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TICS - Kochane pieniążki et autres diminutifs

Écrit par Lepetitjournal.com Varsovie
Publié le 4 mai 2012, mis à jour le 14 novembre 2012

 

Beaucoup de Polonais les adorent, d'autres en ont une sainte horreur : aujourd'hui lepetitjournal.com décortique pour vous les diminutifs polonais, ces petites bêtes qui sévissent un peu partout. A prendre avec des pincettes [archive 2011]

Contrairement aux francophones qui se méfient des diminutifs et n'y ont recours qu'occasionnellement, les Polonais en usent et en abusent, à tort ou à raison. D'une manière générale, « on obtient un diminutif dans un procédé de dérivation lexicale qui ajoute à un mot l'idée de petitesse ou de fragilité, à l'opposé d'un augmentatif. Ainsi, les diminutifs sont fréquemment utilisés comme hypocoristiques, c'est-à-dire pour ajouter une nuance affective, caressante au mot considéré; formés sur les noms propres, ils correspondent à une forme de surnom ». Or, tandis qu'en français l'emploi des hypocoristiques, et spécialement des surnoms, est réservé au registre familier, dans d'autres langues dont le polonais cet emploi est beaucoup plus large et obéit à des règles moins strictes.

Pas de prénoms sans surnoms !
Une francophone qui attend un heureux événement se creuse la tête à la recherche d'un prénom ? La belle affaire ! Si elle jette son dévolu sur Jean, Marie, Louise, Laurent, ou Anne-Constance, elle pourra être sûre que l'enfant portera effectivement ce prénom, peut-être légèrement modifié, pour certains, selon les usages : Jeannot, Loulou ou Lolo. En revanche, sa cons?ur polonaise se trouve devant un choix autrement plus vaste, car le surnom peut s'éloigner à l'infini de l'original, pour finir par ne point lui ressembler. Ainsi, au fier et bref prénom Jan correspondent toutes sortes de surnoms : Janek, Ja?, Jasiu, Jasiulek, Janeczek. Katarzyna a toutes les chances de devenir Kasia, Ka?ka, Kachna, Kasie?ka, Kasiula (cette forme se rapprochant dangereusement de Krasula, le prénom de la vache polonaise par excellence).

Anna, un prénom très usité en Pologne comme en témoigne ne serait-ce que l'équipe rédactionnel du Petit Journal de Varsovie, devient fréquemment Ania, Anka, Anusia, Anula (encore la vache !) et même Andzia, forme que l'auteure de cet article a particulièrement en horreur. Et inversement, un prénom «de base» peut ne pas être retenu car il lui manque des surnoms «digne de ce nom» : il n'y a pas longtemps, une jeune future maman cherchait désespérément sur un forum un joli diminutif pour le prénom ?ucja ?usia » ne faisant manifestement pas son affaire, peut-être à cause de sa ressemblance avec le mot « ?ysa », chauve ?). Car il est impensable pour un Polonais «d'appeler un chat un chat», du moins dans le domaine affectif, et une mère s'adressant à sa fille «Mario » au lieu de «Marysiu» passerait pour une folle ou une prétentieuse.

Pas si simple de faire ses "petites courses"
Mais, tandis que l'habitude de «diminutifier» les prénoms apparaît, au pire, comme un péché mignon ancré solidement dans la tradition polonaise, celle de «hypocoristiquer» tout ce qui bouge est une manie plus récente. « Si les proverbes sont la sagesse de la nation, les diminutifs sont sa bêtise », écrit le journaliste Marcin Zasada.

(Traduction : le petit argent, je déteste ce diminutif)

En effet, il est rare de boire un simple café (kawa) dans un bar ; à la place, on vous proposera un petit café (kawka, kawusia). Vous voulez acheter une robe (suknia, sukienka) ? Pas de chance, la vendeuse ne dispose que de sukieneczka ou de sukienusia, qui plus est avec des petites manches (r?kawki) courtes.

A l'épicerie, à la place de chleb, mas?o i szynka on vous proposera du petit pain, du petit beurre et du petit jambon (chlebu?, mase?ko i szyneczka), puis on vous mettra tout ça dans un petit sac (siateczka) plutôt que dans un siatka, même si ledit sac est tout sauf petit... Et à la fin de cette transaction, comble de l'horreur, on vous demandera vos pieni??ki à la place de pieni?dze (l'argent), tout en sachant pertinemment que la facture sera plutôt salée.

Le polonais, une langue infantile?
Certains, comme le professeur Jan Miodek, linguiste réputé, voient dans cet abus le signe des temps : selon lui, c'est le capitalisme, récent en Pologne, et la volonté d'amadouer le client à des fins commerciales, qui en sont responsables. D'autres, notamment les psychologues, évoquent la conception des relations humaines d'Eric Berne: les gens communiqueraient en partant des trois niveaux, celui d'un parent, d'un adulte ou d'un enfant.

« L'attitude adulte est la plus équilibrée et la plus rationnelle. Le parent donne des ordres, il est souvent soit autoritaire soit laxiste. L'abus des diminutifs, l'envie de forcer la sympathie ou la pitié, c'est un exemple de l'attitude d'un enfant. De cette façon on peut masquer ses véritables intentions », explique le psychologue Mariusz Perlak.

Bien entendu, il ne s'agit pas là de vrais enfants ni de «parler bébé», toujours admissible bien que critiqué pour son côté anti-pédagogique. Après tout, ce n'est pas un crime d'encourager un bambin haut comme trois pommes à faire pipi (siusiu), de s'extasier devant son caca (kupka) ou de le gratifier d'un petit bonbon (cukiereczek). Les problèmes commencent quand, à l'enfant, se substitue un autre adulte...

Les Polonais seraient donc infantiles, du moins dans leur rapport avec la langue ? C'est une conclusion quelque peu hâtive bien que, avouons-le, tentante... En revanche, il paraît indéniable que la langue polonaise privilégie une certaine coloration affective et préfère la subjectivité à l'information neutre. Ainsi, en descendant dans un kiosque à journaux et en trouvant, sur la porte close, un mot : « Wychodz? na momencik » (Je reviens dans un petit instant), nous ne pouvons être sûrs que d'une chose : que cet instant, quelle que soit sa durée, sera extrêmement court pour le vendeur absent. Pour peu, on lui aurait donné un petit bisou (ca?uska).

Anna Kryst (www.lepetitjournal.com/varsovie.html) mardi 12 juillet 2011



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Publié le 4 mai 2012, mis à jour le 14 novembre 2012