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Bruno Schricke – Une retraite active avec son épouse à Singapour 

Bruno Schricke, retraité à SingapourBruno Schricke, retraité à Singapour
Bruno Schricke et son épouse Hetty
Écrit par Laurence Huret
Publié le 18 avril 2021, mis à jour le 11 octobre 2021

Etudiant à l’Essec, Bruno Schricke a fait son stage de 2ème année en 1976 au poste d'expansion économique de l'Ambassade de France à Singapour, suivi d'une mission de prospection en Malaisie pour le groupe familial Lesieur, qui s'intéressait alors au développement très rapide de l'huile de palme dans ce pays. Revenu à Singapour faire sa coopération militaire à l'Ambassade pendant 16 mois en 1977/78, il a été le Premier Secrétaire du "French Singaporean Business Committee" qui regroupait une dizaine d'hommes d'affaires de la communauté d'affaires singapourienne et française. Cette structure est plus tard devenue exclusivement française, sous le nom de « French Business Association », le précurseur de la FCCS actuelle, dont on peut donc dire que Bruno a été le premier employé... Après une longue carrière dans des entreprises non françaises, il a décidé en 2017 de prendre sa retraite à Singapour en compagnie de son épouse.

 

Après cette première expérience, quand êtes-vous revenu à Singapour ?

Singapour est redevenu notre port d'attache un peu par hasard mais à notre grande joie en 2005 grâce à mon employeur d'alors, la banque néerlandaise ABN AMRO, où j'ai travaillé pendant une vingtaine d'années après 10 ans à la Chase Manhattan Bank. Nous avons eu la chance de vivre dans 10 pays, en Asie (Chine, Thaïlande, Pakistan...) ainsi qu'en Ukraine, aux Pays Bas, au Canada, au Royaume Uni...  J'ai quitté le monde de la banque à la fin des années 2000, et j’ai eu l' opportunité à partir de 2011 pendant plus de 5 ans de contribuer à la rapide croissance de la présence du groupe Essilor à Singapour, puis ultérieurement à celle du groupe Lesaffre. 

 

Avez-vous des membres de votre famille sur place ?

Sur le plan personnel, j'ai eu la joie de rencontrer celle qui allait devenir ma femme à la fin de mon séjour en 1978, une Singapourienne qui venait de terminer alors des études supérieures en biologie végétale, et qui m'a accompagné en France où elle a pu faire son doctorat. Nous nous sommes mariés en 1980, et avons 3 enfants dont l'aîné vit et travaille à Singapour avec sa femme et ses trois enfants depuis 5 ans. Une grande joie pour nous. Nous devons donc compter parmi les très rares grands-parents qui font parfois la sortie de l'IFS pour venir chercher leurs petits enfants... Ma femme depuis notre retour à Singapour en 2005 est devenue férue de poterie et, notamment en tant qu'ancienne élève du maitre potier singapourien Iskandar Jalil, expose régulièrement à Singapour et à l'étranger. Nous avons 2 autres enfants mariés en France avec bientôt 6 petits enfants en France.

 

Bruno Schricke
L'épouse de Bruno, Hetty, dans son atelier de poterie à Jalan Bahar

 

Quels souvenirs gardez-vous de Singapour? Quels évènements vous ont le plus marqué ? 

​Je garde un merveilleux souvenir de ma période à Singapour dans la deuxième moitié des années 70. Un job très intéressant où je côtoyais notamment les responsables de la communauté d'affaires française à Singapour (nous étions déjà environ 400 Français en 1977), dont certains  étaient des anciens cadres transférés d'Indochine qui retrouvaient un peu le même style de vie dans la cité-Etat, habitant tous dans des superbes Black and White, apportant avec eux déjà la nostalgie d'un passé révolu... Je m'étais lié d'amitié notamment avec le patron local de la BNP, Jean Claude Blangero,  et celui de la Banque Indosuez, André Utard, une personnalité hors du commun, pour lequel je servais souvent de matelot sur son voilier avec lequel nous allions souvent faire des croisières notamment à Tioman... La FCCS d'aujourd'hui doit beaucoup à ces deux personnes, qui ont beaucoup œuvré à sa création. Je fréquentais assidument le Changi Sailing Club, une des seules institutions à Singapour qui ait à peine changé en 45 ans, et y ai participé aux premiers championnats asiatiques de 505.

Nous logions comme pas mal de coopérants dans un grand immeuble colonial merveilleux, Meyer Crescent, au 125 Meyer road, à un moment où se terminait devant nos fenêtres la réclamation qui allait laisser la place à L'ECP... Cet immeuble dans les cocotiers et au bord de l'eau a malheureusement disparu depuis. Beaucoup d'entre nous avions de petites motos qui nous permettaient de nous déplacer très facilement dans la ville, et d'aller parfois découvrir Johor et les merveilles de la côte Est de la Malaisie. Les visites à Batam et Bintan étaient par contre inexistantes à cette époque, du moins dans notre classe d'âge.

J'appréciais beaucoup mon environnement de travail à l'Ambassade, le poste économique était situé au Thong Teck Building sur Scotts Road, un bâtiment qui n'a pas changé, mais j'avais un grand plaisir à me rendre à l'Ambassade dans ses très attachants bâtiments coloniaux toujours existants au 5 et 7, Gallop Road, et les invitations à des déjeuners ou diners à la résidence de l'Ambassadeur, juste à côté de l'Ambassade, étaient pour moi des évènements mémorables ! 

 

Bruno Schricke
L'ancien Seaview hotel au 125 Meyer Rd, aujourd'hui The Makena

 

Singapour dans la hiérarchie des postes diplomatiques n'avait sans doute pas encore l'importance qu'elle peut avoir aujourd'hui, mais l'environnement humain dans et autour de l'Ambassade était de très bonne qualité. 

J'avais de plus choisi de donner des cours de Français le soir à l'Alliance française, qui venait de s'installer dans ses superbes bâtiments coloniaux au 4 Draycott Park, ce qui a été un moyen très utile pour rencontrer des Singapouriens de tout âge et de tous milieux sociaux, et je reste en contact avec certains d'entre eux plus de 40 ans plus tard.  SIA me demandait occasionnellement d'aider les hôtesses en formation à bien prononcer les noms de vins français qu'ils servaient en cabine, des moments dont je garde de très bons souvenirs...

Nous étions infiniment reconnaissants à l'état français d'alors de nous permettre de satisfaire à nos obligations militaires dans de telles conditions, un très bon exemple qui a permis à toute une classe d'âge de jeunes diplômés français de découvrir les attraits d'une vie à l'étranger, tout en apportant à nos Ambassades une main d'œuvre qualifiée et sans doute bon marché. 

Singapour était à l'époque beaucoup moins aseptisée qu'aujourd'hui... Le quartier chinois grouillait d'activités multiples, la vie de kampung était encore une réalité dès qu'on sortait du centre-ville, la Singapore River gardait encore son activité vibrante.  Seule la tour OCBC récemment terminée avait atteint une hauteur respectable et se distinguait dans la City, et l'activité foisonnante gênérait partout des odeurs très typiques et variées, qu'on ne retrouve pratiquement plus aujourd'hui... Les canaux n'avaient pas encore été nettoyés… On sentait alors une volonté féroce et enthousiaste à tous les échelons du pays de bâtir, progresser, structurer, apprendre des expériences des autres… et c'était communicatif...

 

Bruno Schricke
Le Concorde

 

Heureux concours de circonstance, j’ai pu  vivre de près un évènement oublié qui était le début de l'exploitation du Concorde en décembre 1977 opéré conjointement par British Airways et SIA. Après 3 vols de Londres avec arrêt à Bahreïn, ceux-ci ont été rapidement interrompus par l'interdiction du survol de l'espace aérien malaisien puis indien... Ils ont repris en 1979 pour être ensuite définitivement arrêtés en 1980. L'aéroport de Changi n'était pas encore ouvert à l'époque, et c'était celui de Paya Lebar qui était encore utilisé. Des coopérants prenaient des cours de saut en parachute au-dessus des pistes de Changi alors en construction…

A noter, le relatif manque de sensibilisation quand on vivait de la sorte à Singapour pour les drames qui se développaient au même moment dans des pays proches comme le Cambodge, ou même beaucoup plus près encore de Singapour avec les boat people qui affluaient notamment du Vietnam en Mer de Chine. Également les conflits ethniques en Birmanie… Avec le recul, cela me parait regrettable et difficilement explicable....

 

Avez-vous rencontré des difficultés professionnelles?

Ma carrière professionnelle a été passionnante mais, notamment à Singapour, n'a bien sûr pas été un long fleuve tranquille. Mais je n'en garde que de bons et beaux souvenirs. J'ai pu découvrir des pays et des cultures passionnants, contribuer à ma mesure à leur développement, et surtout rencontrer des personnalités merveilleuses en particulier au sein de mes équipes. 

 

Les différentes institutions françaises vous ont-elles apporté leur appui ?

Travaillant dans des entreprises non françaises, je n'étais en fait que peu impliqué dans les institutions françaises dans les pays où je résidais, même si nous étions sur le plan familial très bien intégrés à la communauté française. J'ai été par contre plus impliqué dans la communauté néerlandaise, et ai été à titre d'exemple pendant mon séjour à Shanghai Président de la chambre de commerce du Bénélux en Chine. Pour un Français, c'était une responsabilité originale dont je garde un très bon souvenir. J'ai été Trésorier du Comité de gestion du Lycée français à Bangkok. Nos enfants - tant qu'ils étaient avec nous - ont suivi le cursus des écoles françaises, à leur grande satisfaction, et à la nôtre aussi !

 

Comment voyez-vous la situation actuelle à Singapour dans le contexte de la pandémie ?

Déjà vaccinés depuis début mars, nous sommes en mesure de comparer la gestion de la pandémie entre la France et Singapour. Nous sommes admiratifs de la façon dont Singapour a su gérer cette crise. Nous avons vraiment adoré nous discipliner à arpenter tant de coins que nous ne connaissions pas assez dans notre ile pendant cette période si compliquée. Il y a tellement de choses à découvrir ici, petites ou grandes ! 

 

Bruno Schricke
Visite du centre de PN à Cébu

 

Comment envisagez-vous votre retraite à Singapour ?

Nous avons décidé ma femme et moi en 2017 de passer notre retraite à Singapour. Nous avons la chance d'être PR depuis 15 ans et d'avoir pu acquérir notre logement, ce qui facilite beaucoup les choses. Nous avons pris l'habitude de passer une bonne partie de l'été en France depuis quelques années. 

Je conserve quelques activités semi professionnelles et m'engage de plus en plus dans le soutien à une très belle association " Passerelles Numériques " (PN) qui dans ses trois centres de Cebu, Danang et Phnom Penh accueille 500 jeunes issus de milieux très défavorisés et leur permet une employabilité grâce à une formation aux métiers du numérique. Je suis à leur Board de Singapour et depuis peu également à leur Board français qui gère de facto l'association. Nous sommes avec ma femme membres de nombreuses associations locales à Singapour (Nature Society, Peranakan Association, Heritage Society, China Society...) et pouvons compter sur l'amitié solide et souvent ancienne de nombreux Singapouriens. 

Nous avons aussi la possibilité de pouvoir aller régulièrement à Penang où nous aimions en période pré-Covid retrouver parmi d'autres choses une ambiance du Singapour que nous avons particulièrement appréciée il y a quelques dizaines d'années. Nous adorions aussi quand c'était possible partir à l'aventure découvrir des parties un peu reculées de l'Indonésie, le pays d'origine de la famille de ma femme avant qu'elle ne s'installe à Singapour après la guerre. 

Nous réalisons chaque jour le privilège  qui est la nôtre de pouvoir vivre une retraite active à Singapour, en étant parfaitement acceptés ici, tout en restant bien sûr très attachés à notre pays d'origine.

 

20 ans lepetitjournal.com

Dans le cadre de l’anniversaire des 20 ans de lepetitjournal.com, l’édition de Singapour a souhaité donner la parole et mettre en lumière des Français et francophones résidant à Singapour depuis une vingtaine d’années.

 

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