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RENCONTRE – "Un saint qui questionne l'acte de création", Anne-Lise Michoud

Écrit par Lepetitjournal Mexico
Publié le 1 avril 2015, mis à jour le 6 janvier 2018

C'est un projet qui interroge et met en relief les liens entre l'art et la religion. En créant Santa Anima, l'artiste française Anne-Lise Michoud bouleverse les codes et pose des questions existentielles universelles. Elle expose jusqu'au 1er mai ses pièces à la galerie Baco, à Mexico. Entretien.

Anne-Lise Michoud est une artiste française multidisciplinaire, qui réalise des documentaires, des projets photographiques et des créations plastiques. Elle présente une exposition de sculptures et une projection vidéo à Mexico. Au travers de ses nombreux voyages au Mexique, elle explore la culture populaire, les liens avec les traditions, la relation avec l'Eglise et la religion ainsi que la liberté face aux dogmes. Entre la science et la croyance, elle introduit un espace dans lequel l'appropriation des héritages permet la création d'une divinité. L'artiste crée alors Santa Anima, la sainte des créateurs. L'iconographie de cette sainte nous évoque une déesse de la fécondité et de la protection. De ses mains vient un élément qui représente un pliage en papier qui s'étend. Sans regard direct au spectateur, Santa Anima se concentre sur l'acte de création, la veille et lui permet de se développer.
Anne-Lise Michoud. (Photo Victor Palasi)

Par cette exhibition, elle propose une réflexion sur la création, plaçant l'homme comme créateur de ce qui le dépasse. Ses recherches mêlent les points de vues psychanalytiques et philosophiques sur les croyances, mais également sur le besoin de création de l'homme.  "Dans un monde technico-scientifique dominé par la connaissance et la raison et un autre monopolisé par les religions, Santa Anima représente avec humilité  le monde qui échappe à toute tentative de rationalisation, celui de l'expérience et du sensible."

Santa_Anima
Quel est votre lien avec la religion ?

Je viens d'une famille rurale très pieuse, du côté de ma grand-mère maternelle. Dans un village, la religion avait plus un rôle social. J'ai eu une éducation catholique, puis sont venus de nombreux questionnements avec l'adolescence. Je m'en suis petit à petit éloignée. Je pense qu'à Paris le lien avec la religion est plus distant. Ma grand-mère décédée, c'est devenu lointain, éloigné. En venant au Mexique, tout cela est revenu.
Santa Anima. (Photo DR)

Quel a été le point de départ de ce projet ?

Dans les films ou les projets photos que je réalise, j'interviens dans le réel. Je le transforme et le tire vers quelque chose de fictionnel. Plutôt que de faire un documentaire sur les saints, j'avais envie d'en inventer un. Il y a quelque chose qui me fascine, qui me plaît dans la relation à l'objet, puis des choses qui sont plutôt liées au dogme, à la religion, qui me dérangent. Je me suis dit que j'allais placer un saint qui me plaît, esthétiquement et par rapport à ce qu'il est lié. Il ne sera pas lié à la religion catholique mais à un argumentaire, une philosophie, une vision du monde. Donc, j'ai fait des recherches, plutôt du côté des philosophes et des psychanalystes, autour de ce qu'est l'acte de création dans l'histoire de l'humanité. Pourquoi l'homme a besoin de créer ? C'est aussi appelé le surplus au-dessus de l'utilitaire, un peu comme la religion. Ce que l'on appelle le sacré est ce qui est loin du quotidien, commun. L'art et la religion depuis les saints sont liés. La religion s'est servie des artistes pendant très longtemps pour promouvoir leur morale, leur philosophie. J'ai fait l'inverse : me servir de la religion. Au Mexique, elle a beaucoup de présence, j'ai utilisé ce pouvoir d'influence pour aller sur ces terrains-là et proposer un autre saint qui raconte ou questionne ce qu'est l'acte de création. Tous ces liens entre l'art et la religion m'intriguent.

D'où Santa Anima, la sainte des créateurs...

Santa_Anima
Je crée un personnage pour rappeler que les saints sont une création. Les religions sont des créations de l'homme. On raconte des histoires, des personnages, au service d'une morale ou d'un dogme mais l'idée de créer un saint est pour rappeler que tous ces saints ont été promus à un moment. Il y a toute une histoire des saints, très romanesque. Finalement les religions parlent de ça : l'homme a besoin de s'inventer des histoires, de sortir de son quotidien.

Certains saints sont très récents. L'idée est de créer une alternative à ces saints païens (Santa Muerte ou Malverde). Je me suis dit que j'allais proposer un saint différent qui me correspond. Les personnes à qui vont plaire les saints vont les promouvoir par l'envie qu'ils ont de s'identifier à eux. C'est issu d'un milieu populaire, et pour venir moi-même d'un milieu populaire, je m'y sens à l'aise. Le milieu populaire mexicain est fascinant ! Je pense que c'est tout un langage, un univers quotidien dans lequel je me sens bien. Au Mexique, même s'il existe un côté conservateur, il y a une certaine folie, une liberté. La tradition n'est pas figée, mais en perpétuelle transformation.  
Santa Anima. (Photo DR)

Exposition Santa Anima, la decima musa, jusqu'au vendredi 1er mai, galerie Baco, madero #4C, Jardin del Carmen, San Angel, Mexico DF.

Hélène Blancher pour (Lepetitjournal.com/mexico) Mercredi 1er avril 2015

lepetitjournal.com Mexico
Publié le 1 avril 2015, mis à jour le 6 janvier 2018

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