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HUMOUR – Quand le croissant au chocolat bat de l'aile

Écrit par Lepetitjournal.com Varsovie
Publié le 30 octobre 2016, mis à jour le 30 octobre 2016

Aujourd'hui, pour nous Français expatriés, point de difficultés insurmontables en Pologne. De nombreux bistrots français, telles de petites ambassades culturelles, veillent désormais à ce que le dépaysement gastronomique ne soit plus qu'un vieux souvenir. Mais en 2009, nous n'en étions pas encore là?

Venu m'installer en Pologne cette même année, le Franco-Polonais que je suis souhaitait renouer avec les saveurs de l'enfance : cornichons, harengs, pierogi, etc. Mais très vite, la nostalgie de la gastronomie et de la vie à la française pointa le bout de son nez.. Dès lors, la recherche du temps perdu fut souvent très amusante.  Vous vous levez, et sortez boire un café dans un bar au nom évocateur de la France. Vous demandez un espresso, et le garçon disparaît. Un quart d'heure plus tard, le manager vient vous voir, pour s'assurer que vous aviez bien compris ce qu'était un espresso. « C'est tout petit, vous savez ? » mime-t-il du bout des doigts. Alors vous devez payer d'avance, car « un client le mois dernier n'avait pas voulu payer et j'ai dû appeler la police!».

Vous voulez un croissant aussi, mais ici ils n'ont que des «croissants au chocolat ». Et les croissants au beurre ? « Ca n'existe pas ! ». Tiens donc ! Les croissants qui marchent sur les plates-bandes des pains au chocolat, c'est un peu comme les banques qui assurent et les assureurs qui financent, on s'y perd. Vous en faites part au garçon qui vous répond que l'Europe doit les croissants à la Pologne, quand Sobieski sauva Vienne des Ottomans.

Alors vous prenez la crêpe, et on vous demande « avec quelle sauce ? Béarnaise, ketchup ou kebab? ». Surpris, vous optez pour une complète sans sauce, et voilà qu'arrive une crêpe sèche comme les chaussettes de l'archiduchesse, avec un ?uf qui ne coule pas ! Non ! Quelle horreur ! Vous comprenez alors les bretons qui ne mangent pas de crêpes en dehors de chez eux !

Vous sortez de là, sonné, vous êtes sur le trottoir avec une envie de crier. Alors, vous vous dites que vous allez prendre en main votre nostalgie française. Vous allez au supermarché, et c'est à nouveau le choc : des camemberts « goût paprika », de la moutarde de Dijon qui ne pique pas, du saucisson au prix de quatre saucisses krakowskie, des bouteilles de vin français inconnues en France, au prix répondant à l'équation « prix en Euros en France x 10 donne le prix en PLN ». Une fois rentré à la maison, vous appelez vos amis Polonais pour leur conter vos aventures, et désarroi : ils ne comprennent pas du tout ! « O co chodzi ? Za du?o si? przejmujesz ! ».

Alors vous allez dans un bar pour oublier. Miracle, vous êtes tombés dans le seul bar qui vend du Ricard! S'ensuit un dialogue surréaliste où vous devez expliquer, essayant de ne pas paraître trop condescendant, que non, le pastis, ça ne se boit pas avec du Redbull ou du coca, mais de l'eau, et que non, cette eau ne peut pas être gazeuse ! La serveuse pose sur vous un regard désespéré, et vous lui laissez un bon pourboire, tout désolé de votre arrogance. Vous revenez la semaine suivante, et elle n'a pas du tout appris la leçon. Vous laissez échapper un « En France, on sert le past? » et là, elle vous coupe : « Nous ne sommes pas en France, Monsieur».

Car c'est ça la morale de l'histoire. Nous ne sommes pas en France ! Cette apparente « déchopinisation des rapports Franco-Polonais » vous plonge d'un coup dans le 21ème siècle, de la jeune Pologne qui perd ses complexes vivant son identité européenne « à sa sauce », cessant de suivre les autres par obligation, inventant ses propres recettes, et c'est tant mieux ! La serveuse vous a rendu service, elle vous a fait éclater cette vérité au visage. Nous ne sommes pas en France... Et vous comprenez juste que le vrai problème est que l'utilisation de la gastronomie française comme élément marketing sans le respect de ses codes vous agace, vous, l'expatrié plein d'espoir, au moment de lire le menu dans un bar.

Et miracle ! Le temps que vous mettez à vous détendre, à abandonner tout espoir de manger comme en France, à boire des cafés à la turque, des croissants au chocolat couverts de sucre, et du camembert à la confiture, la Pologne a changé. Les machines à espresso ont inondé le pays de bon café et la moindre station-service polonaise fait du meilleur café que les machines des autoroutes françaises.

Gâtés comme nous sommes, cela devient plus facile de contempler d'un oeil bienveillant des trouvailles de marketing comme les pierogis au camembert, et le cocktail PVT ?Pastis Vodka Tonic qui laissa tant de gens sur le carreau à la réception du 14 juillet?sauf les authentiques Franco-Polonais, bien sûr !

PS : Toutes ces anecdotes ont eu lieu entre 2009 et 2014, et non pas en une journée !

Matthieu Rubio (lepetitjournal.com/Varsovie) -  Lundi 31 octobre 2016

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Publié le 30 octobre 2016, mis à jour le 30 octobre 2016