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PAROLE D’EXPAT – Sébastien Daudin : ”Je suis un enfant de Schengen, l’Europe d’aujourd’hui n’est pas mon Europe”

Écrit par Lepetitjournal Francfort
Publié le 22 juin 2016, mis à jour le 29 juin 2016

Sébastien Daudin, Français originaire de Poitiers vit depuis 18 ans en Allemagne. Titulaire d'un master en relations internationales, il consacre aujourd'hui la plupart de son temps à l'ONG Frankfurter Jugendring de Francfort, dont il est référent interculturel et chargé de projet ?Parade der Kulturen? (Parade des cultures).

Parti à l'origine, pour un simple séjour linguistique, Sébastien Daudin n'est jamais retourné vivre en France, faute d'envie. Il a choisi de faire ses études en Saxe, à Dresde, où il a décroché un MA en relations internationales à la Technische Universität Dresden. En 2008, il a lancé l'association OuverTüre dont l'objectif est de promouvoir les échanges culturels entre la France et l'Allemagne. Aujourd'hui chargé de projet de la Parade des cultures, grande manifestation annuelle qui rassemble de nombreuses communautés, de la Bolivie à la Turquie en passant par la Bulgarie, et lutte contre toute forme de discrimination, Sébastien Daudin avoue apprécier travailler dans un domaine non lucratif. Lepetitjournal.com/francfort est allé à sa rencontre.

Lepetitjournal.com/francfort : après avoir obtenu votre diplôme, comment êtes-vous passé de Dresde à Francfort ?

Sébastien Daudin : une fois mes études terminées, j'ai vu que l'Institut français et l'Ambassade de France proposaient de participer à des missions d'éducation civique. Il s'agissait du programme FranceMobil, en partenariat avec La Robert Bosch Stiftung, auquel j'ai postulé. Le but était de faire découvrir la langue et la culture françaises aux jeunes, d'aller dans les écoles de la région d'affectation et d'intervenir aussi bien dans des classes de collège/lycée que dans des maternelles. J'ai été pris comme lecteur FranceMobil pour la Hesse et donc rattaché à Francfort. On avait une Renault Kangoo mise à disposition par France Mobil qu'on avait surnommée "l'Institut français sur roues". L'objectif était d'informer sur les possibilités qui existaient d'aller à l'étranger en faisant des ateliers, des jeux linguistiques, etc... J'étais pour les jeunes un exemple concret : un Français, qui vient faire ses études en Allemagne et qui parle les deux langues. C'est là que j'ai commencé à développer un sens pédagogique et que je me suis rendu compte que ça me plaisait. Je me suis alors mis à mon compte à la fin de mon lectorat avec FranceMobil et j'ai donné des cours de français dans des écoles de langue. La Robert Bosch Stiftung proposait, en même temps, un concours d'idées pour encourager l'engagement civique en terme d'échanges culturels entre la France et l'Allemagne. Du coup, avec d'anciens boursiers de France Mobil, on a décidé de monter notre association, OuverTüre, et de participer en organisant un festival franco-allemand des arts du spectacle, accompagné de workshops à Strasbourg entre des écoles françaises et allemandes. OuverTüre a fini premier du concours. Et comme nous étions deux à Francfort, on a choisi d'installer le siège de l'association dans cette ville. 

Quand avez-vous commencé à travailler pour l'ONG Frankfurter Jugendring et sa ?Parade der Kulturen? ?

J'ai commencé à travailler avec le Frankfurter Jugendring quand je me suis installé à Francfort et que je développais OuverTüre. Le premier contact avec l'association s'est fait quand j'ai travaillé sur le projet "Mein Frankfurt und ich". Pendant plusieurs années, j'ai aidé en tant que bénévole, comme la presque totalité des membres du Jugendring. J'ai ensuite eu un virage professionnel dans ma vie et je suis devenu chef de projet pour les publications officielles de la BCE. En même temps, j'avais de moins en moins de temps à consacrer à OuverTüre, qui a dû officiellement fermer en 2013. J'avais aussi envie de sortir du cadre franco-allemand. Pourquoi ne se concentrer que sur ces deux pays, alors qu'il y a tant d'autres cultures intéressantes ? C'est comme ça que je suis devenu, il y a un an et demi, référent interculturel au Frankfurter Jugendring et chargé de projet de la ?Parade der Kulturen? dont l'objectif est de promouvoir la diversité, lutter contre toute forme de discrimination et à laquelle participent de nombreuses communautés dont la France pour la première fois cette année, à ma connaissance

Vous aviez des projets précis en arrivant dans cette organisation ?

Non, mais les idées me sont vite venues. On a décidé notamment de créer un "Wahlomat"pour les élections municipales qui ont eu lieu à Francfort dernièrement. L'idée d'un "Wahlomat", c'est de permettre aux internautes, selon comment ils répondent à une série de questions sur différents débats et opinions publics, de trouver le parti politique qui leur correspond le mieux. Parallèlement, il y a en permanence tout un tas de projets en arrière-plan. On cherche actuellement à développer quelque chose sur le thème des réfugiés par exemple. Il faut aussi revoir la stratégie de communication du Frankfurter Jugendring, dont je suis également en charge.

Vous êtes le seul Français au sein du Frankfurter Jugendring ?

Oui, au sein du bureau. Mais il y a aussi quelques Franco-Allemands au sein de nos 29 organisations membres. Je pense que mon côté français m'aide dans un certain sens : je suis assez créatif alors que les Allemands sont beaucoup plus structurés. Cette complémentarité nous permet de bien travailler ensemble. Mais aujourd'hui, j'ai plutôt adopté leur manière de faire. J'aime la manière dont tout est organisé ; tout est beaucoup plus simple.

Vous avez vécu jusqu'à vos 18 ans en France, et cela fait aujourd'hui 18 ans que vous êtes en Allemagne. Vous considérez-vous davantage Allemand ou Français ?

C'est marrant cette question. Les Français qui ont vécu longtemps à l'étranger et qui reviennent s'installer en France, se voient confrontés à certains problèmes de réadaptation. Ce phénomène commence à être le sujet de plus en plus d'articles depuis un certain temps. Pour ma part, depuis que je suis en Allemagne, je n'ai jamais eu l'envie concrète de retourner en France. Je suis devenu adulte ici. J'aime beaucoup aller en France en touriste, chez mes parents etc. En revanche, je ne me vois pas du tout sur le marché du travail français. Je pense, au contraire, que l'Allemagne offre beaucoup plus d'opportunités en matière d'emploi que la France.

Vous veniez d'avoir votre bac quand vous êtes arrivé en Allemagne, après une scolarité en classe européenne. Or, il a été question, dans la réforme du collège, voulue par le gouvernement, de les supprimer. Qu'en pensez-vous ?

Je pense qu'il n'y a même pas besoin d'en parler pendant des heures. Cette décision est une grosse erreur. C'est faire un pas en arrière. Ça n'a rien de visionnaire. Aujourd'hui, presque tout le monde, en Europe, parle anglais. C'est très facile, avec les moyens que l'on a aujourd'hui. C'est pour cela qu'on a besoin, en France, d'apprendre d'autres langues vivantes, comme l'allemand. Et les classes européennes avaient pour mérite d'ouvrir l'horizon culturel et de renforcer la curiosité des élèves sur l'Europe et nos voisins. Comme je disais, c'est important que des gens de pays différents se rencontrent. Dans un sens, on est tous citoyens de Schengen. Les réactions protectionnistes et populistes dans certains pays qui ferment leurs frontières au lieu de se montrer solidaires vis-à-vis des réfugiés, ça, ce n'est pas mon Europe.

(Photo FM lepetitjournal.com/francfort)

Interview réalisée par Félix Mazet (www.lepetitjournal.com/francfort), jeudi 23 juin 2016

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Publié le 22 juin 2016, mis à jour le 29 juin 2016

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