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TALENTS - Les jeunes expatriés sont-ils des évadés?

Écrit par Lepetitjournal Singapour
Publié le 15 octobre 2013, mis à jour le 8 février 2018

"Diplômés des grandes écoles: la grande évasion" titrait Le monde, le 9 Octobre dernier. En cause, un sondage indiquant que 79% des étudiants en dernière année, dans neuf grandes écoles, n'excluaient pas de chercher un emploi à l'étranger. Et les experts de commenter "Ces résultats sont emblématiques du pessimisme ambiant. Quand les titulaires des meilleurs diplômes pressentent que toutes les portes ne sont pas ouvertes en France pour eux, que pensent les autres?" S'agit-il d'évasion ou d'ouverture? Faut-il craindre une fuite des talents, ou au contraire se réjouir que, malgré les difficultés, les jeunes aient adopté l'international comme leur nouveau terrain de jeu?

la grande evasion des diplomes
 Erasmus, double cursus, année de césure, stage, post doc, Work-holiday pass, VIE, autant d'opportunités offertes aux étudiants et jeunes professionnels de se frotter à l'inconnu, de démystifier l'international, d'éteindre leurs dernières craintes et réticences pour l'expatriation. Autant de pousse au crime diront d'autres dans la guerre des talents. "le pays a pourtant investi sur ces jeunes qui ont réussi les concours les plus prisés", dit l'article du Monde, "les voilà qui lorgnent par delà les frontières". Les jeunes concernés sont les premiers à le reconnaître, c'est au travers de telles expériences qu'ils ont attrapé le « virus » de l'expatriation. Ils sont enthousiastes. On peut aussi s'en féliciter, satisfait de voir cette jeunesse, plus polyglotte, plus mobile, plus ouverte que les générations précédentes, se préparer ainsi à des carrières qui ne peuvent plus faire abstraction d'un monde globalisé. Mais que penser à l'inverse d'une expatriation qui signifierait fuite, exil, oubli du pays d'origine, adoption d'un nouveau pays ou d'une vie apatride ?

S'agit-il de s'évader ou de partir à l'aventure?

Ce qui pose problème ce n'est pas de partir pour découvrir, c'est de partir pour de mauvaises raisons, d'oublier ses racines, de partir pour ne plus revenir. Dans ces circonstances, le départ des meilleurs talents à l'étranger constitue en effet un gâchis. Mais la question ne peut plus être de retenir ou d'empêcher de partir. Que penser d'une équipe de France, dont les joueurs ne connaitraient que le championnat national. Ces derniers ne seraient-ils pas rapidement décrochés sur le terrain plus vaste de la compétition mondiale ? La vraie question n'est-elle pas désormais, tout en favorisant le départ des jeunes à l'étranger, de trouver les moyens de leur donner une image dynamique de leur pays, l'envie d'y revenir ou de maintenir le contact ?

Faire réussir l'expérience internationale

De nombreux jeunes partent aujourd'hui à l'étranger par goût de l'international, épris d'aventure, la tête pleine de projets. D'autres le font par défaut, forcés à l'exil par la conjoncture morose en Europe. On comprend aisément que l'atmosphère générale à Singapour ou à Shanghai paraisse plus légère qu'à Paris ou Londres. Le dynamisme des pays émergents, en Amérique Latine et en Asie exerce un pouvoir d'attraction pour les jeunes professionnels.  Même ralentie, la croissance en Asie reste vive et les opportunités nombreuses. Les jeunes expatriés y trouvent un terrain ouvert à leurs ambitions, où ils peuvent travailler, se développer, entreprendre et échapper aux frilosités du vieux continent. Mais tout n'est pas facile. Certains bricolent sur le plan professionnel et s'accommodent d'un style de vie qui n'a rien de luxueux. D'autres ont plus de chance.  D'autres encore finissent par renoncer.  C'est important de les aider.  Pour tous, l'essentiel est d'abord que l'expérience à l'étranger soit réussie. Il faut donner une mission aux jeunes professionnels hors de leur pays, construire les bases d'une équipe de France, faire connaître leurs succès et faire reconnaître qu'ils sont aussi ceux de la collectivité.  Et s'il s'agit enfin de faire revenir les talents, il faut que le jeune professionnel, quand il revient, le fasse pour de bonnes raisons, porté par une riche expérience, attiré par la possibilité de voir cette expérience reconnue et valorisée. Le pire serait que ne reviennent que ceux qui sont forcés de le faire tandis que ceux qui ont les moyens de rester, pérennisent leur situation d'expatrié par rejet du contexte en Europe et de ses rigidités.

Entretenir l'attractivité du retour

L'étape de l'expatriation qui est la moins bien gérée est souvent celle du retour. C'est vrai des entreprises quand elles n'anticipent pas et sont incapables de proposer à leurs expatriés des opportunités stimulantes dans le pays d'accueil. C'est vrai des intéressés et de leur famille confrontés souvent à une forme d'expatriation à l'envers quand ils reviennent dans leur pays. C'est vrai encore à l'échelle du pays quand l'expérience à l'étranger est sous valorisée, jugée décalée ou arrogante, ou bien encore quand les opportunités sont rares et que là où les jeunes ont fait à l'étranger l'expérience du mouvement ils ne voient plus, de retour dans leur pays d'origine, qu'immobilité. Il faut refonder l'attractivité du pays, substituer à la tentation de la démission, qui consisterait à se considérer comme un pays vieux, celle d'un pays riche de sa qualité de vie, de ses valeurs et de ses solidarités, de sa culture et de ses réussites technologiques.

Accueillir les jeunes talents étrangers

L'attractivité de la France à l'égard de ses nationaux est indissociable de sa capacité de manière réciproque à attirer les meilleurs jeunes talents étrangers. Malgré les efforts des grandes écoles et universités sur ce terrain, il n'est pas toujours certain que tout soit fait pour que les jeunes professionnels étrangers trouvent en France le moyen d'entreprendre et travailler. Si les jeunes français sont attirés par l'international c'est aussi qu'ils y apprécient, aux Etats Unis et ailleurs, les écosystèmes qui favorisent les échanges de savoirs et d'expérience. Autant générer aussi de telles opportunités en France.

Bertrand Fouquoire (www.lepetitjournal.com/singapour) mercredi 16 octobre 2013

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Publié le 15 octobre 2013, mis à jour le 8 février 2018

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