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PORTRAIT - Benoit Badufle, les histoires du petit garçon curieux qui voulait devenir un grand homme... 

Écrit par Lepetitjournal Singapour
Publié le 15 juillet 2015, mis à jour le 15 juillet 2015

Esthète, amateur d'histoire, de culture et amoureux des mots avec lesquels il joue à merveille, Monsieur Badufle a aujourd'hui pour mission de représenter Monaco en Asie et d'y assurer la promotion du tourisme de luxe. Fort d'une belle ascension sociale et des nombreux contacts qu'il a tissés, c'est tout naturellement et avec une grande aisance qu'il navigue dans des sphères aussi exclusives que variées. Rencontre avec un homme de lettres d'une rare sensibilité …

Benoit Badufle
Pouvez vous nous parler un peu de vous?
Benoit Badufle - Je suis né à Paris en mai 1968, pendant les événements éponymes. J'ai passé mon enfance entre Palaiseau (Essonne) et le 15e arrondissement. Mon père m'emmenait souvent au spectacle et au musée, au mépris des recommandations d'âge. Très tôt je sus lire et consommais de façon régulière des livres et des bandes dessinées classiques. Ma mère travaillait aux Caisses d'Allocations Familiales de Paris. D'une grande gentillesse et d'une personnalité accommodante avec son entourage, elle représentait le calme et la sérénité dont les chats et les enfants ont besoin pour être vraiment heureux, ce qui compensait avec le caractère taciturne de mon père. J'eus tôt fait avec le recul et le havre que m'offraient mes colonies de vacances tri-annuelles de comprendre que leur couple ne fonctionna jamais vraiment. Mon père décida de résoudre ce problème de façon abrupte et mourut à 38 ans en ayant vécu vite mais en laissant une jeune épouse de 37 ans, un tout jeune homme fraîchement diplômé du Bac et sa petite sœur de 8 ans.

Pour nous remonter le moral, ma mère décida d'utiliser une grande partie de la maigre assurance vie de mon père à un long voyage. Je recommandais le Brésil et nous débarquâmes à Recife où je compris pour la première fois comment la géopolitique et les mouvements de populations ont façonné le monde. En rentrant du Brésil, je m'inscrivis en faculté d'histoire et d'histoire de l'art à Paris IV. De mes trois années, je retiens surtout mon cours d'histoire Napoléonienne, délivré par le truculent Jean Tulard, LE spécialiste français de la Révolution et de l'Empire dont je dévorais aussi l'excellent  « Dictionnaire du cinéma ».
Soucieux d'avoir quelque chose à vendre en vue de ma future carrière, j'entrepris alors de préparer un diplôme de commerce puis deux ans plus tard, le diplôme en poche, je partis à l'armée, en Alsace.

En rentrant de l'armée, j'annonçais à ma mère que je partais habiter de mon côté et qu'elle n'avait plus à se soucier matériellement de moi. Je fus pendant quelques mois chauffeur pour "Service Prestige", la société de Johnny Halliday. Je conduisis Tina Turner, Mark Knopfler, Francis Cabrel, j'attendis en vain, toute une nuit, en bas de son hôtel particulier de l'avenue Kléber que Pascaline Bongo fasse appel à mes services, je pris en charge pendant une semaine entière la dame de compagnie de la Reine de Thaïlande et son ministre de la défense, dormis parmi eux au Meurice et découvris ainsi la soupe Tom Yam Kung, le curry vert et le riz au lait de coco, mes premières expériences de l'Asie du Sud Est. Quand je le raccompagnais à l'aéroport du Bourget, le ministre Rajatawan me tendit sa carte et me déclara sans ambages "si vous venez en Thaïlande, montrez cette carte et toutes les portes s'ouvriront". Ce fut ma première expérience des hautes sphères du pouvoir.

Puis ce fut un passage par l'Inalco en cours du soir pour étudier le Japonais alors que je travaillais à l'Hotel Nikko de Paris. Après 3 ans d'études, mon Directeur Général me proposa de partir au Japon pour un stage de longue durée. J'arrivais à Osaka en Octobre 1994 à une période où il y avait encore si peu d'étrangers dans la région du Kansai qu'il m'arrivait souvent de passer mes jours de relâche sans croiser un caucasien. L'immersion fut quasi totale.

En rentrant en France, je fus engagé au service commercial et marketing, mené d'une main de fer par Mme. Keiko Hyakutake, qu'on disait petite fille d'un aide de camp de l'Empereur Hirohito et dont les origines nobles, la grande intelligence et l'excellente éducation lui permettaient de faire coexister avec beaucoup de grâce un hédonisme assez décadent et une personnalité martiale qui provoquait parfois stupeur et tremblements chez beaucoup de ses interlocuteurs. C'est à elle que je dois l'apprentissage de mon métier d'aujourd'hui, la vente, le marketing, l'optimisation, c'est aussi à elle que je dois ma décomplexation convertie en tropisme envers ce qui représente le beau, la qualité, l'excellence, l'ambition. Issu d'un milieu somme toute modeste, c'est accompagné par Keiko que j'accédais aux hautes sphères qui ne se doutèrent jamais de mes origines "roturières". Elle m'assigna le portefeuille des Ambassades, ce qui me fit côtoyer de nombreux diplomates étrangers dont certains, devenus depuis très importants dans le gouvernement de leur pays, sont toujours mes amis aujourd'hui.

Au début de l'année 2000 je décidais de me présenter à un poste vacant à la prestigieuse et centenaire Société des Bains de Mer de Monaco, ce qui lança ma carrière actuelle en Asie. Je quittais mon Paris adoré, Radio Nova et la bicyclette de mes trajets quotidiens et débarquais à Nice dans un meublé miteux mais avec des vraies tomettes au sol et une vue sur un araucaria, appelé aussi le désespoir du Singe, mon signe astrologique chinois.

En quoi consiste votre métier?
- Nous proposons des services partiels ou complets de marketing, de promotion et de relations publiques. Notre domaine de prédilection est la promotion du tourisme de luxe. Ainsi ma société Horus Development & Consulting est en Asie du Sud Est, en Chine et en Corée le bureau de promotion du tourisme et des congrès du Gouvernement de Monaco ; mais nous offrons aussi nos services à des organisations qui font appel à notre large implantation régionale pour les aider à se développer auprès du grand public ou d'un public ciblé. Nous travaillons aussi pour le géant britannique Reed Exhibitions et je suis impliqué personnellement dans le développement d'ICESAP (Incentive Convention & Event Society Asia Pacific), une organisation multinationale basée à Hong-Kong et que je conseille. Nous aidons également Bomanbridge Media, la société Singapourienne de production et de distribution de programmes de télévision, sur un projet de jeu télévisé et sur un cooking show en préparation.
 
A quoi ressemble une journée type ?
- Ma journée type n'existe pas, il y a trop de voyages, de rendez-vous extérieurs, de dossiers différents... A Singapour, ma journée type idéale serait d'aller nager à 7h, de suivre mon cours de chinois à 8h et d'être au bureau à 9h30 afin de faire le point avec mes collaborateurs sur les dossiers en cours, remonter mes emails reçus de l'Europe pendant la nuit puis avancer sur les projets du moment : sales calls internationaux, gestion des événements, rencontre de partenaires pour explorer des opportunités, lecture de la presse tourisme, hôtellerie, luxe et aérien, rédaction de rapports et newsletter mensuels, formation en marketing direct et media sociaux... Je m'efforce de consacrer 1h par jour à apprendre quelque chose de nouveau, c'est une discipline qui m'a été inspirée par un des cadres dirigeants que je transportais souvent quand j'étais chauffeur de grande remise.

Si je suis en voyage mes journées se ressemblent davantage puisque j'exécute alors ce que j'ai préparé depuis mon bureau. En voyage mes journées sont faites de rendez-vous et de dîners d'affaires visant à créer des liens. Les rapports humains sont un aspect très important en Asie et il faut savoir les cultiver en s'adaptant aux habitudes locales, ce qui n'est pas toujours une sinécure ! Avec des Coréens on doit parfois boire beaucoup, avec des Japonais on échange grâce à des expériences gastronomiques, en Chine on sort tard on mange très tôt ou très tard et on est facilement invité chez les gens puissants pour un barbecue ou un golf le week-end, à Hong-Kong pour une sortie en yacht, des courses hippiques au Jockey Club, un coup d'hélicoptère pour aller à Macau au dernier moment... à Singapour, en Thaïlande ou en Inde, c'est beaucoup plus léger. Mais dans tous les cas il faut aimer les gens et savoir être un véritable caméléon…

Quel est votre plus gros défi ici ?
- Garder un certain focus et prioriser mon temps et mon énergie au bénéfice de projets intéressants ou fructueux tout en réussissant à garder du temps pour ma famille et pour moi. Et ce n'est pas si facile. Mon épouse et moi même sommes tous deux entrepreneurs, nous vivons à 100 à l'heure et nos métiers nous amènent à rencontrer une multitude de gens. Le fait que nous n'avons malheureusement pas d'enfants n'aide pas car nous n'avons pas de limite chronologique imposée par les horaires scolaires ou par la ritualisation propre à la vie des petits. Et Singapour est un de ces endroits où, si l'on se laisse faire, on peut sortir tous les soirs dans des événements organisés par ceux avec lesquels nous travaillons ou que nous fréquentons dans le cadre de nos activités professionnelles. Je l'ai fait souvent durant les premières années. Afin de créer mon réseau j'ai joué le jeu. Mais je le fais moins maintenant, car le style de vie qui en découle est en fin de compte assez délétère. Le champagne, les cocktails et les tables fines, la visibilité sur les media sociaux … c'est bien mais il ne faut pas en abuser. Et j'aimerais que les gens continuent à me dire avec le pouce en l'air que je ne fais pas mon âge ! Il s'agit donc de trouver l'équilibre qui consiste à faire partie intégrante de cette formidable communauté, qui est un des gros atouts de Singapour, de pouvoir y contribuer et d'y être reconnu pour les bonnes raisons, sans pour autant devenir un "sociolite" et un alcoolique mondain.

Avez-vous un grand rêve ? De quoi sera fait demain ?
- Quand j'étais petit garçon je disais à ma grand mère que quand je serai grand, je voulais "être Président de la République comme Monsieur Compidou" (sic) cela a longtemps été une private joke dans la famille. En effet, je me suis toujours intéressé à la politique, à la science politique et à toutes les disciplines qui la déterminent: l'économie, la géographie, l'histoire, la sociologie... J'ai toujours beaucoup lu et très tôt.

Je pense avoir conservé mon grand rêve d'enfant de devenir un politicien influent même si à 3 ans on n'a pas encore la notion de tout ce qui se trame derrière la politique. On ne sait pas qu'être Président de la République peut être le résultat de trajectoires très diverses. Qu'on peut être Amin Dada ou être Juscelino Kubitschek. On peut être un tyran fou ou un visionnaire intelligent et sensible qui marquera durablement et positivement l'inconscient collectif d'une nation, inspirant fierté et cohésion au peuple qui l'a élu. On peut être aussi entre les deux, comme la plupart de nos dirigeants aujourd'hui.

Je crois donc que mon grand rêve est de travailler un jour pour la communauté à travers une charge politique car c'est le plus efficace et c'est ainsi que l'on peut faire le mieux la différence. Je ne sais pas comment j'y arriverai. Je n'ai même pas le premier ancrage politique nécessaire et je ne suis pas "fils de". Toutefois dans ma vie, je n'ai jamais rien demandé à personne mais j'ai toujours fait de mon mieux, chaque jour dans tout ce que j'entreprenais. Conséquence de cela ou pas (on dit - et je le crois - que l'on crée les conditions de sa chance) j'ai toujours reçu des opportunités formidables et en résonance avec ce que j'aurais pu espérer de mieux à un moment donné. Je suis confiant quand au fait que cela continuera ainsi car je continuerai à faire de mon mieux. Mon rêve n'est finalement peut-être pas aussi déraisonnable qu'il n'y parait…

Propos recueillis par Raphaëlle CHOËL - www.lepetitjournal.com/singapour

 

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Publié le 15 juillet 2015, mis à jour le 15 juillet 2015

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