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SOCIÉTÉ - Sur les routes du droit à l’avortement avec Rosa

Écrit par Lepetitjournal Dublin
Publié le 26 juillet 2017, mis à jour le 26 juillet 2017

 

Suite à notre article qui rapportait le souhait du ministre de la santé irlandaise d'organiser un référendum sur la question de l'avortement en Irlande d'ici un an, retour sur le mouvement ROSA qui avec ses militants avaient en Mars dernier pris la route à bord d'un bus afin d' informer les Irlandaises sur l'avortement et leur permettre d'obtenir des pilules abortives, interdites par la loi. Après le rejet du projet de loi proposant d'autoriser l'IVG, en 2016, la motivation des militants reste intacte.

L'image est symbolique. Des tee-shirts noirs Repeal the 8th (?Abrogez le 8e amendement', Amendement interdisant l'avortement dans la constitution irlandaise NDLR) font face à une rangée de photos de f?tus morts.

Au cours des trois jours, du 6 au 8 mars, la scène va se répéter, à Cork, Limerick, Galway et Dublin. Depuis quatre ans, ROSA ( Reproductive rights, against oppression, sexism and austerity http://rosa.ie/) organise des actions pour informer les gens sur l'avortement, prôner le droit à l'IVG et dit-on, donner des pilules abortives sous le manteau. « Anyone who need pills, will get pills », glisse Rita Harold, à l'origine du mouvement.

Chaque jour, dix Irlandaises prennent l'avion pour se faire avorter en Angleterre. Il y a même une expression pour ce voyage quotidien : «to take the boat » . Lucie, jeune irlandaise de 20 ans, se rappelle avoir accompagnée une amie à Londres : « Elle avait 22 ans. Elle ne voulait pas le garder. On est donc parti. Elle a pleuré à longueur de temps. Elle aurait juste voulu être chez elle, près de ses amis, sa famille. Heureusement, là-bas, une association se charge d'aider les filles dans sa situation. Une famille l'a accueilli pour la nuit. Ses parents savaient ce qu'il se passait mais ils n'ont pas voulu l'aider, surtout pas financièrement. Au total, elle a dû débourser 2000 euros. » Dix jeunes femmes, chaque jour, ont les moyens d'agir et décident de prendre l'avion. Combien d'autres, coincées en Irlande, trouvent d'autres solutions? Au sein de l'Union européenne Europe, seuls cinq pays interdisent l'avortement : la Pologne, l'Irlande, Chypre, Andorre et Malte.

Parmi les militantes de Rosa, il y a Mary. Pas bien grande, les cheveux en arrière et un fort volume vocalqui n'arrange pas les pro life : «Our body, our choice ! What do we want ? Repeal the 8th ! When do we want it ? Now !» Sans discontinué, la jeune femme scande les slogans dans son mégaphone, repris aussitôt par les autres militants. Salariée dans une librairie, elle a posé des congés pour participer à la mobilisation. Elle a toujours suivi Rosa. « Notre action la plus marquante, c'était il y a trois ans. On a fait comme les femmes dans les années 80, quand elles allaient chercher les pilules abortives en Irlande du Nord. Les femmes enceintes les ont prises devant les caméras. C'était quelque chose ! »

Comme elle, la majorité des militants ont la vingtaine. On compte seulement deux garçons à bord, « c'est dur d'être féministes » glisse l'un d'eux. Malgré tout, tous font preuve d'une grande maturité. Car à chaque arrêt, au pied du bus, les pro life sont là. Ils gênent la prise de parole des militants et et tentent de culpabiliser celles qu'ils arrivent à interpeller. Côté Rosa, on garde son calme, on avance des arguments, on tente le dialogue et bien souvent on tourne le dos, lassé de cet éternel sur-place. Le moindre écart de la part des pro-choice et ce serait le drame. En effet, chaque pro life porte une caméra, continuellement allumée, pour ne pas rater un éventuel dérapage et « se protéger ». « Nous sommes contre l'avortement. Supprimer le 8e amendement c'est mettre en danger la santé des femmes. » assure un pro life.

« C'est de les laisser avorter sans aucun suivi qui est dangereux pour elle, rétorque Mary, alors que le bus s'arrête pour une pause déjeuner. Si les jeunes femmes tentent d'avorter seule et qu'il y a un problème, elles ne pourront pas aller chez le médecin. »
En novembre 2012, des médecins avaient refusé d'interrompre la grossesse d'une jeune Indienne, Savita Halappanavar, 31 ans, qui faisait une fausse couche. Le rythme cardiaque du f?tus était toujours présent. La loi interdisait donc d'agir. La jeune femme est morte d'une septicémie. Depuis, l'avortement est autorisé en Irlande quand la vie de la mère est en danger.

« La dernière fois, un pro life avait jeté de l'eau bénite sur une militante »

Dans le bus, l'ambiance est détendue. On chante, on se passe des chocolats et surtout, on surveille la page facebook : « Les pro life ont annoncé qu'ils étaient aussi sur la route vers Cork » prévient une jeune femme. Cork c'est le point chaud du parcourt. « La dernière fois, un pro life avait jeté de l'eau bénite sur une militante » se rappelle Rita Harrold. Heureusement, l'association bénéficie d'un large comité de soutien sur place. En plus des pancartes et slogans, certaines militantes se sont habillées en sorcières. « We are the witches you couldn't burn » peut-on lire sur leur pancarte. À l'arrivée de Rosa, elles forment une ronde protectrice autour des militantes. Coup de com' ? Pas tant que ça. En dehors du cercle, les pro life agitent leurs photos choquantes. Une vielle dame fait les cent pas en marmonnant, chapelet à la main. Un homme interpelle les militants et distribue des tracts où l'avortement est comparé aux camps de concentration. La finesse de la comparaison va jusqu'à un montage photo, montrant les militante avec une croix gammée.

« C'est frustrant que des hommes âgés viennent nous dire comment gérer notre sexualité. Ils ne manifestent pas pour la santé des mères et leur bébé mais pour le contrôle de leur corps et de leur sexualité. Nous sommes toujours ravie d'informer les gens et de débattre sur l'avortement, mais avec les activistes pro life, c'est une perte de temps », regrette Rita Harold.
En juillet 2016, le Parlement a rejeté le projet de loi pour légaliser l'avortement en cas de malformation grave du f?tus. Malgré tout, la motivation des militantes reste intacte. Cette année, elles comptent même la parlementaire anti-libérale, Ruth Coppinger, parmi elles. « Je ne suis pas démotivée après le rejet de la loi. On va dans la bonne direction. Il y a un gros élan sur le rejet du 8e amendement. On a besoin d'un mouvement pro choice pour mettre la pression sur les politiciens et avoir un référendum. C'est la première étape. Après, nous voulons un changement dans la législation. »

Une Citizen assembly a été créée en 2016. Elle est constituée de membres élus et de citoyens choisis au hasard. Des questions politiques y sont discutées, comme celle de l'avortement. Elles font l'objet de rapport transmis ensuite au Parlement. En avril, 87% de cette assemblée consultative a recommandé de modifier la loi sur l'avortement. Un premier pas.

Aujourd'hui, la ministre irlandaise de la Justice, le ministre de la Protection Sociale, et les militants demandent un référendum en 2018, année où le Pape François devrait être en Irlande, pour la Rencontre mondiale des familles.

Lire aussi : http://www.lepetitjournal.com/dublin/accueil/breves/283173-avortement-le-ministre-de-la-sante-irlandais-souhaite-un-referendum-d-ici-un-an

Raphaëlle Besançon (lepetitjournal.com/dublin) mercredi 26 juillet 2017

Crédit photos : Raphaëlle Besançon

 

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Publié le 26 juillet 2017, mis à jour le 26 juillet 2017

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