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PHAETON PLANTATION DAUPHIN: la première “charter city” d’Haïti

Écrit par Lepetitjournal Haiti
Publié le 18 septembre 2016, mis à jour le 19 septembre 2016

 

 

Les « charter cities » selon le concept de Paul Romer

Lant Pritchett et Michael Clemens du « Centre Pour Le Développement Global »,  rappellent qu'un travailleur en Haïti gagne un septième de ce qu'il aurait gagné aux États-Unis et que les travailleurs de nombreux autres pays font face à des salaires qui ne  sont pas meilleurs. Ce sont des facteurs qui ne devraient pas être ignorés et ils nous montrent que lorsque les gens peuvent immigrer loin des lois et règlements inefficaces chez eux pour de meilleurs à l'étranger, ils n'hésitent pas.  C'est la  seule solution, parfois, qui peut considérablement améliorer leur niveau de vie et réduire la pauvreté mondiale, nous disent-ils. Le défi est de trouver les moyens d'encourager ce type de migration globale si bénéfique.

Les « charter cities »  peuvent créer rapidement des havres avec de meilleurs règlements où des millions de personnes peuvent s'y installer et grâce à ces règles, ils assureraient la sécurité de leurs familles et protégeraient du même coup leurs biens personnels. Ils pourraient donner à leurs enfants une chance de fréquenter à une école efficace, et eux-mêmes trouveraient des emplois qui reflètent la véritable valeur de leur travail.

A la question à savoir qui ferait les règles de ces nouvelles villes, ils répondent que le concept d'une « charter city » est très flexible : les éléments communs sont des terres inoccupées et une charte. Les nations qui établissent la ville doivent négocier les termes précis de la charte. Les règles et principes généraux y sont précisés et d'autres règles plus détaillées y seront développées au fil du temps sous l'administration appelée à exécuter la charte. Cela ressemble à une loi adoptée par une Assemblée législative et les règlements détaillés qui sont mis au point par divers organismes.

Les nations qui veulent créer un « charter city » doivent fournir trois types de soutien:

 

La Terre vient d'un pays hôte,

Les gens viennent d'une nation source et

L'assurance que la charte sera respectée vient d'une nation garante.

 

La flexibilité de cette idée vient du fait qu'une seule nation peut jouer plus d'un de ces rôles et que plusieurs nations peuvent simultanément jouer le même rôle.  Un pays comme Haïti, ou comme l'Inde, par exemple, pourrait assumer les trois rôles. En tant qu'hôte, le gouvernement central indien pourrait offrir des incitations substantielles qui pourraient inciter les différents Etats de concourir pour créer une telle zone. En tant que garant, le gouvernement central pourrait offrir une protection pour toutes les parties lorsqu'une entité privée investit dans l'infrastructure. La Chine, pour sa part, a d'abord essayé de prévoir des règles qui permettent aux entreprises étrangères d'investir et d'embaucher des travailleurs chinois dans une région comme Shenzhen, qui a rapidement grandi dans une ville de plus de 10 millions.

 

La « charter city » de Shenzhen en Chine passant en très peu de temps de 20,000 habitants à 10 millions.

 

Le Brésil pourrait être le garant et l'hôte et Haïti pourrait être la source, en d'autre terme, le Brésil fournit le territoire et garantit le respect de la charte et Haïti fournit la population.

Le Brésil a déjà pris un engagement important pour assurer la sécurité des Haïtiens en Haïti. Il est l'un des principaux fournisseurs de troupes et de policiers dans la MINUSTAH. Pour avoir une option crédible de sortie, le Brésil pourrait envisager de créer une nouvelle ville sur son territoire et accepter les Haïtiens comme des résidents de cette nouvelle ville, tout en maintenant les procédures d'immigration standard pour le reste du Brésil.

 

Complexe maritime de la MINUSTAH dans la zone de Phaéton qui pourrait assurer la sécurité de la nouvelle ville.

 

Cela pourrait donner aux forces brésiliennes en Haïti un moyen de laisser le pays, même s'il y a peu de progrès vers une gouvernance stable.

D'autres pays pourraient être des sources aussi. Si les Brésiliens mettent en place chez eux  ce genre de ville, ils pourraient permettre à  d'autres pays de la région d'y envoyer leurs citoyens et même des brésiliens pourraient y émigrer s'ils le désirent.

Hong Kong était un petit morceau de la Chine, qui, pour une grande partie du XXe siècle, a été régi par des règles très différentes de celles en place dans le reste de la Chine, des règles calquées sur les économies de marché de l'époque, et administrées par les britanniques.

À la fin des années 50, Hong Kong était un endroit où des millions de personnes pouvaient aller, depuis le reste du pays, pour trouver un emploi, par exemple coudre des chemises, ou fabriquer des jouets ou pour participer à un mouvement d'augmentation des revenus, d'augmentation des compétences, qui donna lieu à une croissance très rapide. Hong Kong était aussi le modèle que des dirigeants comme Deng Xiaoping pouvaient copier, quand ils ont décidé de faire passer une partie du pays à une économie de marché.

Mais Deng Xiaoping avait instinctivement compris l'importance d'offrir des possibilités de choix à son peuple. Donc au lieu de forcer toute la Chine à changer d'un seul coup son modèle économique, ils ont plutôt mis en place des zones spéciales, qui pouvaient faire, en quelque sorte, ce que le Royaume-Uni avait fait, créer l'opportunité de travailler avec les règles du marché pour toux ceux qui voulaient faire ce choix. Ils ont donc créé quatre zones économiques spéciales autour de Hong Kong. Des zones dans lesquelles les Chinois pouvaient venir travailler, et rapidement on y construisit des villes, et aussi des zones où les entreprises étrangères pourraient venir s'implanter.

Dans une des zones près de Hong Kong il y a une ville appelée Shenzhen. Dans cette ville il y a une entreprise Taïwanaise qui fabrique les iPhone grâce à la main-d'œuvre chinoise qui s'est installée à Shenzhen. Donc, après les quatre zones spéciales, il y eut quatorze villes côtières qui ont été créées selon ce principe. Et à la fin, cela se traduisit par des succès, dans ces endroits où les gens pouvaient choisir d'aller, et où ils purent s'installer pour profiter des avantages offerts. La démonstration de ces succès a créé un consensus pour passer entièrement à une économie de marché.

Mais a-t-on intérêt à ce qu'une telle ville soit créée pour les haïtiens en dehors d'Haïti ?

Nouvelle version du colonialisme ou de l'impérialisme ?

Certains diront que c'est une nouvelle version du colonialisme ou de l'impérialisme. Qu'à cela ne tienne, la formule : un seul pays remplit les trois rôles, peut s'appliquer. Haïti fournit le territoire, la population et la charte qu'elle promet et s'engage à respecter.

Par exemple la zone de la Plantation Dauphin et la ville de Phaéton est choisie comme territoire, la population haïtienne et les dominicains d'origine haïtienne représentent la population, la MINUSTAH assure la sécurité, la Cour de Cassation et la Cour Supérieure des Comptes haïtiennes  garantissent la charte et supervisent les tribunaux. Ainsi pas de sentiment nationaliste bafoué, pas d'accusation de colonialisme et d'impérialisme, l'important est de rendre la chose possible.

Paul Romer nous dit que le truc négatif à propos du colonialisme, et que l'on retrouve en partie dans certains programmes d'aide de l'occident, est que l'on y trouve des éléments de coercition et de condescendance. Le modèle des « Charter Cities » est quant à lui basé sur des choix, à la fois pour les dirigeants et pour les populations qui vivront dans ces nouvelles zones. Et avoir le choix est sans conteste l'antidote à la coercition et à la condescendance.

Comment financer cette ville ?

 Paul Romer nous apprend que  Singapour et Hong Kong sont des villes qui ont tiré de gros profits de la valeur immobilière des terrains qu'elles possédaient à leurs débuts. On pourrait utiliser ces profits immobiliers pour financer des services comme la police, les tribunaux. Mais également les systèmes éducatifs et de santé, qui en feront une ville bien plus attrayante. Faisons-en un lieu de hauts revenus généralisés, ce qui, au passage, augmente la valeur de l'immobilier. On voit que les facteurs visant à motiver des gens à s'approprier la zone, à la développer, et à y mettre en place les règles de base, sont un pas dans la bonne direction.

Et il y a beaucoup d'autres petites choses comme ça. Comment avoir des bâtiments qui soient peu coûteux et accessibles à des personnes qui travaillent dans leur premier emploi, à assembler quelque chose, comme un i Phone ? Et en même temps avoir des bâtiments économes en énergie et être sûr de leur stabilité, de sorte qu'ils ne s'effondrent pas dans un tremblement de terre ou lors d'un ouragan. Beaucoup de points techniques à résoudre, mais ceux d'entre nous qui sont déjà sur le coup peuvent dés à présent affirmer qu'il n'y a pas de barrage, pas d'obstacle insurmontable, si ce n'est un manque d'imagination qui nous empêche de mettre au point une solution globale qui soit vraiment gagnant-gagnant dit-il.

Voir aussi:

LES VILLES SOUS CONTRATS: L'idée radicale de Paul Romer

https://www.ted.com/talks/paul_romer?language=fr

CHARTER CITIES - Vers la création de 5 villes commerciales et industrielles au long de la frontière dominicano-haïtienne

http://www.lepetitjournal.com/haiti/societe/246823-charter-cities-vers-la-creation-de-5-villes-commerciales-et-industrielles-au-long-de-la-frontiere-dominicano-haitienne

 

La Plantation Dauphin: une tranche d'histoire

Faisons un peu l'historique de la zone de notre choix. Selon ce que nous dissent Perdue et Persinos la plantation Dauphin a appartenu à  André De Coppet, un riche financier de Wall Street qui avait rêvé de posséder une plantation tropicale. En Février 1926, De Coppet, au cours d'une brève escale à Port-au-Prince, son navire était en route vers le Panama, visita  avec le Dr W.W. Cumberland, conseiller financier de la République d'Haïti. Ce dernier lui suggéra d'y faire un investissement qui pourrait lui rapporter de grands profits, surtout dans la production de sisal rentrant dans la fabrication de cordes très en demande sur le marché  international.

De retour à New York, De Coppet envoya son associé, W. W. Findley en Haïti pour examiner les possibilités et ce dernier fut convaincu que ce  serait une bonne occasion d'affaires et télégraphia De Coppet à le rejoindre en Haiti

Ils furent pris en main par Robert Pettigrew, officier ingénieur de la US Navy Corps, dont le siège était à Port-au-Prince.  Ce dernier démissionna de la Marine américaine et commença le développement de ce qui allait devenir un des plus importants, sinon le plus grand, des plantations de sisal du monde.

Après la mort d'André De Coppet en Août 1953, afin de régler sa succession complexe, la plantation a été vendue à la HASCO et a été exploité par les frères jumeaux Clark.  Mais le marché du sisal était sur le déclin et avec l'expansion de la production de nylon après la guerre, la production de fibres de polypropylène, est rapidement devenu largement utilisé pour la ficelle et les cordes.

Les frères Clark qui furent propriétaires de la Plantation le vendirent à Lonnie Dunn, un homme d'affaires américain qui visait à y élever du bétail et avait d'autres idées pour assurer un avenir prospère à la Plantation. Au cours de son passage comme propriétaire, le prix du sisal  augmenta pour un temps, mais les prix ayant encore une fois diminué, il vendit la Plantation à Elias Cassis, un commerçant haïtien,  qui essaya de l'exploiter pendant quelques années, mais finalement dût abandonner et il dût rendre la propriété à l'état haïtien vers les années 1980. Donc toute cette zone appartient à l'état haïtien, il n'y aura donc pas de conflits terriens si l'état défend ses droits contre d'éventuels spoliateurs et empêcheurs de tourner en rond.

 

 

Aujourd'hui, la Plantation est en ruines, pas aussi vieux que les ruines des quatre anciens forts français sur la « East Bay Plantation » le long de l'entrée de la baie de Fort Liberté et des vastes ruines de la période française éparpillées à travers la plantation, mais  presque aussi fascinantes. Tout cela est un musée en plein air et des efforts sont nécessaires de toute urgence pour préserver ce qui reste encore de l'histoire et du patrimoine d'Haïti. C'est ce que nous apprend Perdue qui tire la plupart de ces informations, jusqu'en 1955, du livre laissé par Pettigrew.

Entre 200 et 300 km2, la plantation Dauphin et le petit village de Phaéton d'à peine 3,000 habitants, transformée en « charter city », pourraient devenir une méga-ville de 5 million d'habitants et résoudre ainsi les problèmes de surpeuplement des autres villes haïtiennes et trouver une solution, une fois pour toute, au problème des dominicains d'origine haïtienne.

Lire aussi :

LA PLANTATION DAUPHIN: Une zone à revitaliser

http://ciat.bach.anaphore.org/file/misc/116_Rapport_plantation_dauphin.pdf

Dans notre édition de mai 2016, nous retenions l'attention sur le fait que le Conseil Economique Quisqueya (CEBQ), qui compte parmi ses principaux promoteurs d'éminents hommes d'affaires dominicains a proposé d'investir  5 milliards de dollars au moins à la frontière dans quatre domaines stratégiques: fabrication et logistique, production et stockage de l'hydroélectricité et l'énergie éolienne, l'agriculture, et enfin le tourisme. Il semblerait que toutes les  études de faisabilité ont été faites. Le CEBQ a présenté le projet mis au point par des représentants de la Société des zones franches de Santiago, où cette initiative d'investissement est très proche de commencer, ce qui confirme que le secteur privé dominicain est conscient de l'importance d'investir de la frontière. Le président Danilo Medina a à plusieurs reprises remercier l'Union Européenne pour son soutien financier dans ce projet frontalier. Rien n'empêche des promoteurs de la Charter City Dauphin/Phaéton à les inviter à y participer.

La formule des « charter cities » parait être la meilleure, Haïti pour une fois doit aller de l'avant et devancer ses compétiteurs. Qui ne tente rien, n'a rien !   

 

(wwww.lepetitjournal.com/haiti), lundi19 septembre 2016

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Publié le 18 septembre 2016, mis à jour le 19 septembre 2016

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