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RETOUR D’EXPAT – Une nouvelle aventure !

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Écrit par Marie-Pierre Parlange
Publié le 23 mai 2018, mis à jour le 23 mai 2018

"L'instabilité est nécessaire pour progresser, disait Coluche. Si on reste sur place, on recule". C'est peut-être pour cette raison qu'après plusieurs années à l'étranger, le retour en France est parfois teinté d'un peu d'appréhension. L'impatriation, parce qu'elle amène elle aussi son lot d'expériences et la richesse de pratiques nouvelles, doit être préparée soigneusement 


Quand on rentre en France, par choix ou non, il ne faut pas sous-estimer les quelques difficultés, bien souvent inattendues, qui peuvent surgir. Après quelques semaines dans leur nouvelle vie en France, quel bilan dressent donc les impatriés ?

Pas d'apitoiement


Tout d'abord, il faudra lutter contre les clichés véhiculés par des reportages qui ont tendance à enjoliver la réalité de l'expatriation et à ne parler que des success stories des Français de l'étranger. L'expérience que vous venez de vivre est souvent perçue comme un exil doré, facile, alors ne comptez pas trop sur une oreille compréhensive pour entendre vos états d'âme. Après 20 années passées à Londres (en contrat local), le retour en France de Caroline fut "acrobatique. En effet entre la paperasse, sécurité sociale et l'intégration auprès de nos concitoyens, nous ne nous sommes pas ennuyés ! C'est sûr personne ne nous attendait et nous avions fait le choix de rentrer, mais un peu de tolérance et de bienveillance ne nous auraient pas fait de mal, surtout envers les enfants qui ne comprenaient pas ce refus de communication, alors qu'ils avaient à une époque accueilli des dizaines d'expatriés français ou autres..." Plus le séjour à l'étranger est long, plus cette impression d'être un étranger dans son propre pays est fréquente.

L'entourage familial et amical a pris ses distances en votre absence. A son retour, Sophie a "été souvent déçue par l'attitude de la famille. J'ai essuyé beaucoup de réflexions un peu amères, dictées par une espèce de jalousie sous-jacente je pense...Combien de fois j'ai entendu des expressions du style 'oui vous évidemment dans votre bulle là-bas, coupés de la réalité'..."  Un sentiment de décalage pas toujours très agréable.
 

Rien de changé, repartons !


Retrouver un environnement qui semble immuable alors qu'on a soi même beaucoup changé peut être également perturbant : "On a l'impression d'avoir fait une immense boucle, explique Corinne de retour de Chine, alors que quand on reste en France, la vie est linéaire..." "Difficile de se réadapter aux magasins fermés le dimanche et aux commerçants qui font la tête et à l'administration kafkaïenne. Et surtout, c'est impensable de ne plus rêver d'ailleurs. Du coup on envisage de repartir très vite", estime Marie. Un constat que partage Chloé de retour de Thaïlande, pourtant bien réacclimatée à Paris, et Luc : "Cette routine ne me plait pas du tout, écrit-il. Rencontrer des gens de différentes cultures, dans une grande ville avec beaucoup d'animation, c'est ça que je recherche, ici j'en suis loin, je veux repartir rapidement".
Loïc également a "vécu un dur contre-choc culturel après 10 ans d'Asie, il faut tout réapprendre, on se sent en décalage, on n'a effectivement plus les codes. Ça fait partie de l'expérience et c'est plutôt bon signe : ça prouve qu'on a évolué, acquis d'autres points de vue."


De vraies difficultés économiques


C'est donc souvent du point de vue relationnel et non du fait de la perte de 'privilèges' que l'adaptation serait difficile, même si les difficultés économiques et le manque de valorisation de l'expérience acquise font partie des frustrations les plus fréquentes.

"Nous sommes vraiment contents d'être revenus du Canada, estime Jean-Marie, notre retour en France était un choix réfléchi et voulu, et nous l'assumons. Nous nous attendions à nous confronter à des difficultés, mais j'étais convaincu que notre chômage ne serait l'affaire que de quelques mois. Ce qui me choque, c'est la réponse que l'on me donne, que ce soit par Pôle Emploi ou des amis : "Tu cherches seulement depuis 3 mois, c'est NORMAL. Je me heurte de nouveau à cette fameuse phrase: "Nous avons pris une personne plus expérimentée". Je ne fais toujours pas le poids concernant mon expérience... et pourtant maintenant, j'ai 5 ans d'expérience!"

"J'ai eu la chance de travailler dans plusieurs pays, écrit Jacques. Pour moi, à chaque fois le retour et la réintégration en France se sont faits dans de bonnes conditions (pas toujours idéales d'un point de vue professionnel et familial) Il faut dire que j'ai toujours considéré qu'il fallait, périodiquement, regagner la mère Patrie pour ne pas, justement, se couper de ses racines et reprendre contact avec la réalité française. L'argent un peu plus facile et le statut social un peu meilleur ne font pas tout."

Dans les grandes entreprises, si le départ est bien ficelé, l'étape du retour reste souvent bâclée. Lorsqu'il est mal vécu, le retour d'expatriation a toutes les chances d'annihiler les bénéfices de l'expérience internationale, voire de compromettre l'avenir du salarié au sein de sa société. Selon les études, on constate qu'entre 20 et 40 % de ces expatriés quittent leur entreprise au bout de deux ans.

Beaucoup de positif dans l'expatriation...


De façon générale, la vie à l'étranger est considérée comme une expérience positive. Avec le recul les impatriés reconnaissent ses bénéfices en termes de culture, de maîtrise des langues, d'ouverture d'esprit et de confiance en soi. Corinne a eu du mal à quitter la Chine : "Pour nous, c'était une expérience formidable. Ça restera en nous, ce n'est pas comme une parenthèse qu'on referme pour passer à autre chose, c'est une continuité. De ce fait, on n'avait pas envie de tourner la page en 12 heures d'avion, c'était trop un choc, trop virtuel... On voulait sentir le retour progressivement, alors on va prendre le Transsibérien de Pékin à Moscou : 12 jours de voyages au lieu de 12h de vol...

Anne est également très positive sur son expérience de deux ans au Brésil : "Humainement, c'est quelque chose de formidable. Nous sommes beaucoup plus riches, plus ouverts qu'au moment du départ. Nous avons gardé une vraie manière de négocier, de ne pas s'énerver, d'expliquer les choses, de prendre des nouvelles des gens... Nous sommes devenus plus patients et l'on s'aperçoit que cela fonctionne bien en France aussi. Les gens sont un peu déstabilisés de voir que l'on ne s'énerve pas".

Pour Emmanuel, "La Chine nous apprend la modestie. C'est un dépaysement de tous les sens et de l'intellect, l'occasion de se resituer dans sa vie, de connaître des gens différents et de repenser des tas de concepts acquis. C'est un plaisir que de se perdre un peu pour mieux se retrouver".

...Mais du bon chez nous aussi !

"Bien sûr qu'il y a des choses en France qui me hérissent le poil (pour le dire gentiment), écrit Marie, mais je suis contente d'avoir aussi retrouvé ces bonnes choses qui m'ont manquées et qui m'ont fait revenir. Mes années d'expatriation m'ont ouvert les yeux sur ce pays qui m'a vu naître, qui a accueilli mes parents exilés". Loin de chez eux, les Français regrettent souvent la qualité de vie française, la qualité de ses transports , sa vie culturelle  ainsi que l'accès et la qualité des services de santé. C'est donc un plaisir de retrouver tout cela au retour. Après le Brésil, Anne porte aussi un regard différent sur la France : "Nous nous rendons mieux compte des valeurs que cherche à véhiculer notre pays. Nous y sommes certainement plus attentifs qu'auparavant."

Pour Chloé de retour à Paris après 4 ans à Bangkok, "le secret du retour passe sans doute par un projet qui nous porte, nous insère tout de suite dans le réel. Notre pouvoir d'achat a diminué mais c'est un plaisir de retrouver la vie culturelle, et de retrouver un regard de touriste. Paris, ça en jette !" Pour elle, les difficultés rencontrées sont inévitables et peut-être formatrices : "Dans les lycées français de l'étranger, l'accueil des nouveaux fait partie de la normalité. Ce n'est pas le cas dans les écoles en France, et ce n'est pas facile pour les enfants de se faire une place. Mais ça fait partie de la vie, et on est justement rassurés qu'ils puissent se confronter à ça". Pour Loïc, "chaque pays est une richesse, la France y compris, à condition d'y vivre positivement et de savoir pourquoi on part et revient (ou pas !)".

Avec l'augmentation régulière du nombre d'expatriés, les difficultés des impatriés devraient être mieux connues et prises en compte. Favoriser la réussite des impatriations est un enjeu majeur à l'heure où la France a besoin de se réinventer.

(réédition)