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CCEF - Rencontre avec Patrick Poivre d'Arvor : salle comble

Écrit par Lepetitjournal Tunis
Publié le 20 décembre 2016, mis à jour le 20 décembre 2016

Les Conseillers du Commerce Extérieur de la France (CCEF) ont organisé une rencontre-conférence avec Patrick Poivre d'Arvor, sur le thème "Itinéraire et confidences d'un journaliste" le lundi 19 décembre, qui a attiré plus de 300 personnes à l'hôtel The Residence Tunis à Gammarth

La conférence a été ouverte M. Alexandre RATLE, président de la section Tunisie des Conseillers du Commerce Extérieur Français, et animée par Tancrede de la Morinerie, attaché audiovisuel de l'Institut Français de Tunisie.

Tancrede de la Morinerie : "Comment a débuté votre histoire avec la Tunisie, que vous connaissez bien ?"
Patrick Poivre d'Arvor : Avec deux amis j'avais acheté une 2 CV à 500 Frs pour faire le tour de la Méditerranée, et ma première escale a été la Tunisie, où j'ai rencontré une tradition d'hospitalité, un peuple souriant et accueillant, et ma vision du monde en a été changé. Les stéréotypes du monde arabe ont volé en éclat (y compris ceux de ma famille) depuis ce premier voyage. Je le répète toujours :  les voyages forment la jeunesse, allez à la rencontre des autres, peuples, religions ...

"Qu'évoque pour vous le 13 septembre 1975 ?"
Je ne me souviens pas de ce qui s'est passé exactement ce jour là, mais je sais que le 13 septembre 1975 a été mon premier journal télévisé sur Antenne 2, j'avais 28 ans.
J'avais d'ailleurs du mal à comprendre comment on pouvait me prendre au sérieux, avec le recul, je me trouve prétentieux et sentencieux.

"Vous avez quitté le service public pour intégrer Canal + pour "tous en scène" puis TF1, comment se sont passées ces transitions ?"
A l'époque de 1968 on comptait environ 200 000 postes, puis il y eut très vite 3 chaines appartenant toutes au gouvernement, ce fut l'époque des "grand-messes", les journaux concurrentiels de TF1, Antenne 2 et FR3.
Le modèle le plus intéressant pour les journalistes était la BBC, ainsi que le modèle allemand beaucoup plus régionaliste.
L'explosion des chaînes avec Canal + puis la 5, la 6 qui sont privées, et pour finir, la privatisation de TF1, ont permis d'installer une saine concurrence entre le public et le privé, et de donner au téléspectateur plus de choix et de liberté, de sortir des standards.

"Votre journal a été le premier européen, avec un impact gigantesque. Quelles sont les interviews les plus marquantes ?
En dehors des Français et des Tunisiens : Saddam Hussein que j'avais interviewé, alors qu'il n'était pas sous le feu des medias, avec à l'époque, une audience de 12 à 14 millions de spectateurs. Cela nous a servi de passe pour aller sur le terrain lorsqu'il a envahi le Koweit, alors que les autres journalistes n'obtenaient pas leur visa.
Tous les étrangers étaient alors considérés comme des otages, je n'ai pas obtenu d'interview mais j'ai profité de ma position pour rapatrier un bébé français grâce aux indications de l'ambassadeur sur place. J'ai du transporter ce bébé dans un sac et passer plusieurs contrôles alors que le bébé commençait à s'agiter. Nous avons commencé à entonner la Marseillaise, puis quand il n'y eut plus de diversions possibles, nous sommes tombés sur un échange de prisionniers irakiens et iraniens. Dans cette confusion, j'ai pu foncer jusqu'à l'avion qui nous attendait sur la piste à Bagdad, et donner rapidement le sac au pilote en lui signalant le bébé, alors que des policiers couraient derrière moi.
Après un dernier contrôle et dès que nous avons passé a frontière jordanienne, nous avons bien sûr fêté cette réussite au champagne, et plus tard la mère du bébé ma demandé d'en être le parrain.
Je décide de repartir très vite pour obtenir l'interview de Saddam Hussein. TF1 a refusé en raison de l'épisode du bébé, arguant que Saddam Hussein était furieux et que les risques étaient trop élevés.
J'ai alors décidé de prendre un cameraman indépendant, et après de nombreuses négociations et au dernier jour de mon séjour, alors que j'allais être expulsé, les autorités sont venues me chercher pour m'amener dans l'un des immenses palais de Saddam Hussein.
Tout d'abord déçu puisque me retrouvant dans une grande salle contenant 300 chaises, j'ai cru qu'il s'agissait d'une simple conférence de presse, et pas d'un scoop. Puis entrent dans la salle 300 otages de toutes nationalités, hommes, femmes et enfants.
Saddam Hussein arrive alors et annonce "vous êtes mes hôtes, et pour vous accueillir j'ai invité un très grand journaliste français". Etonné par cette attitude, j'ai rétorqué "Monsieur le président, on dit en Occident que vous avez un gilet pare balles". Il m'a invité à vérifier, il n'en avait pas, puis il a commencé à me parler et m'a entraîné dans une visite de son palais.
J'ai pu ainsi converser 3 heures avec lui en privé, ce qui donné une interview qui a été diffusée dans le monde entier.
Une interview n'a de force que si elle est accompagné par de l'émotionnel, du tragique ... Lorsque je vois les personnalités telles que Saddam Hussein, Khadafi, je me dis que nous journalistes, nous avons cette chance de témoigner, et que nous faisons un "drôle de métier"

Pendant la conférence, Tancrede de la Morinerie a invité le public a poser des questions. Une journaliste de La Presse a témoigné de sa gratitude auprès de Patrick Poivre d'Arvor, pour lui avoir accordé une interview "express" alors qu'elle était débutante. Yves Lecocq, la fameuse voix de la marionnette de PPDA sur CANAL + était présent, et a provoqué la surprise et les rires du public, en imitant le célèbre présentateur et en échangeant avec lui les souvenirs de ces 27 ans de "PPD". Le présentateur indiquera avoir beaucoup de sympathie pour Yves Lecoq, et toujours refusé d'attaquer le comédien ou la chaîne.

"Comment gérez vous les émotions, quand il s'agit d'annoncer des événements tragiques, qui parfois vous touchent de près ?"
Lorsque j'ai du annoncer la mort d'un ami mort en reportage au Koweit, ou Jacques Brel qui n'était pas intime, Montand, Brassens, qui avaient forgé à la fois mon humanité et ma culture, il faut le faire sans implication personnelle, il faut avoir beaucoup de sang froid, ça fait partie du job.

"Que pensez-vous de la prolifération des medias électroniques et de l'information "live" ?"
Il est nécessaire d'avoir des modérateurs dans cet ocean d'information, ou désormais chacun peut s'exprimer et être lu. C'est une progression mais aussi un danger.
J'en ai moi même souffert par rapport à de fausses informations sur wikipedia, dont la mort de ma soeur !
La plupart des gens connaissent à l'avance le contenu du journal de 20h et effectivement les audiences sont plus basses et beaucoup plus réparties. Il y a de nombreuses chaînes en continu, les journaux électroniques et bien sûr un nombre incalculable de radios. Ce qui a changé, c'est la façon de consommer l'information. Elle est devenue addictive et fascinante. Il manque un peu à mon avis, de recul, d'émissions de synthèse et d'analyste. L'information est digérée rapidement et se renouvelle sans cesse.
Cela ressemble aux fameuses émissions de "zapping", les informations "guignolesques" ou graves sont regroupées dans un seul format et c'est dangereux pour l'analyse de l'info et également sur le plan émotionnel.

"Vous avez contribué à l'apport d'une touche culturelle sur TF1 avec Ex-Libris, c'était important pour vous ?"
Pour moi ça a été très important d'apporter la culture sur une chaîne privée, avec EX LIBRIS, puis VOL DE NUIT. Les livres ont été essentiels pour moi, ils ont transformé ma vie, moi ex enfant timide, j'ai compris grâce à eux qu'il y avait une possibilité derrière ce que l'on croit être un mur, lorsqu'on est adolescent. Il faut croire en ses rêves et croire que tout est possible.
C'est qui a poussé mon frère et moi à quitter Reims et découvrir Paris puis le monde. Il faut amener les enfants à lire, que ce soit par les bibliothèques, les émissions culturelles, les journaux électroniques ...

"Pour finir, quelle attitude doit avoir un journaliste par rapport au pouvoir ?"
J'aime quand les journalistes gardent une distance par rapport au pouvoir, comme Georges de Caunes ou même mon personnage des Guignols.
J'essaye aussi de garder une petite distance vis à vis de moi même.

BIOGRAPHIE

Patrick Poivre d'Arvor est un journaliste, animateur de télévision et écrivain français né le 20 septembre 1947 à Reims dans la Marne.

Il est le présentateur-vedette du journal de 20 heures d'Antenne 2 de 1975 à 1983, et du journal de 20 heures de TF1 de 1987 à 2008. Depuis cette période, il est considéré comme une personnalité importante du paysage audiovisuel français, que ce soit également en tant qu'interviewer ou animateur d'émissions littéraires. Il inspire la création en 1988 du personnage de PPD, la marionnette centrale de l'émission de Canal+, Les Guignols de l'info.

Il est le frère de l'actuel ambassadeur de France en Tunisie, Olivier Poivre d'Arvor.

Également écrivain, Patrick Poivre D'Arvor a publié une soixantaine d'ouvrages.

NB : ENTREE SUR INVITATION, à RETIRER à l'INSTITUT FRANCAIS DE TUNISIE

La Rédaction (www.lepetitjournal.com/tunis) mardi 20 décembre 2016

Liens utiles :

Les Conseillers du Commerce Extérieur de la France (CCEF)

Patrick Poivre d'Arvor 

Hôtel The Residence Tunis

 

 

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Publié le 20 décembre 2016, mis à jour le 20 décembre 2016

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