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POLITIQUE - L’élection présidentielle française vue de Suède

 


A deux jours du deuxième tour de l'élection présidentielle, lepetitjournal.com/stockholm s'est demandé ce que les Suédois pouvaient bien penser de la campagne électorale française. Alors que peu de Français seraient capables de nommer le Premier Ministre suédois, les Suédois s'intéressent-ils à la vie politique française ? Ont-ils suivi la campagne ? Quelle a été leur réaction après le premier tour ? Que pensent-ils des deux candidats en lice ?

Des Suédois mobilisés grâce aux réseaux sociaux 

Pour beaucoup de Français et Françaises vivant à l'étranger, cette élection présidentielle a été pour eux l'occasion de devenir des experts en politique française, qu'ils le veuillent ou non. Car s'il est un sujet qui a été abordé de façon régulière et d'autant plus depuis un mois, c'est bien l'élection présidentielle dans l'Hexagone. Difficile d'y échapper à l'occasion d'un dîner ou d'une soirée. Les Suédois s'intéressent à la vie politique en France et plus précisément à cette élection. Pour Erik, un étudiant de 23 ans, il est très dur de ne pas suivre l'élection lorsqu'on a des amis français. "Mon fil d'actualité Facebook est rempli depuis des semaines d'articles postés par mes amis français donc je ne peux pas ne pas être au courant de ce qui se passe" nous a-t-il confié. Il a donc lu de nombreux articles sur le sujet afin de pouvoir en discuter avec ses amis. Martina, une étudiante de 28 ans, a suivi la campagne depuis le début et de façon plus intensive avant le premier tour également grâce aux réseaux sociaux et à la télévision française.

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Comme nous le mettions en avant dans un article sur le militantisme, il semble clair que les nouvelles technologies ont eu un impact important sur la campagne présidentielle. Lors du premier tour, le quotidien suédois Dagens Nyheter avait organisé un live facebook en direct de l'Ambassade de France à Stockholm pour interroger les électeurs. Cet exemple prouve l'intérêt que portent les média et la population suédoises à cette élection.

Une élection française dans un contexte européen 

L'élection française a des conséquences au-delà des frontières de l'hexagone. Elle apparaît comme l'incarnation d'un contexte européen particulier. Pour Michael, 54 ans, les "partis politiques d'extrême droite bénéficient d'un développement très positif dans toute l'Europe depuis ces dernières années et cela pourrait avoir des conséquences sur son fonctionnement". De même, d'après Martina, "la France est centrale pour l'Eurozone et l'Union Européenne" mais "aujourd'hui, elle est en proie à une crise que personne ne pouvait imaginer, notamment avec une domination de l'euroscepticisme qui peut être à la fois dangereux et prometteur".

Selon Erik, l'engouement autour de Marine Le Pen n'est qu'une "preuve de ce qui se passe dans la majorité des pays européens aujourd'hui, y compris en Suède avec Sverigedemokraterna" (l'extrême-droite). Aussi, ils ne sont pas si surpris de la présence de Marine Le Pen au second tour. Pour Martina, "le fascisme a toujours été l'enfant du néolibéralisme" et une telle présence de l'extrême-droite n'était qu'une affaire de temps. De même, pour Erik, cette "montée de l'extrême-droite est inévitable et si ce n'est pas dimanche, elle sera d'autant plus présente en 2022".

Une campagne présidentielle particulière 

Même de la Suède, on a pu se rendre compte que cette campagne était spéciale sous bien des aspects. Pour Martina, la campagne a été influencée par un contexte international et européen fort. Selon elle, "l'élection de Donald Trump, ou la crise des réfugiés ont agi comme des catalyseurs d'un virage à droite qui a pris place en Europe au fil des ans, et qui a empiré du fait des problèmes structurels propres à la zone euro et au système économique". Et les élections en France mais aussi en Autriche, aux Pays-Bas en sont des émanations directes. Evoquant la campagne, elle a avoué "n'avoir jamais vu quelque chose comme ça". Erik, lui, a fait référence aux affaires de corruption qui ont "malheureusement" rythmé la campagne. Selon lui, elles ont été l'un des tournants décisifs de celle-ci et expliquent grandement le résultat du premier tour. ?Lorsque les Français ont en marre : ils manifestent. Ici, ils ont décidé de le faire en éliminant les deux partis majoritaires, ils ont exprimé leur fatigue vis-à-vis de ces affaires de corruption en votant contre le système?.

Emmanuel Macron un candidat fiable face au Front National ? 

Lorsqu'on interroge les Suédois sur Emmanuel Macron, les avis sont partagés mais ils sont assez unanimes sur l'importance de faire barrage à l'extrême-droite. Mais, après le premier tour, le tabloïd social-démocrate Aftonbladet décrivait Macron comme un "populiste sans peuple? qui utilise les mêmes argumentaires que l'extrême-droite.

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De façon assez intéressante, Erik et Michael ont tous deux fait référence à des Premiers Ministres suédois pour évoquer Emmanuel Macron. Pour Michael, on pourrait comparer le leader d'En Marche au Premier Ministre suédois actuel car c'est un "outsider de la sphère politique comme Stefan Löfven ou Donald Trump aux Etats-Unis, j'aime le fait qu'un politicien ait fait autre chose que seulement de la politique". De plus, "Macron veut réunir à la fois sympathisants de gauche et de droite et unir la population" ce qui est positif d'après lui. Au contraire, pour Erik, Emmanuel Macron est comme Fredrik Reinfeldt, Premier ministre conservateur, chef du gouvernement suédois de 2006 à 2014. Selon lui, "il est inapte à représenter le peuple, il est trop centré sur lui-même et sur l'économie comme l'était Reinfeldt en Suède il y a plusieurs années. Je sais ce qui se passe quand on laisse quelqu'un qui s'intéresse plus à l'argent qu'aux personnes diriger le pays". Pour cet étudiant de 23 ans en médecine, le premier tour a été source de déception. Alors que la France avait "un candidat de gauche crédible", elle se retrouve avec "deux candidats de droite sans convictions morales, sociales ou éthiques, c'est un pas en arrière pour ce pays, et après le second tour, on saura quelle est la taille de ce pas". Martina aussi est pessimiste vis-à-vis du candidat d'En Marche qu'elle résume en quelques mots : "un ancien banquier avec des déclarations vides de tout contenu, mieux que Le Pen mais finalement assez mauvais".

Alors que les Français de l'étranger habitant en Suède ont voté à plus de 51% pour Emmanuel Macron, on peut voir que les avis des Suédois restent partagés. Si tous ont conscience de la montée de l'extrême droite, ils ne savent pas si la réponse Macron sera suffisante pour endiguer le phénomène. Selon eux, cette élection est représentative d'un mouvement européen global qu'il semble de plus en plus difficile à contrer et qui pourrait se retrouver lors des prochaines élections suédoises.

Sarah Chabane (lepetitjournal.com/stockholm) 5 mai 2017

Photos: SvD, Dagens Nyheter