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EXPATRIÉS - Qu'est ce qu'être français pour vous?

Écrit par Lepetitjournal.com International
Publié le 30 novembre 2015, mis à jour le 2 décembre 2015


Au lendemain de l'attentat, les couleurs du drapeau français ont recouvert nos murs Facebook. En France et à l'étranger, on se réapproprie ce symbole national, malgré quelques polémiques. Est-ce que vivre à l'étranger change notre perception sur notre pays, nous éloigne de la France ?  Ou au contraire, malgré la distance, restons-nous très attaché à nos racines ? Témoignages


Le drapeau français était souvent réservé aux anciens combattants. Depuis les attentats du 13 novembre à Paris, les Français arborent volontiers nos couleurs, pour « montrer que la France est unie ». La vague d'émotion a aussi envahi les Français de l'étranger.Est-ce un sursaut de patriotisme ? Que signifie être français quand on vit loin de France, pour quelques mois ou pour longtemps ? C'est la question que nous vous avons posée. Voici vos témoignages.

Les symboles républicains
Drapeaux. Marseillaise. Les grands symboles de la République ont-il servi d'abri aux Français de l'étranger ? Carole est ?fière de vivre à l'étranger, de représenter mon pays, mais je dois être à la hauteur. C'est pas toujours évident... j'ai toujours fait attention à donner une bonne image de la France, car tout le monde sait que je suis "la petite française" !?

Pour Titouan, « Aux Etats-Unis, le patriotisme est inscrit dans les gènes dès l'enfance. Les enfants hissent le drapeau, prêtent serment? Nous, dans un moment comme celui des attentats, on a fait comme on a pu pour montrer, à notre façon, qu'on est aussi patriotes. »

Alice de Sydney est née en Outremer: « je suis allée à l'école française du coin ou tous les matins nous chantions "La Marseillaise" et le "God Save the Queen" puisqu'il s'agissait des Nouvelles-Hébrides (Vanuatu), condominium Franco/Anglais jusqu'en 1981...Toute mon enfance, j ai appris que la France la Mère Patrie serait toujours là.  Partout je suis fière d'être française. J'apprends ma langue maternelle a mes enfants (pas sans difficultés parfois!!) et souvent je leur rappelle que ma maison est un territoire français!!! »

Catherine habite l'étranger depuis 40 ans : « je suis toujours restée farouchement française. Je n'ai pas pris la double nationalité, je regarde la Télé française, il y a un grand drapeau tricolore dans le salon et mon adresse Mail (depuis 10 ans) est Vivelafrance@xxx.com. Je ne me sens pas plus française à cause du terrorisme car je suis déjà française un maximum!"

Michèle, professeur en Italie a été touchée « par les manifestations de solidarité de la part de mes collègues. À la fenêtre de mon habitation italienne flotte un drapeau français et je n'ai qu'une hâte, c'est d'aller le tôt possible à Paris ! Parce que « MÊME PAS PEUR !!! »

« Cela fait maintenant plus de 15 ans que je vis en Roumanie, explique Christian et j'ai toujours revendiqué mon identité française et j'en suis fier. Ce sentiment de rattachement aux valeurs de la France s'est révélé comme un besoin au début de mon expatriation et s'est renforcé au fil des années

Être français : Tentative de définition
Si l'on se réfère à la polémique qu'avait déclenchée le Ministère de l'identité nationale, il semble impossible de trouver une définition qui soit acceptée par tous. Etre français, c'est avoir la nationalité française. Mais c'est aussi un sentiment. Pour l'historien Patrick Weil, spécialiste des questions de nationalité et d'immigration, il y a 4 piliers à l'identité française. Le premier est l'égalité. Puis vient « La langue. Instrument d'unification du royaume puis de la république, de l'école pour tous, son statut au coeur de la république des lettres donne à l'intellectuel une place sans pareille et nous assure un important rayonnement dans le monde. Puis la mémoire - le plus souvent positive - de la Révolution. » Enfin, il y a la laïcité.

Une identité commune qui ne relève pas du nationalisme de repli
Pour Boris, ?Les Français de l'Hexagone ont pu s'apercevoir de la puissance du lien qui unit nos communautés françaises entre elles à l'étranger et de la densité du lien qui unit les Français hors de France à la Nation française. (?) Nous parlons ici de solidarité dans l'épreuve et du désir d'être ensemble dans la difficulté. Et au delà de l'émotion, de la force du sentiment d'appartenance à la Nation française qui se vit pleinement où que l'on se trouve dans le monde !
Les attentats ne sont donc pas un événement fondateur de ce lien mais un événement agissant comme un révélateur puissant.
A l'étranger nous vivons l'ouverture aux autres, la mixité des origines et des parcours de vie, comme une richesse fondamentale. C'est ce cosmopolitisme français dont, personnellement, je me sens extrêmement fier.
Les Français et la France sont écoutés, respectés, entendus à l'étranger quand ils sont les porteurs et les garants de cet universalisme humaniste qui, même dans des temps troublés, continuent à placer le respect de l'être humain au centre de l'attention collective.
Le terrorisme barbare ne respecte pas la vie. N'aime pas le mélange des êtres humains entre eux. Prospère sur la peur de l'autre.
Continuons à être des humanistes éclairés pour vaincre la peur et faire reculer la barbarie. Et être à la hauteur de notre destin collectif.?

Pour Yves, d'Afrique du Sud, "on a laissé se développer en France le communautarisme, l'idée que la France est multiculturelle, non la France n'est pas multiculturelle, oui elle accueille et à vocation à accueillir toutes les cultures du monde, mais toutes ses cultures se fondent et s'insèrent dans la culture française comme toutes les religions doivent se fondre dans la laïcité française, qui est la liberté de croire et de ne pas croire et celle d'exercer son culte à titre privé sans intervention publique. Ce déni, est la cause du problème qui fait que certains enfants d'immigrés se sentent moins intégrés ou insérés à la France, à la communauté nationale en 2015 que leurs parents ou leurs grands-parents arrivés dans les années 1960, quelle régression!
N'oublions jamais que c'est parce que l'on est français d'abord et fier d'être français que l'on se retrouvera plus facilement dans un projet européen et que l'on se définira peut être par la suite comme un citoyen du monde et non l'inverse. C'est parce que l'on aime la langue française que l'on veut qu'elle continue de rayonner dans le monde, que l'on s'ouvrira plus facilement à d'autres langues et non l'inverse.
Plus que jamais et au-delà de l'émotion, il est urgent d'inventer une nouvelle page du roman national, réaffirmer encore plus fort nos valeurs, notre pacte national (et ne pas attendre que le sang soit versé en plein Paris et à Saint Denis pour rechanter la Marseillaise, et pour afficher les couleurs de la France sur la Tour Eiffel, afin de nous souvenir des symboles de la France) pour que les Lumières, l'esprit des Lumières si français et si universel triomphe toujours sur l'obscurantisme auprès des nouvelles générations. Au-delà de ces événements tragiques, on a plus que jamais besoin de hauteur de vue, de profondeur historique et culturelle, de message d'espoir pour la jeunesse, pour les jeunes générations, pour porter l'idéal des Pères Fondateurs de la Nation et de ce qui fait qu'on est la France".

Justine vit en Argentine depuis un an : « Depuis les attentats, je me sens plus proche de mon pays natal mais pas plus "française". Je n'irai pas jusqu'à mettre le filtre Facebook avec le drapeau bleu, blanc, rouge... Je ne suis pas partie de France pour fuir mon pays mais pour découvrir d autres horizons. Il est vrai que depuis les attentats je pense beaucoup plus à ma famille et à mes amis. Je vérifie sans arrêt les journaux sur Internet (car ici de fausses rumeurs courent...j ai eu droit a "la tour Eiffel a été attaquée elle est en mille morceaux." N'importe quoi !) » 

Hugues de Malaisie se sent ?Français, et Parisien et Montmartrois, tout en restant aussi citoyen du monde. Ce sentiment est renforcé par les témoignages de nombreux amis de tous pays qui me manifestent leur solidarité après les attentats?. Pour Philip, de Thaïlande, « la distance n'a pas changé mon regard sur la France, seul le vin me manque ! »

Qu'est ce qu'être un Français ?
« Le Code civil définit les conditions de l'acquisition de la nationalité Française mais ce droit stipule QUI peut être Français et non CE QU'est un Français, explique Monique. Un philosophe Libanais ou un prof allemand vivant en France depuis plusieurs années peuvent être plus Français qu'un citoyen n'ayant qu'une carte d'identité en poche car ils aiment son histoire, ses idées, ses traditions, sa cuisine, son savoir vivre et savoir-faire en bref ce qui fait vibrer son âme. Comme disait Romain Gary «Je n'ai pas une goutte de sang Français, mais la France coule dans mes veines».
En Allemagne il y a une plaisanterie de mauvais gout qui circule dans certains milieux de droite disant que «Si vous avez un berger allemand, vous pouvez demander votre nationalité Allemande». Ils pensent que la nationalité doit avoir un rapport direct avec l'identité culturelle. En Allemagne ils appellent cela la «Leitkultur».  Mais voilà que fait-on en France?? Il suffit qu'un des parents soit français ou d'être né sur le sol français ou soit avoir été marié à un français (?) Qu'y a-t-il de honteux à vouloir être fière d'être le réceptacle de tous les combats de nos aïeux que ce soit de gauche ou de droite. On parle de droit à la nationalité, il serait grand temps d'établir AU MOINS une liste de devoirs faute de pouvoir décider qui est un bon français et qui ne l'est pas!? »
Pour Michael, « Un Français est une personne qui ne sait pas qu'elle est naturellement "attractive" à l'étranger de par le rayonnement culturel de sa nation. La distance a changé mon regard, malheureusement négativement concernant certains domaines comme l'emploi et la solidarité. Cependant je me rends compte tous les jours de la chance que nous avons d'être français. »

Un regard différent sur la France depuis l'étranger
Pour Agnès, c'est « un sentiment étrange, d'être à la fois si près (Paris est ma ville, je suis née dans le Xe et j'y habite) et si loin. Impossible d'imaginer la vie au quotidien à Paris quand on est en Nouvelle-Zélande, un pays calme, paisible  à l'autre bout du monde et j'espère le plus longtemps possible, épargné par toute cette violence. Impossible de penser à autre chose ».

«Mes parents et l'école m'ont appris les valeurs d'amour et de respect du pays et des personnes et de la nature autour de moi, explique Inge. Tant de choses que l'on n'apprend plus beaucoup de nos jours. De ma mère, j'ai des racines autrichienne et Italienne. Mais, jamais je ne les ressenties quand j'étais petite (sauf dans certains repas...). Je me suis toujours sentie Française à part entière et j'adore notre langue et nos produits du terroir. La distance m'a fait comprendre mon attachement et n'a fait qu'accentuer mon amour pour la France. Je suis vite revenue en Europe et suis en France au moins une fois par mois. La famille, le mode de vie, la langue, le patrimoine.... Tant de choses qui font tant d'envieux. »

C'est un sentiment assez contradictoire, pour Anne, d'Australie : "On s'identifie à son pays sans pour autant le reconnaître. On a mal quand on voit le chagrin, le désespoir et le chaos dans notre pays. C'est comme si notre pays natal était une part de nous-mêmes : une cote, une jambe, un bras. Combien de fois ai-je entendu de la part de mes compatriotes « J'ai mal à ma France ». Notre pays natal est une part de notre identité. (?) Les représailles sont promises, les frappes aériennes débutent.(?) et je ne peux m'empêcher de penser à la citation de Gandhi « ?il pour ?il et le monde finira aveugle ». Ce pays, mon pays, je le reconnais à peine. Est-il vraiment une partie de moi ? Est-il celui avec lequel je peux m'identifier ? »
Annick, expatriée depuis une vingtaine d'années environ a « ressenti très vite ce sentiment d'appartenance à la France, lors de grandes manifestations sportives par exemple, comme les coupes du monde. Dans ces moments là, les Français se retrouvent pour suivre les matchs ensemble, s'habillent de maillots tricolores et chantent la Marseillaise. Un sentiment plus fort que dans la métropole .. En même temps le fait de vivre à l'étranger nous permet d'avoir un regard extérieur et certainement plus impartial de la France. Je pense en particulier à la sécurité sociale et aux soins médicaux que nous vivons nous comme un privilège alors que les français le vivent comme un dû. Cela fait une grande différence.  Cela nous permet aussi de mieux relativiser la place de la France dans le monde. En France nous avons plutôt tendance à nous sentir le centre du monde notamment en matière de culture d'éducation de gastronomie. En partageant d'autres cultures on a un regard plus critique mais plus riche aussi. »

Marylaure pense que "peu importe ou l'on choisi de vivre adulte on se sentira toujours de la nationalité du pays ou l'on a grandi donc je me sens toujours mi- française mi-australienne mais pas plus qu'avant les tristes évènements de cette année. J'ai été touchée par l'attention que les gens du monde entier ont voulu montrer a la France mais elles m'ont laissé, en particulier les changement de drapeaux sur Facebook, un gout amer... Car je n'ai pu m'empêcher de penser aux 200 civils russes qui ont perdu la vie une semaine plus tôt et tous les autres personnes qui ont perdu la vie dans des attentats sans que personne ne pense a changer leur profiles en leur mémoire. Est ce le fait d'être éloignée et d'avoir une vue plus globale de la situation mondiale et moins locale qui me fait me sentir plus une citoyenne du monde plutôt que d'un ou deux pays?"

Sophie qui vit au Brésil a toujours ressenti un très fort attachement à son pays. « Nous rentrons en France au moins deux fois par an pour essayer de créer le lien entre les enfants, la culture et la famille, c'est difficile il faut l'avouer. Mais ce lien existe il est réel. J'ai été particulièrement touchée par les attentats. Ayant passée tout le week-end suivant accrochée à mon smart phone, je continue de pleurer chaque fois que j'en parle ou que je vois des reportages à la télévision.  Oui je pense que le sentiment d'être encore plus française est réel. Entendre la Marseillaise chantée partout me rend encore plus fière et soutenue par le reste du monde. J'ai aussi un très fort sentiment de culpabilité de ne pas être là-bas avec eux pour les soutenir. Mes enfants ne comprennent pas trop pourquoi je pleure autant puisque je ne connaissais personne touché directement. Mais cette France dont je leurs parle sans cesse n'est pas celle-là. Pas celle de la violence aveugle qui tue ses enfants! Une infinie tristesse mêlée à un sentiment de force et de fierté voilà ce que je ressens. Un peu comme un lion qui se relève. Désolée pour l'image animalière!"

Et si, finalement, être français, c'étaient les expatriés qui en parlaient le mieux ?
Tout le monde a été réconforté par cette magnifique ode à la France parue sur le site du New York Times qui a beaucoup tourné sur les réseaux sociaux : « La France incarne la jouissance de la vie ici, sur terre, d'une multitude de manières : une tasse de café qui sent bon, accompagnée d'un croissant, un matin ; de belles femmes en robes courtes souriant librement dans la rue ; l'odeur du pain chaud ; une bouteille de vin partagée avec des amis, quelques gouttes de parfum, des enfants jouant au jardin du Luxembourg, le droit de ne pas croire en aucun Dieu, de ne pas s'inquiéter des calories, de flirter et de fumer, de faire l'amour hors mariage, de prendre des vacances, de lire n'importe quel livre, d'aller à l'école gratuitement, de jouer, de rire, de débattre, de se moquer des prélats comme des hommes et des femmes politiques, de remettre les angoisses à plus tard : après la mort ». Eh bien c'est Laurence, une expatriée originaire de Tourcoing, installée en Californie depuis 30 ans qui a su trouver ces mots. « J'ai eu l'opportunité d'aller en Californie et là j'ai trouvé que l'on pouvait avoir l'esprit d'initiative sans le poids du jugement. Cela a été une libération pour moi. Et puis, la vie a été telle que je suis restée ici, a-t-elle confié à La Voix du Nord. Mais j'aime toujours la France. Je suis un peu comme Joséphine Baker avec deux amours. »

MPP (www.lepetitjournal.com) lundi 30 novembre 2015

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Publié le 30 novembre 2015, mis à jour le 2 décembre 2015

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