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DECRYPTAGE – Que faut-il entendre quand on vous dit merci ?

Écrit par Lepetitjournal Singapour
Publié le 11 septembre 2014, mis à jour le 12 septembre 2014

D'Apple à un récent succès de librairie, c'est l'art de la litote qui est furieusement tendance dans la manière de communiquer. On avait appris que la communication efficace, c'était parler cash : les points importants en premier, les détails anodins ensuite. Aujourd'hui c'est tout le contraire. Est-ce le signe d'une époque plus subtile ? On dit les choses sans les dire, on les suggère plus qu'on ne les explicite. C'est réservé aux initiés. Pas sûr qu'ils soient au paradis.

Peter Falk Colombo
Dans sa récente Apple Keynote, Jim Cook a mis ses pas dans les pas de Steve Jobs, lequel avait l'habitude de réserver ses annonces les plus fracassantes pour la fin de ses présentations, juste après une remarque du genre "ah j'oubliais, encore une chose…". Mais la feinte célèbre de Steve Jobs, aussi libératrice que celle de Peter Falk dans Colombo, présentait cette caractérisque que tout le monde l'attendait. Elle était une manière de créer une tension jusqu'à ce que le fondateur d'Apple finisse enfin par se rappeler de cette chose dont il avait bien le souvenir vague qu'il était venu pour l'annoncer et qui lui revenait soudain à l'esprit. Oubliée alors la torpeur du public pendant la première partie de la keynote. Le public se réconciliait instantanément avec son orateur. Au point de chercher déjà, en tapant fébrilement sur son accessoire devenu obsolète, le moyen de commander en ligne la nouveauté du jour.

Que penser par contraste de cette expression "merci pour"… votre invitation, cette charmante discussion, vos fleurs, vos chocolats, votre délicate attention ? On avait certes une sensation d'indigestion, vite soignée à doses massives de "enfin partis", lorsqu'on se voyait asséner un "merci pour tout", qui vous laissait pantois et comme abasourdi devant l'espace infini des causes imaginables, et sans doute justifiées, trop nombreuses pour qu'on en indique une seule, pour lesquelles on vous marquait ainsi sa gratitude. A dire vrai, on avait eu des doutes, enfant, sur la valeur de la formule, quand l'oncle Alphonse vous gratifiait d'un "merci qui ?" un peu autoritaire quand vous faisiez l'effort d'être poli.

Et voilà qu'on apprend que "merci…" peut avoir un double sens, un nombre record de lecteurs en a fait récemment les frais qui, surmontant les obstacles qu'avaient dressés des libraires protestataires pour ne pas vendre "Le livre", ont découvert, ébahis, qu'un "moment" pour lequel on disait merci, pouvait être une façon de dire que le moment en question ne valait pas un merci, ou bien que le moment en question n'avait peut-être pas été aussi long qu'il l'aurait dû.

Merveille de la langue française où l'on peut utiliser un mot pour dire son contraire. Cauchemar de la maîtresse de maison tentant vainement de savoir si le merci de son hôte signifie bien qu'il reprendra volontiers de la tarte fine aux abricots, ou bien qu'il refuse absolument l'idée même d'une quatrième portion du tiramisu maison. L'usage récent du merci en forme de litote a semé la panique dans les rangs des communicants, des spécialistes de l'étiquette et plus généralement de ceux qui font profession de cultiver de bonnes relations avec les gens.

Qui voudra donc en effet que sur l'étiquette on se fonde, s'il faut désormais envisager quand les gens vous disent merci, que la chose est plus compliquée et que la chaleur du remerciement n'est peut-être pas, absolument, à prendre au premier degré ? C'est à y perdre son latin. A croire que l'oncle Alphonse avait raison de penser que quand on lui disait merci, on pensait en effet "merci, mon chien". Une sorte de révolution copernicienne dans laquelle l'étiquette est envoyée cul par dessus tête.

Ah J'oubliais… encore une  chose…

A Singapour - Séance de dédicace de "La vie de Lilian, mode d'emploi", par son auteur Alison Jean Lester, accompagnée d'une lecture du texte par Nathalie Ribette (Sing'theatre). Samedi 13 septembre de 11:00 à 13:00 à The French Bookshop.

Bertrand Fouquoire (www.lepetitjournal.com/singapour) vendredi 12 septembre 2014

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Publié le 11 septembre 2014, mis à jour le 12 septembre 2014

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