PORTUGAL - Vers une restructuration de la dette ?

Le Portugal subit depuis 2008, une grave crise économique. En mars 2011, la troïka formée de la Banque centrale européenne, du Fonds monétaire international et de la Commission européenne, est venue en aide au pays ? 78 milliards d'euros-  sous condition de la mise en place de fortes mesures d´austérité.
 
Alors que les "men in black" (troïka) devraient bientôt faire leurs valises, la situation économique du pays semble s'être stabilisée, et quelques indicateurs de croissance offrent un élan d'espoir au peuple portugais bien que la situation sociale demeure alarmante. C'est dans cette optique que de nombreux économistes, intellectuels et politiques portugais demandent par le biais d'une pétition une restructuration de la dette publique.

(Photo : G.M. Martins)

Plan de rigueur
Le plan de rigueur européen imposé au Portugal devrait, en principe, prendre fin en ce mois de mai et la Banque du Portugal  prévoit même une augmentation de 0,8% de l´économie. Les nombreux sacrifices des Portugais en contrepartie du prêt accordé en mai 2011, n'ont cependant pas réussi à inverser la courbe de la dette publique qui ne cesse de croître atteignant aujourd'hui les 130%. Il semble donc que les mesures d'austérité voulues par Bruxelles et le gouvernement de centre droit ne donnent pas tous les résultats escomptés. En novembre 2013, le Parlement a adopté un nouveau budget d'austérité, et espère une économie de 3,9 milliards d'euros afin de baisser le déficit public.
 
Un peuple qui souffre
Les fonctionnaires portugais vont avoir la mauvaise surprise de voir leur salaire baisser. En effet, tous les salaires supérieurs à 600 euros seront diminués, cette nouvelle a d'ailleurs amené le 6 mars 2014, près de 15.000 policiers à montrer leur mécontentement en descendant  dans la rue. Le 27 mars, c'était à la jeunesse de manifester, plusieurs milliers de jeunes ont défilé pour réclamer une politique favorisant l'emploi. Le chômage au Portugal se serait stabilisé autour de 15%, le pouvoir d'achat lui par-contre ne cesse de baisser. João, habitant Monte da Caparica, à Almada, a vécu la majeure partie de sa vie à Blois, il témoigne, "je rends souvent visite à ma fille qui vit en France et je me rends compte que la vie est aussi chère ici qu'en France, alors qu'ici le salaire moyen n'est que de 600 euros, quand on a la chance d'avoir du travail, parce  qu´il n'y en a pas." Un rapport récent de l'Institut national de statistique sur les conditions de vie du peuple portugais faisait état de la situation préoccupante d'une grande partie de la population. Le taux de pauvreté s'est particulièrement accru en 2012, il touchait alors 18,7% de la population, il s'agit du niveau le plus élevé depuis 2005. Actuellement un Portugais sur cinq vit sous le seuil de pauvreté. 10% de la population, faute de moyen ne peut faire face à un imprévu, et dans certains cas a été contrainte de vendre un bien pour régler une dette. Le plan de rigueur, cumulé à la crise a été, en grande partie, responsable de ces problèmes sociaux.
 
Une économie fragile
Les privatisations risquent aussi de reprendre en 2014 et ceci alors-que le Portugal a déjà vendu l'exploitation de ses aéroports à l'entreprise française  Vinci en 2013 pour plus de 3 milliards d'euros. C´est actuellement le métro de Lisbonne qui est dans la ligne de mire. Il ne serait pas assez rentable, la campagne d'affichage dans le métro est d´ailleurs assez curieuse, puisqu'elle désigne le fraudeur comme grand responsable de ce manque à gagner. Un certain nombre de Portugais interrogés par nous à la sortie des transports en commun à Lisbonne,  nous ont dit avoir  l'impression que l'on vend leur pays par morceau, et que la richesse produite profite à d'autres. A l'heure où des manifestations importantes agitent l'Espagne, la commémoration de la Révolution des ?illets ce 25 avril risque, elle aussi, d'être prétexte à de grands rassemblements contre l'austérité même si la capacité de résilience du peuple portugais est étonnante du point de vue d'un Français.
 
Une restructuration de la dette
On peut penser qu´une restructuration de la dette pourrait améliorer le sort des Portugais, en regroupant le remboursement de la dette publique et en échelonnant son remboursement dans le temps, cela rendrait la situation sans doute plus humaine.

Au 1er avril, 25 000 personnes avaient signé la pétition demandant la restructuration de la dette portugaise. 74 personnalités portugaises sont à l'origine de ce  document qui porte symboliquement le nom de manifesto 74, en hommage à la Révolution des ?illets. De fait, la dette portugaise ne cesse de croître, malgré les efforts du peuple, elle a doublé en six ans et rien ne dit qu'en l'état actuel des choses, la situation pourrait s'inverser. Recalculer, restructurer la dette permettrait, sans doute, aux Portugais de souffler quelque peu, car l'austérité à outrance risquerait de détruire le sentiment de reprise économique tellement évoqué par les hommes politiques, dans les derniers temps. Cependant, le gouvernement actuel s'est d'ores et déjà positionné contre, au motif que cela annihilerait les efforts consentis jusqu'à présent.
 
Le peuple portugais a jusqu'aujourd'hui été extraordinaire dans le sacrifice, mais les résultats ne semblent pas encore influer réellement sur la dette publique et le pouvoir d'achat faiblit. Les plans de rigueur, seuls, ne peuvent être synonymes de croissance économique, il sera alors intéressant de voir quel va être la politique du gouvernement portugais au départ de la troïka, et comment vont réagir les Portugais à la célébration du 25 avril, dans quelques jours?

Arthur Conanec (www.lepetitjournal.com/lisbonne.html) mardi 22 avril 2014
arthurconanec@live.fr