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BHL : "C’est trop facile de ne mettre en cause que les populistes"

Bernard-Henri Lévy EuropeBernard-Henri Lévy Europe
©Mauro Rico
Écrit par Shirley SAVY-PUIG
Publié le 19 mars 2019, mis à jour le 20 mars 2019

Le philosophe et écrivain Bernard-Henri Levy est actuellement en tournée européenne pour sa pièce Looking for Europe. Lancée à Milan le 5 mars dernier, c’est à Valencia qu’elle sera présentée ce mercredi 20 mars avant de poursuivre par Barcelone le 25 et Madrid le 26.

 

Lepetitjournal.com Valence : Les Français et bi-nationaux français et européens d’Espagne et de toute l’Europe vivent au quotidien le manque d’uniformisation européenne. Faire valider son diplôme français en Espagne par exemple, est long et pénible. Et ce n’est que l’un des très nombreux exemples de luttes administratives quotidiennes. N’est-ce pas là le début d’un euro-scepticisme ?  

Bernard-Henri Levy : Bien entendu, vous avez raison. Les exemples comme celui que vous citez, j’en connais tellement ! La pièce essaie de répondre à cela. Elle essaie d’exhorter les bureaucraties européennes à se simplifier. Et, surtout, elle essaie de militer pour que cette Europe froide, technicienne, retrouve une âme. Et aussi un visage. C’est une pièce lévinassienne. Elle en appelle à la résurrection des visages. Elle plaide pour une Europe des visages. Donc une Europe des âmes et des esprits. Donc une Europe qui fasse que l’expatrié de Valence ne se trouve plus face à des problèmes du type de ceux que vous citez. A quoi bon l’Europe si c’est pour ne pas parvenir à valider son diplôme ? A quoi bon le rêve européen si c’est pour buter sur des obstacles bureaucratiques aussi sots ?

La France donne des leçons aux Italiens par exemple, ou aux Hongrois. Mais sommes-nous sûrs qu’elle se conduise tellement mieux ?

En juin dernier, Valence a accueilli les 629 réfugiés de l’Aquarius. Un acte fort qui a marqué les esprits puisque c’est la seule ville européenne qui soit passée à l’acte. N’y a-t-il pas justement un manque de cohésion européenne à propos de la question des migrants ?

Bien entendu, j’ai suivi cela. Valence, ce jour-là, a donné l’exemple. Et quel exemple ! Ce fut un moment de grandeur européenne ! Valence restera, à cause de ce moment et de ce geste, dans les livres d’Histoire européenne. Mais, en même temps, ce n’est pas normal. Car c’est toute l’Europe qui aurait du s’aligner sur Valence. Car les règles de l’hospitalité, qui sont au cœur de l’ADN de l’Europe, sont violées partout. Foulées aux pieds partout. Y compris dans mon propre pays. La France donne des leçons aux Italiens par exemple, ou aux Hongrois. Mais sommes-nous sûrs qu’elle se conduise tellement mieux ? Ce thème-là est au cœur de la pièce. Ce rappel au fait que l’Europe ce ne sont pas seulement des intérêts mais des valeurs - voilà le sujet de « Looking for Europe ».

C’est trop facile de ne mettre en cause que les populistes.

Les institutions européennes, les personnalités politiques qui se sont succédées à la tête des différents gouvernements de chaque pays ces dernières années, ne devraient-elles pas se remettre en question tant au niveau de leurs priorités que de leur communication pour permettre à l’Europe de se renforcer ?

Et comment qu’elles doivent se remettre en question ! C’est tout le thème de l’Acte V de « Looking for Europe ». L’auteur de la pièce, pour être complètement honnête avec vous, les vire tous. Et il les remplace par des grands anciens, des grands ancêtres, des maîtres du passé, donc des morts - mais des morts qui lui semblent tout à coup, dans son délire final, plus vivants que les vivants. C’est l’autre thème de la pièce. Cette recomposition du gouvernement de l’Europe. Ce rappel des grands fantômes qui ont fait son âme et sa chair. Et, en effet, la disqualification de toutes celles et tous ceux qui, sous nos yeux, ont laissé choir l’étendard dont ils avaient la charge. Et l’espérance dont ils étaient les responsables. Car c’est trop facile de ne mettre en cause que les populistes. Et trop facile de ne mettre en cause que les europhobes. Il y a un vrai problème. C’est la défaillance des amis de l’Europe. C’est le découragement, la grande lassitude pour parler comme Husserl, de ceux-là mêmes qui auraient du se faire les hérauts les plus ardents l’Union européenne. Cela aussi la pièce le dit. Et, je peux vous l’assurer, sans concession. 

Que penseraient les Pères fondateurs de ce qu’est devenue l’Europe et de ce qu’il se passe actuellement?

Ils seraient consternés. Mais vous verrez. Ils sont là au Vème acte de la pièce. Ils sont là, dans les toutes dernières minutes. Sur la scène. Avec moi. Ils parlent à travers ma bouche. Je les ventriloquise. Et je fais entendre, oui, vous avez raison, leur déception, leur amertume et leur colère. Mais, en même temps, leur volonté de reprendre le gouvernail. Car c’est cela qu’il se passe dans « Looking for Europe ». Vous allez découvrir cela. Les pères fondateurs qui reprennent les commandes de l’Europe.

 


Bernard-Henri Lévy en tournée dans toute l'Europe avec sa pièce "Looking for Europe"


 

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