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FRANCK MESNEL - L’effet papillon, du rugby à Eden Park

Écrit par Lepetitjournal.com aux Philippines
Publié le 4 mai 2016, mis à jour le 12 mai 2016

Comment un n?ud de papillon rose, né de la fantaisie des joueurs de rugby du Racing, soucieux de s'illustrer dans les règles, mais avec élégance et impertinence, est-il devenu 30 ans plus tard le symbole d'une marque de "casual luxe"  haut de gamme ?
Depuis le 30 mai 2015, Eden Park a ouvert trois boutiques à Manille, au Central Square d'High Street (Bonifacio Global City), à l'Estancia de Pasig et au terminal 3 de l'aéroport.

Notre collègue de Singapour Bertrand Fouquoire a recueillis les propos de Franck Mesnel qui revient sur l'histoire vraie de la construction de la marque "Eden Park", au moment même où il vivait les plus grands moments de sa carrière de joueur de rugby, en équipe de France et avec le Racing.


Comment est née l'aventure Eden Park ?

Elle résulte d'une interrogation dans ma vie. A l'époque j'ai 26 ans, j'ai la possibilité de rejoindre le Racing Club de France, un club de 1ère division en rugby. Je suis aussi élève de 6ème année aux Beaux Arts, intéressé par l'architecture et rêvant de partir au Canada. Il y a encore le pilotage d'hélicoptère, qui est la passion de ma vie, le seul exercice dans lequel je me retrouve nu, aussi seul que le joueur de tennis quand il entre sur le central de Rolland Garros.

Donc, à 26 ans, vous finissez par choisir le rugby. Pourquoi le Racing ?

Parce que je trouvais que les couleurs du maillot du Racing, rayé bleu ciel et blanc, étaient plus élégantes que celles du PUC, l'autre club parisien. C'étaient les mêmes couleurs que celles de Cambridge ou de l'équipe d'Argentine.

Le rugby, à cette époque, était-il un sport professionnel ?

 A l'époque, le rugby était entre deux eaux. Au Racing nous étions dans une situation privilégiée car on nous versait un petit salaire. On a vécu toutes ces années-là une vie de patachon, semée de beaucoup d'impertinences, avec des moments où on sautait dans la Seine. Cette impertinence, on la retranscrivait dans notre manière de jouer. Un jour lors d'un match contre Bayonne, nous avons eu l'idée de jouer avec des bérets sur la tête. C'était de la gentille provocation. On espérait qu'ils nous les prendraient. En fait ils n'en ont rien fait. Mais on s'est construit notre petite légende.

Dans la planète rugby de l'époque, que représentait le fait d'être parisien ?

A l'époque, Paris c'était un gros mot. Quand nous affrontions Toulon au stade de Colombes, il y avait plus de supporters toulonnais dans les tribunes que de Parisiens. C'était une relation sur le mode "je t'aime moi non plus". Lorsque nous nous déplacions en province, on attendait de nous que nous multiplions les facéties.  Un jour c'était les chaussures peintes en doré. Un autre, on jouait tous le visage maquillé en noir en hommage à Momo notre copain ghanéen.

Comment conciliez-vous cette fantaisie avec le jeu sur le terrain?  

La peur du ridicule est un moteur intéressant. C'est un principe d'émulation spontanée. Car une chose est de faire des facéties, une autre est de tenir son poste. Un avocat peut mettre un nez rouge pour faire une plaidoirie. Ensuite, il a intérêt à être très bon.  

Comment est finalement née l'idée du n?ud papillon rose ?

En 1987, à 24 heures de la finale du championnat de France au Parc des Princes, on s'est trouvé sous une grosse pression.  Il y avait Pierre Salviac qui nous demandait ce qu'on allait faire. Et des caméras partout.  C'est là qu'on a eu l'idée de jouer avec un n?ud papillon, rose à cause de la panthère rose qui était notre mascotte.

Ce jour-là nous avons perdu la finale. Dans la foulée, je suis partie avec l'équipe de France : nous sommes allés jusqu'en finale contre la Nouvelle Zélande, à Eden park.  Quand je suis rentré en France, le n?ud papillon rose avait fait le tour des médias. Tout le monde en parlait. C'était extraordinaire.

Comment êtes-vous parvenu à capitaliser sur ce buzz pour créer Eden Park ?

J'avais été recruté par l'agence RSCG dans laquelle j'ai travaillé un certain temps mais avec la difficulté de concilier les exigences de l'entrainement, le soir, à Colombes, avec les horaires décalés des gens de la publicité. J'ai parlé avec Alain Cayzac de notre idée de faire quelque chose de ce n?ud papillon rose dans le domaine du textile. Sa réponse, qui s'est avérée extrêmement judicieuse, a été de nous dire, à Eric Blanc et à moi : "ce petit n?ud c'est peut-être une bonne idée, mais il faut commencer par la mettre de côté :  pensez d'abord au produit que vous voulez faire, à votre positionne-ment... ".

Nous avons choisi le nom d'Eden Park parce que nous voulions nous inscrire dans l'environnement large du rugby britannique. Nous avons défini pour la marque un positionnement haut de gamme qui nous a permis de venir en complément de marques comme Hugo Boss.  Et nous avons mis l'accent sur la qualité. L'idée c'était d'aller au-delà de l'effet "sympa". Nous savions que nous pouvions compter au départ sur tous ceux qui nous suivaient par amitié. L'objectif c'était de les faire revenir spontanément. Ce choix de la qualité est au c?ur de la marque, c'est notre soupape de sécurité permanente.

Comment la marque Eden Park s'est-elle développée ?

L'aventure Eden Park s'est déroulée en même temps que ma carrière en équipe de France pendant 10 ans. Nous avons beaucoup été aidés par les journalistes, qui, lors-qu'ils nous interviewaient, n'oubliaient jamais de parler de la marque.

Eden Park est aujourd'hui distribuée dans 34 pays. En Asie, nous avons démarré à Taiwan avec un partenaire. Avec ce même partenaire, nous avons créé une Joint Venture pour nous déployer en Chine. Nous avons aujourd'hui 7 boutiques en Chine et ambitionnons de porter ce chiffre à 30.  

En Asie du sud Est, grâce au support de Michel Beaugier et May Tan, du groupe M2 Management, nous avons ouvert 3 boutiques aux Philippines.

La boutique Eden Park sur High Street (Bonifacio Global City - Taguig - Manille)

Au Japon nous sommes en discussions avec plusieurs groupes. Le succès de l'équipe pendant la récente coupe du monde à Londres et la future coupe du monde à Tokyo en 2019 devrait nous aider.  Singapour devrait à partir de 2016 devenir pays hôte d'une des étapes de la coupe du monde de Rugby à 7. Nous voudrions profiter de cet événement pour lancer la marque. Singapour mérite qu'on y installe un beau magasin qui soit un flagship de la marque.

Le Rugby à 7 est-il beaucoup pratiqué en Asie ?

En Asie, le rugby à 7 est en plein développement. Se jouant à 7 sur le même terrain que le rugby à 15, il est beaucoup plus mobile et exige des qualités athlétiques différentes qui conviennent mieux au gabarit des joueurs asiatiques. Je suis persuadé par ailleurs que l'avenir du rugby à 7 est lié au rugby à 7 féminin.

Etes-vous présent en Australie et en Nouvelle Zélande ?

Nous ne sommes pas présents en Nouvelle Zélande pour des raisons juridiques. Quand j'ai lancé Eden Park, je suis allé demander aux responsables en Nouvelle Zélande l'autorisation d'utiliser le nom du stade pour ma marque à l'international. Ils me l'ont accordée sans difficulté. 10 ans plus tard je suis revenu avec la même demande pour la Nouvelle Zélande, mais cette fois-ci ils ont refusé. C'est dommage, pour le moment, parce que la marque Eden Park existe en Australie et en Afrique du sud et, globale-ment, dans tous les territoires du Rugby, sauf l'Amérique du Sud.

Comment 30 années après les débuts de l'entreprise entretenez-vous l'impertinence et la créativité des débuts ?

C'est une manière de vivre, une vraie philosophie. Il faut être très organisé pour être capable de "péter un câble". C'est quelque chose que j'ai appris dans le sport de haut niveau : je n'ai jamais été aussi lucide sur un match que quand j'étais prêt physique-ment.

Les Asiatiques sont-ils sensibles à ce caractère créatif-impertinent de la marque ?

Oui. Je pense que les Asiatiques s'intéressent à ce qu'ils ne maîtrisent pas : quand ça glisse. J'ai participé à de nombreuses réunions auxquelles assistaient les présidents de grandes sociétés. Ils sont rarement actifs dans la discussion quand il s'agit de parler des aspects techniques et économiques qu'ils maîtrisent. On les voit invariablement s'animer quand on commence à parler du n?ud papillon rose.

Qu'est-ce que le rugby a apporté dans votre style de management ?

Je pense que le rugby a apporté cette capacité à apprécier les qualités de chacun. On se heurte en permanence à des préjugés énormes. Dans l'univers du rugby, il y a des taiseux, qui n'aiment pas s'exprimer devant les journalistes, et qui sur le terrain vous font ces passes décisives qui permettent d'aller à l'essai. Parce qu'ils sont taiseux ou moins à l'aise, ils n'attirent pas les caméras. C'est important que ceux qui brillent les mettent à leur tour aussi en avant. C'est la même chose pour Eden Park, il y a les activités qui brillent, le marketing, la décoration?, et puis il y a toutes les fonctions supports.

Y-a-t-il beaucoup d'anciens sportifs qui travaillent pour Eden Park ?

Je suis fatalement attiré par ceux et celles qui ont une expérience sportive. Mais au-delà du sport, je crois que ce qui compte c'est l'expérience de l'effort, dans quelque domaine que ce soit, et de la souffrance. Ce sont des gens qui savent apprécier et recevoir ; qui ont le goût de l'excellence.

La boutique Eden Park du centre commercial Estancia (Pasig - Manille)


Nous parlions tout à l'heure, des voyages et des nuits sans sommeil quand on gère une entreprise. Cette notion de résistance physique est-elle selon vous quelque chose d'important dans les affaires ?

Oui je me situe aux antipodes de la formule de Churchill, qui indiquait, comme un pied de nez, que sa forme physique était due au fait qu'il n'avait jamais fait de sport. Je pense que l'aide du sport à la performance est indéniable.

C'est important de s'arrêter pour aller faire un tour de pâté de maisons en marchant. Quand je le fais, il est rare que je ne revienne pas avec une idée.

Je suis un fou furieux des process  et des méthodes. Mais ces process, il est essentiel de les faire exploser de temps en temps pour laisser place à la fantaisie ; surtout quand on est dans une activité créative.  Le coup de génie passe par l'adaptation.  Il faut être en adéquation avec le reste de l'équipe. En rugby, celui qui fait une sortie doit être supporté par les autres joueurs pour réussir. Chez les All Blacks, c'est intéressant de noter que celui qui prend l'initiative n'est jamais blâmable, c'est aux autres de s'adapter pour venir en soutien. S'ils ne le font pas, ce sont eux qui sont blâmables. En France, c'est moins évident.  

Propos recueillis par Bertrand Fouquoire (www.lepetitjournal.com/singapour)

Pour lire l'intégralité de cet article, cliquez ICI.

Karine CAMART (www.lepetitjournal/manille) vendredi 6 mai 2016

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Publié le 4 mai 2016, mis à jour le 12 mai 2016

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