi 19 décembre 2013

 

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Publié le 18 décembre 2013, mis à jour le 19 décembre 2013