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TEMOIGNAGES – L’expatriation, c’est pas pour moi !

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Écrit par Lepetitjournal.com International
Publié le 14 août 2016, mis à jour le 11 décembre 2018

Ah la vie d'expat à l'étranger ! Lorsque vous avez annoncé votre décision de partir, vous faisiez des envieux ! Et pourtant? Quelque chose ne va pas. Mal-être, doute, solitude, choc culturel, cette expérience ne se passe pas comme vous le vouliez, un phénomène beaucoup plus fréquent que l'on ne le croit, bien loin des fantasmes sur l'expatriation. Voici vos témoignages

Les chiffres le montrent, de plus en plus de Français partent s'installer à l'étranger. Mondialisation oblige, l'expatriation est parfois considérée comme un passage quasi obligé dans le parcours professionnel des cadres. L'expérience, le plus souvent positive, est pourtant vécue difficilement par certains. Parfois grisante, elle peut aussi être très déstabilisante. Cet aveu est souvent tabou, nous vous remercions d'autant plus de bien avoir voulu partager avec nous vos sentiments.

La solitude
Claire, cadre dans une grande entreprise, a souhaité suivre son mari à Singapour parce que « professionnellement c'était un beau projet pour lui, et je voulais changer de rythme, tout en offrant à mes trois enfants une ouverture au monde. Je n'avais pas réalisé que ce choix implique inévitablement des renoncements, comme s'éloigner de ses proches. Mon père est décédé il y a quelques mois et j'ai eu le terrible sentiment de culpabilité d'abandonner ma mère. Pour mes enfants, l'adaptation n'a pas été simple,  mon mari était très pris, j'ai sombré dans la déprime, pour ne pas dire la dépression? Comme je ne connaissais personne, personne n'a pu me soutenir. J'ai fini par faire quelques visites organisées, pour sortir de chez moi, aller à la découverte de ma ville, et surtout rencontrer enfin du monde. Aujourd'hui je vais mieux, mais je n'aurais pas imaginé vivre cette période transitoire aussi mal. » Pour Yohann, « le fait d'être seul et qui plus est à l'étranger vous met à nu complètement, et c'est vrai que cela fait ressortir certaines fragilités que nous ne voyons pas lorsque nous sommes chez nous, avec nos habitudes, nos repères... Toutes ces petites choses au jour le jour qui nous rassurent, mais qui d'un côté aussi nous emprisonnent dans notre quotidien. »

Gilles vit au Danemark depuis quelques mois : « Depuis le jour de mon arrivée, je suis complètement dépassé par le simple fait de vivre à l'étranger. J'ai pourtant fait pas mal de voyages en Europe et ailleurs. Je n'ai pas vécu l'euphorie de l'arrivée: dès le passage de la frontière, j'ai ressenti ce "choc culturel" avant même d'avoir parlé à un seul Danois: isolement, peur panique, sentiment d'insécurité, malgré un contexte professionnel très conciliant. Pendant l'hiver, j'ai sombré dans une sorte de léthargie, fatigué physiquement, incapable de voir l'avenir, me réfugiant dans les quelques week-ends en France, en les allongeant autant que possible par des rendez-vous avec mes collaborateurs français. Je rentre juste de vacances et sens que je replonge déjà... ».

Les tracas administratifs qui découragent
V. est parti vivre au Vietnam et pensait pouvoir s'adapter malgré la différence de culture, mais tout ne s'est pas passé comme prévu : « déjà au niveau de l'administration, tout est compliqué, pour les visas (tourisme, familial, travail). Les lois changent tout le temps, l'impression que l'on n'est pas les bienvenus, les prix sont parfois élevés dû à la corruption de fonctionnaires ». Les difficultés liées à l'effort d'intégration aux nouveaux codes de conduites et normes sociales sont devenues trop grandes, et V. ne supporte plus « l'incivilité sur la route, dans les lieux commerciaux, restaurants, l'hygiène, le bruit, la pollution? Marié à une Vietnamienne qui constate les réalités du quotidien qui au bout d'un moment deviennent difficilement supportable, je retourne en France pour avoir une vie plus saine ».

Bien loin de l'eldorado
Eugénie est partie s'installer au Portugal pour la retraite et a déchanté : « Tout ne se passe pas bien. On a des Français qui profitent de la situation qui font semblant de vouloir vous aider mais tout n'est qu'une question d'argent. Les banques portugaises ne vous font pas de crédit. Si vous n'avez pas des économies ce n'est pas la peine de venir vivre ici. Les Portugais sont très réservés et on ne se fait pas d'amis. » Amère, elle se dit « très déçue. Je suis en train de réfléchir pour retourner en France ou me pendre ». 
L. est partie à l'étranger avec un grand enthousiasme : « Je trouvais ce projet de vie super intéressant et motivant. Famille élevée, projets de carrières réalisés, mon conjoint voyageant plusieurs mois par année en Asie pour son travail, une opportunité s'offrait à nous. » Tout se gâte deux ans après quand il perd son emploi.« On a choisi de rester pour tester le marché, de monter notre propre affaire. De l'appartement de style américain, avec une maid, un chien, 2 Mercedes, en passant par une villa avec piscine privée ... on a plongé en vrille! Après près de 3 ans où lui a joué au "tycoon" (golf, clubs privés, grands restaurants avec ses amis etc.) pendant que moi je travaillais comme une folle à diriger notre entreprise, il a fallu se rendre à l'évidence, les revenus n'étaient pas au rendez-vous. J'ai voulu revenir au bercail mais lui non.(?)Depuis 2 ans maintenant on vit avec moins de 60 euros/semaine pour se nourrir(?). Un cauchemar, j'en peux plus!(?) Triste de constater que le tapis m'a glissé sous les pieds, que mon mari, l'être que j'aimais le plus au monde, parce qu'il faut aimer aveuglement pour tout abandonner et s'expatrier, m'a menti, m'a volé ma vie. Six ans plus tard, sans plus aucune qualité de vie, sans plus aucune vie sociale, plus d'amis, plus de contact humain, dans un pays qui n'est pas mien et que je déteste, je "fais du temps" en attendant je ne sais trop quoi. Au bout du compte le pire sentiment c'est de ne pas savoir si tu dois attendre ou abandonner.»

L'expatriation implique la rupture avec ses origines, sa langue maternelle. C., amoureuse de la nature et des animaux dans un petit village auvergnat, compare son expatriation à une « descente aux enfers » : « Je rencontre l'homme de ma vie, de nationalité palestinienne, en France pour ses études. Il doit retourner aux Émirats Arabes Unis pour travailler, là où il a vécu son enfance et surtout là où est implantée l'entreprise qui lui a permis de faire ses études. Nos coeurs amoureux sont déchirés et nous ne pouvons pas nous résigner à nous dire adieu. Un an après, je le rejoins pour voir si je pourrais vivre là-bas avec lui. Tout est beau, magnifique : ses bras, le ciel bleu, la mer azur, l'architecture peu banale, les palmiers, la place des femmes dans la société qui est aussi un point important dans ma décision. Sa famille m'accepte, tout va bien. Nous prévoyons donc de nous marier. Je quitte tout, boulot, appartement sans regrets ; famille et amis avec une petite pointe de douleur tout de même. » L'arrivée d'un enfant est un bouleversement : « J'ai énormément de difficultés à être mère loin de mes repères et je commence à vouloir rentrer le plus tôt possible. Je me mets à écrire sous forme de poésie mon mal être et mes autres pensées. Nous venons en septembre en France pour la première fois avec ma fille et ces vacances sont pour moi un bonheur, une vraie bulle d'énergie. Un an plus tard, nouvelle bulle d'air, je vis vraiment durant 3 semaines, le reste du temps j'attends de pouvoir rentrer. J'écris de plus en plus. Ma seconde fille Lylia naît fin octobre. L'année 2015 est la plus dure, je me projette en France, imagine ma vie là bas, ne vit que pour ça et cela a des conséquences sur notre couple. Les différences culturelles sont parfois dures à accepter et l'incompréhension se fait de plus en plus ressentir. Je me rends compte que je me sens incapable de rester ici jusque fin 2018. Je n'arrive pas à faire un choix, rentrer sans mon mari et attendre qu'il puisse nous rejoindre tout en risquant de mettre en péril sa demande de nationalité et notre amour, ou rester au risque de tomber encore plus bas, enfermée dans ce que j'appelle une prison dorée en voyant mes filles grandir loin de tout ce qui fait ma personnalité? »

Les sentiments d'échec ou de solitude décrits dans ces témoignages ne sont pas rares. Si en général, ils sont passagers, il est possible que les solutions classiques pour combattre l'isolement ne suffisent pas. Avoir recours à un thérapeute ou à un coach peut vous aider à retrouver un sens à l'expatriation, si le retour n'est pas possible. Et pour éviter les mauvaises surprises, il est primordial de mûrir son projet, de bien le préparer en amont. « Cette expatriation, je ne l'ai pas préparée, reconnaît C., j'ai complètement occulté le côté professionnel. Je ne m'attendais pas non plus à un choc culturel aussi important. Je me sens isolée, incomprise, extraterrestre et incroyablement triste malgré la présence de mes deux petites princesses adorées et du mari que j'ai choisi, voulu, attendu et que j'aime encore tellement fort».
On ne dira jamais assez que l'expatriation est aussi synonyme de sacrifices, d'exigence. Pour certains, cette exigence permet de se dépasser, de se réinventer. Mais parfois le prix à payer est trop lourd.

MPP (www.lepetitjournal.com) mercredi 25 février 2016 (réédition)