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EYEKA - Une start up française championne de la co-création

Écrit par Lepetitjournal Singapour
Publié le 13 janvier 2014, mis à jour le 13 janvier 2014

Créée en 2006, eYeka s'est rapidement taillée une solide réputation dans le domaine de la co-création. Rencontre avec Alexandre Olmedo, co-fondateur d'eYeka en Asie, qui revient sur son parcours d'entrepreneur et explique comment la jeune start up, après des débuts contrastés, a construit son succès en concentrant très vite son développement, à partir de Singapour, sur l'Asie et le reste du monde.

Alexandre Olmedo eYeka
Lepetitjournal.com/Singapour - Qu'est-ce que la cocréation et comment l'aventure eYeka a t-elle démarré?
Alexandre Olmedo -La co-création c'est la possibilité pour une entreprise de mobiliser une communauté de créateurs consommateurs pour repenser de manière créative par exemple le positionnement d'un produit ou d'une marque, son packaging et sa communication. eYeka a été lancée en 2006 par Gilles Babinet, qui avait déjà créé et revendu plusieurs start-up. Gilles Babinet partait du constat que les consommateurs sont de plus en plus nombreux à vouloir participer à la vie des marques qu'ils apprécient. Quand on observe ce qui se passe sur internet, on s'aperçoit qu'il y a un nombre incroyable d'idées qui circulent : la base des futurs iPhone 7 ou 8 est déjà en ligne… D'où l'idée de fédérer ces consommateurs et d'organiser leur potentiel créatif.

Comment ça marche ?
Concrètement, nous mettons la communauté de co-créateurs à contribution en organisant des concours en ligne : un brief présente le concept et la demande de l'entreprise ; les co-créateurs participent en publiant leurs idées dans le format qui leur a été proposé…

Combien de créateurs comprend cette communauté ?
La communauté de créateurs compte aujourd'hui ~270.000 créateurs, avec une forte implantation en Asie, en Europe et en Amérique du Sud. Elle est soignée par une équipe qui est en charge de l'animer.

Y-a-t-il des pays plus créatifs que d'autres ?
La réalité, c'est que ce ne sont pas nécessairement les créateurs d'une zone donnée qui réagissent de la manière la plus pertinente aux demandes d'une marque. La communauté est mondiale et les concours sont organisés de manière transversale. L'idée géniale pour le lancement d'un produit en Asie peut être la création d'un Mexicain. Dans la région, Les Australiens, les Néo-zélandais, les Indonésiens et les Thaïlandais sont très créatifs. Les Singapouriens sont dans la moyenne.

Dans quelles circonstances avez-vous été amené à co-créer eYeka en Asie?
J'ai rejoins eYeka en Avril 2008. A l'époque, j'étais déjà à Singapour. Je travaillais pour Streamezzo, une startup financée par Axa Private Equity. J'ai rencontré Gilles Babinet dans le cadre du Mobile Entertainment Forum dont nous faisions tous les deux partie, lui en Europe et moi en Asie.

- Gilles Babinet est très connu dans le monde de l'économie numérique. Quelle était sa motivation, en tant qu'entrepreneur, en créant eYeka?
- Avant de créer eYeka, Gilles Babinet avait déjà fait fortune en revendant deux start-ups. Aujourd'hui sa démarche est la suivante : j'ai une idée ; je trouve l'équipe pour lancer l'idée et les investisseurs pour la financer. Il est aujourd'hui l'actionnaire indépendant majoritaire dans plusieurs start-ups, dont les 2 plus connues sont eYeka et Captain Dash.

Comment le partenariat s'est-il mis en place?
On a échangé des idées sur l'Asie. Très vite l'idée de monter quelque chose en Asie s'est imposée. On a monté des dossiers Coface. Puis on a créé eYeka Asie sous forme de joint venture.

Quelle était la promesse autour de laquelle vous avez créé ensemble cette Joint Venture?
La promesse était double. La première idée était d'accélérer le développement de la jeune start-up dans les pays qui présentaient un fort potentiel de croissance.  La deuxième idée, c'était que les opérateurs mobiles seraient des acteurs majeurs dans la démarche ; ce qui, dans la réalité n'a pas été du tout le cas.

- Comment l'activité s'est-elle ensuite développée?
- L'activité en Asie a démarré très rapidement, porté par le mouvement de relocalisation en Asie d'un certain nombre de marques ou d'installation de sièges sociaux. En 2011, le Chiffre d'Affaires réalisé en Asie représentait 60% du Chiffres d'Affaires global d'EYeka. Du coup les deux sociétés; la société mère et sa filiale – ont fusionnées. Au même moment, toutes les activités, partout dans le monde, ont été regroupées sur une plateforme unique. Aujourd'hui le gros des équipes d'eYeka est situé à Paris et à Singapour.

GRANDEUR ET MISERE DE LA START UP

A quelles difficultés avez-vous été confrontés?
La vie d'une start up n'est pas un fleuve tranquille. Il y a des hauts et des bas.  Derrière le succès d'eYeka aujourd'hui il y a eu plusieurs moments où la société a été menacée de cesser d'exister. Mais elle a survécu et est allée de l'avant. Les 2 premières années ont été difficiles.
En 2009, on a fait le constat que le modèle français, que l'on avait importé tel quel en Asie, n'était pas adapté. On travaillait exclusivement de manière indirecte avec les clients en passant par les agences. Cela nous privait de toute visibilité sur les projets. On a donc changé le modèle et décidé de travailler directement avec les clients. Ces derniers, de leur coté, ont poussé et eYeka a remporté des contrats avec des marques prestigieuses : Coca Cola, Danone, Procter & gamble , Unilever, Samsung…
En 2010 et 2011, la société a connu une forte accélération et a multiplié les développements. Mais la croissance avait été peut-être trop rapide. En 2012, il a fallu consolider et réduire les effectifs. On est reparti en 2013 plus légers et on réalisera cette année un CA qui sera supérieur, avec sensiblement moins de moyens, qu'en 2012.

eYeka a t-elle bénéficié d'un eco-système favorable à Singapour ?
On ne peut pas dire qu'il existe, dans notre secteur, un écosystème formel. Plusieurs start-ups travaillent dans le même domaine. On s'aide chaque fois que possible . On échange les contacts entre français ou européens. Mais cette facilité d'échanger et de s'entraider est pour moi davantage une caractéristique de l'international en général qu'une spécificité de Singapour.

Avez-vous bénéficié d' aides financières ?
Nous n'avons bénéficié d'aucune aide à Singapour. Il y a un peu un mythe sur le sujet. Les aides du gouvernement vont aux sociétés qui innovent dans la R&D. Quand nous avons rencontré le MICA, ils nous ont écouté poliment et ont conclu en nous disant que « cela ne marcherait pas ». Comme quoi Ils n'ont pas toujours raison.

- En sens inverse, Singapour présente-t-elle des challenges particulier pour une start up comme eYeka ?
- Le principal challenge réside dans les Ressources Humaines. Il devient plus difficile d'attirer des gens dans le contexte actuel de restriction des visas. On envisageait à un moment de localiser à Singapour la totalité de notre équipe de community management. On n'a pas pu le faire à cause des difficultés d'obtention de visas pour des personnes dont les niveaux de salaires restent peu élevés.

PARCOURS DE START-UPPER

Quel avait été votre parcours avant EYeka ?
Je suis parti à Shanghai en 2002, dans le cadre d'un VIE. Un coup de chance, car rien ne me prédisposait à ce type de mobilité. A l'époque j'avais tout misé sur l'espagnol et l'Amérique du sud. Je devais partir là bas mais le poste a été annulé. Je suis parti en Chine pour travailler dans un secteur- les réseaux de mobiles- qui était loin de mes domaines de prédilection. La chine a été une très bonne expérience. Il y avait peu de gens. Les gens se soutenaient pas mal. Puis je suis allé en Malaisie pour travailler chez PacketVideo, une start up d'Alcatel. C'est là que j'ai eu le coup de foudre pour l'environnement start up.

Comment décririez-vous les raisons de ce coup de foudre ?
Moins de politique, plus de décision ! On est jugé aux résultats. Le contrat initial avec Alcatel était que je puisse monter au capital de la filiale si je parvenais à développer l'activité sur le reste de l'Asie. Mais Alcatel a finalement changé de stratégie et préféré intégrer la start up dans son organisation. Cela a signé la fin de l'aventure avec Alcatel et coincidé avec le démarrage de Streamezzo en Asie puis eYeka. J'en ai gardé la conviction qu'il est difficile, s'agissant des start-up, d'engager des personnes de qualité sans leur offrir de parts du capital.

Comment voyez-vous, le cas échéant, la vie après eYeka ?
Je me vois encore à Singapour dans les 5 prochaines années. eYeka est vouée à être un jour rachetée. Cela pourra être par une agence, par une société travaillant dans le cloud marketing ou encore par des réseaux sociaux. Dans cette hypothèse mon projet sera de redémarrer sous le même modèle : la création d'une Joint Venture pour développer en Asie l'activité d'une start up existante. D'une manière générale, ce que je trouve passionnant c'est de faire travailler ensemble les start-up et les grands marques autour de l'innovation.

CONSEIL AUX CREATEURS

Qu'est-ce qui est si différent entre le modèle Start up et le travail dans une grande entreprise ?
La différence quand on est dans une start up, c'est la notion de responsabilité. Dans une start up on a une conscience aigüe que tout peut s'arrêter très vite. Quand les chiffres sont mauvais, on est immédiatement contraint de prendre des décisions. Quand il faut faire partir des gens, ce n'est pas une réalité abstraite.

Comment décririez le profil idéal du créateur de start up ?
Beaucoup de gens rêvent de créer une start up. Du coté des avantages, il y a la liberté, le fait d'être jugé sur les résultats. Dans une petite structure, les décisions de chacun, pas seulement des dirigeants, ont un impact sur la société. Quand je fais le bilan, je constate que la réussite d'une start up est rarement affaire de chance mais bien plus de ténacité et d'éxécution. L'entreprenariat n'est pas fait pour tout le monde. Certains s'y lancent avec une certaine inconscience, d'autres plus expérimentés, le font peut-être parce qu'ils ont un tempérament fougueux, le besoin d'adrénaline.

Propos recueillis par Bertrand Fouquoire (www.lepetitjournal.com/singapour) mardi 14 janvier 2014

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Publié le 13 janvier 2014, mis à jour le 13 janvier 2014

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