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UN LIVRE, UNE HISTOIRE – La Sagesse de la mer de Björn Larsson

La Sagesse de la mer de Björn LarssonLa Sagesse de la mer de Björn Larsson
Écrit par La Bouquinerie Le Liseron
Publié le 29 mai 2017, mis à jour le 26 mai 2017

Toutes les semaines, nous vous proposons, en partenariat avec La Bouquinerie Le Liseron, de retrouver le goût de lire. Lémile, le moine qui ouvrit sa bouquinerie, n'a pas son pareil pour rendre les ouvrages qu'il présente contemporains. Avec humour et fantaisie, il arrive à faire le parallèle entre ouvrages d'hier et société moderne.


L'homme cherche ses lignes de fuites.

Il garde en lui l'espoir qu'un jour la vie sera telle que l'océan l'a proposé à son regard. Un horizon toujours fuyant. Happant l'homme débonnaire à fouler sa vastitude.
Pourquoi prend-on le large? Sur ces coques de noix, bogglé tous azimuts, la mer nous recrachant dans les anses des ports, de moins en moins de dés au fond de la gueule.

Björn Larsson ressasse cette question d'un bout à l'autre de sa « Sagesse de la mer ». Pourquoi fuir le confort du pied ferme pour les mers mouvantes, tombeaux de si nombreux nomades des vents ? Pour être libre ?

Mais au fait, qu'est-ce, être libre ? Pour moi, c'est assez simple, en partie : la liberté, c'est un bateau déjà payé et assez d'argent pour pouvoir vivre un an ou deux sans autres projets que ceux qui peuvent être modifiés sans préavis. La liberté, c'est se réveiller dans la cabine du Rustica ou ailleurs sans être obligé de faire quoi que ce soit de particulier. C'est être tranquillement au port et savoir qu'on peut appareiller à n'importe quel moment pour n'importe quelle destination. C'est faire uniquement ce qu'on a décidé, quand on en a envie. La liberté, c'est un agenda dont toutes les pages sont vierges, une histoire à laquelle on n'a pas mis le point final.

Ceux qui parlent du courage des marins n'ont rien compris. Qui, après avoir connu le frisson de la liberté dans la clarté réfléchis des flots de son âme, qui dis-je, pourra revenir et faire face aux géants de béton obstruant de toutes parts son amour de l'horizon toujours fuyant ? Fou ou amoureux de la mer c'est la même chose.

A la mer, avec l'horizon tout entier autour de soi, des mouillages déserts devant l'étrave, le vaste monde comme destination possible et aucun port d'attache ni pour le bateau ni pour l'équipage, on peut en revanche se laisser totalement aller à son désir de liberté.

Nous insulaires, marins à l'évidence, voguant depuis cette mince croûte de terre sur l'immense bleu à la joue du Pacifique, nous nous devons de tourner nos regards avec respect, crainte et gratitude vers les quatre points cardinaux du large. C'est à ce mouvement que nous invite Björn Larsson du cap de la Colère au Bout du monde. A nous éprendre à nouveau de la liberté.

Son livre porte en lui le désir d'être une source d'inspiration pour ceux qui rêvent d'une autre vie, quelque peu différente ? Je l'espère. Mais aussi avant tout, je souhaite qu'il donne à beaucoup de gens l'envie de lire Resor utan mål et Kap Farväl! De Harry Martinson, que je n'hésite pas à qualifier de plus beaux livres de voyages de l'histoire de la littérature.

Tous les marins luttent, souffrent et jouissent en mer. À des encablures de proposer ce que nous promettent les agences du sensationnel -membre actif de la mise en spectacle de nos vies - Björn Larsson rapporte ces mots simples et profonds d'un article d'Erskine Childers pour expliquer la fascination que la voile exerce sur un petit nombre de gens : personne ne vous regarde. Il faut méditer longuement ces mots pour en mesurer l'immense potentiel subversif et la sagesse silencieuse qu'ils renferment.

Dans l'exploit ou le désespoir, on ne remplit plus un rôle, personne ne vous regarde. Tout au long de cette lecture de tempêtes, de whisky, de quarts étoilés, et du silence de la chaleur humaine, on éprouve le désire du large, et pour cela, on se doit de sauver Björn Larsson.

Comme le voudrait l'auteur, je laisse Harry Martinson conclure des embruns de sa plume :

Le monde est infiniment gris, cruel et méchant, il transporte beaucoup de vermine à travers l'espace - nous pouvons bien le dire, mais le soleil au-dessus de nous ne relève pas de la morale. Le monde est aussi très bon. Nous pouvons bien le dire, mais le soleil au-dessus de nous ressemble à une ruche de feu qui essaime éternellement.
Le soleil nous a livrés à nous-mêmes tandis que, à travers l'espace, il ne cesse de répandre fidèlement le sucre de sa lumière pour alimenter la vie.
Sucre de soleil et sel de soleil.
Mais c'est à nous qu'il appartient de résoudre le problème humain.
(Resor utan mål)


 

La Bouquinerie Le Liseron
Publié le 29 mai 2017, mis à jour le 26 mai 2017

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