Édition internationale
Radio les français dans le monde
--:--
--:--
  • 0
  • 0

VENTE DE FER USAGE AU BENIN - Un business fatal à l’artisanat

 

Depuis quelques années, le recyclage et la commercialisation de fers usés prend de l'ampleur dans les contrées béninoises. Paradoxalement, poussés par un désir ardent de faire du profit, certains acteurs du secteur, au-delà des fers usagers, dérobent subtilement les nécessaires des ateliers de forge et de soudure. Conséquences, les artisans desdits ateliers se retrouvent de plus en plus dés?uvrés avec une augmentation vertigineuse du coût de leurs différents produits.

Ils courent les rues et vons des villes, villages et agglomérations du Bénin. En tenues ébouriffées, ces vendeurs aux guidons de pousse-pousses peu ordinaires, conçus pour la circonstance, font leur invite « Gangblégblé ou gankpogblégblé, batteries gâtées » ce qui signifie fers ou ferrailles usées. Le recyclage et la commercialisation de ces objets n'est plus étranger des béninois. 

Ayant pris son envol au début de ce deuxième millénaire, le commerce Gangblégblé vise à recycler des fers sortis d'usage en vue de leur redéploiement dans la conception d'autres objets.

«Nous collectons les fers usagés au niveau des populations que nous envoyons dans un dépôt à Sèmè, une localité de la commune de Sèmè-Kpodji, frontalière au Nigéria pour être exporté dans ce pays» explique Raoufou, un jeune homme, vingt-cinq ans environ. Selon ses explications, ce tas de fer recyclé est utilisé dans les entreprises de conception de moto ou de nombre d'autres objets en fer après fonte.

Les négociations se font au kilogramme et varient de 100 à 200 FCfa en fonction du milieu où s'effectue l'achat. Si au début, Raoufou reconnait qu'ils ont une facilité d'accès à s'approvisionner dans les maisons, il confie que la marchandise se fait de plus en plus rare de nos jours. C'est d'ailleurs la raison capitale du coût qui est passé successivement de 25 à 50 FCfa puis à 150, 200f Cfa de nos jours.

Exerçant dans ce secteur depuis quatre ans, Pacôme confesse qu'il a de plus en plus de difficulté à remplir les pousse-pousses comparativement à son début. Des achats de 30.000 à 45000 mille francs cfa quotidiennement il y à quatre ans, alors que le kilogramme oscillait encore entre 50 et 100 FCfa, il passe tout une semaine aujourd'hui sans avoir encore fait d'important achat. Néanmoins, il ajoute qu'avec un peu de patience et de persévérance, il arrive que l'on fasse de bonnes affaires. Cependant, ce n'est pas le cas de certains artisans qui ont ces fers pour matière première.

Un commerce qui promeut le chômage 

Depuis que le commerce des fers usagés, Gangblégblé a droit de cité au Bénin, certains artisans entrevoient leur avenir professionnel très sombre. C'est le cas des forgerons, soudeurs, fondeurs pour ne citer que ceux là.

Nous avons rencontré, Dossou Gaspard, gagné par l'ennui dans un atelier de forge à Calavie. Il explique avec tristesse que les acheteurs de fer usé ont déjà tué l'activité. « Depuis toujours, on a laissé nos fers à transformer ici, sous la paillote de forge. Hélas, depuis que ce commerce a commencé, impossible, vous les verrez se faire dérober sans état d'âme » se désole l'artisan forgeron.

De ce fait, les clients de ce commerce ne laissent nulle place dans leur quête, même les endroits sacrés reçoivent leur visite. L'indélicatesse dénoncée par Gaspard est partagée par Koudjègan Simon, fondeur qui expose avec amertume toutes les tracasseries et épreuves qu'il parcourt avant de se procurer les aluminiums entrant dans la composition de ces articles. Comme on pouvait s'y attendre, telle une relation de cause à effet, cette raréfaction ou pénurie ambiante de fer affecte déjà dangereusement le coût des articles qu'il sert à la confession. 

Quand le fer usé entraine la cherté

Il est de l'ordre des choses que tout ce qui est rare devient cher. Face à la quête fatigante, difficile voire infructueuse du fer pour la réalisation de certains objets de première nécessité, la règle de l'augmentation des tarifs jadis appliqués fait rage.

Les couteaux de forge vendus jusqu'alors à 400 Fcfa, 700 Fcfa sont passés à 1000 et 1500 Fcfa sachant que ces tarifs continueront à croitre aussi longtemps que les artisans chercheront en vain à avoir la matière première.

Il en est de même des marmites et autres objets confectionnés par le fondeur. Les clients en font les frais, contraints parfois à s'offrir les services de ses artisans.

Venue commander un foyer fabriqué à base de roues de voiture, dame charlotte dit être dépassée par le coût. Et pour cause, elle dépense bien moins d'habitude. Mais face aux explications du soudeur, elle se dit être obligée de subir : « le fait est là que le commerce de fer usé embête plus d'un. J'ai toujours fait des commandes mais sans m'opposer à une certaine augmentation des coûts, la flambée galopante me laisse bien pantoise ».

Il est clair donc que la commercialisation de fer usé tout en permettant d'assainir le pays du fait du recyclage, reste source de nombreux problèmes sociaux en l'occurrence le chômage et la cherté des produits artisanaux à base du fer. Une régulation s'impose en effet afin de freiner et, pourquoi pas, empêcher la disparition programmée de certains corps de métier. 

Bidossessi WANOU pour www.lepetitjournal.com/cotonou, mercredi 3 mai 2017