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LES RENDEZ-VOUS DE L’ÉCO - L’euro theater central de Bonn

Écrit par Lepetitjournal Cologne
Publié le 14 décembre 2014, mis à jour le 15 décembre 2014

 

L'euro theater central de Bonn est un des grands du « théâtre de poche ». Avec ses tout juste 38 m2 de scène, il emmène depuis 45 ans ses spectateurs dans un voyage intimiste, surprenant et fidèle à son principe de rencontre des cultures. Fondé le 6 décembre 1969 par le metteur en scène et comédien Claus Marteau (1927-1995), ce théâtre privé enchante tous les amoureux de la langue de Molière avec des classiques tels que le Malade Imaginaire ou Huis Clos de Sartre, joué depuis 30 ans. Lepetitjournal.com a rencontré sa directrice Gisela Pflugradt-Marteau et l'actrice française Aurélie Thépaut, une fidèle engagée de ce théâtre

Gisela Pflugradt-Marteau

Lepetitjournal.com Cologne : Madame Pflugradt-Marteau, le fondateur du théâtre, Claus Marteau (1927-1995) était votre époux. Est-ce que l'histoire de l'euro theater commence par une histoire d'amour ?

Gisela Pflugradt-Marteau : Je viens de Berlin. J'étais danseuse et tournais avec une petite compagnie de ballet en 1961 lors du festival d'été de Bad Hersfeld. Claus avait mis en scène le Songe d'une Nuit d'Eté de Shakespeare, notre troupe y dansait, c'est ainsi que nous nous sommes rencontrés. Après avoir longtemps travaillé à Münster, Claus a fondé en 1969 le theater central à Bonn, installé depuis 1972 dans cet hôtel particulier. En 1978, le théâtre a changé de nom dans une idée de coopération et de dialogue avec les scènes privées d'Europe.

Comment avez-vous commencé à produire des pièces francophones ?

Grâce aux contacts avec les ambassades, le Ministère des affaires étrangères à Bonn et l'Institut français, nous avons obtenu des subventions pour inviter des troupes francophones. Le départ du gouvernement pour Berlin nous a, de ce point de vue, sensiblement touchés. Aujourd'hui, ce n'est plus possible sans le soutien de l'Institut français.

Aurélie Thépaut, vous avez fait des études d'allemand et d'art dramatique et avez commencé votre carrière en France. Un jour, ça a été l'appel de l'Allemagne ?

Aurélie Thépaut : Je suis une vraie parisienne ! Mais en tant que comédienne j'ai trouvé la vie à Paris très difficile. Un jour, j'ai été prise dans un spectacle franco-allemand en coproduction avec l'Alsace dans la Pfalz. Le bilinguisme a été une révélation, c'était en 2003. Aujourd'hui encore, c'est la seule raison vraie pour laquelle je reste, car en France ça n'intéresse personne. J'ai vraiment intégré l'Allemagne ensuite par la marionnette, en tournant avec deux compagnies, une sur Berlin et une à Cologne pendant trois ans. En 2007, j'ai arrêté de tourner pour me poser à Cologne, puis, en 2009 j'ai rencontré Gisela puisqu'il était question de changer les comédiens du Huis Clos en Allemand. J'y ai joué Inès. Depuis que je suis en Allemagne, j'ai toujours travaillé pour des théâtres privés subventionnés et monté en parallèle des projets personnels franco-allemands.

Quel est le public à l'euro theater pour les pièces jouées en français ?

GPM : Nos spectateurs sont les Français et francophiles de la région, les écoles, les internationaux venant d'institutions telles que l'ONU et la Deutsche Welle présentes à Bonn. Mais ils pourraient être plus nombreux.

AT : Il y a un vrai potentiel. Les Allemands sont très francophiles et les Français et franco-allemands de la région sont en attente de théâtre français ou bilingue. La région de Cologne est un vivier de ce public. Il faudrait beaucoup plus les sensibiliser à l'offre culturelle en français, mais pour cela, il faudrait aussi de vrais budgets de communication?

Aurélie Thépaut

Parlons-en justement. Comment fonctionne « l'entreprise » théâtre ? Est-ce que c'est la course aux subventions ?

AT : A Cologne, la décision est relationnelle et artistique. Ce qui compte surtout, c'est la modernité. A la Studiobühne et au Théâtre Bauturm, les directeurs travaillent en partenariat avec des metteurs en scène faisant du théâtre expérimental, issus d'ensembles tels que ceux du réseau Freihandelszone. Beaucoup d'autres théâtres ne reçoivent plus rien.

GPM : A Bonn, les subventions sont réparties sur moins de théâtres qu'auparavant, avec un focus très net sur le théâtre jeune. L'euro theater a été subventionné à partir de 1973 et parvient à l'être encore.

Que représentent ces subventions dans votre budget total ?

GPM : Nous recevons 144.000 ? par an. Notre loyer sur 3 étages coûte 50.000 ? plus charges. S'ajoutent l'entretien et nos deux employés permanents. Une production coûte entre 5.000 et 10.000 ?. L'honoraire par soir s'élève à 100 ? si l'acteur est seul sur scène, 75 s'ils sont deux, 52 ? à partir de trois personnes, plus frais de déplacement.

AT : Dans les théâtres non subventionnés il n'y a pas de gage fixe, ça dépend des recettes. Ensuite, il y a les répétitions. 1. 300 ? pour 4 à 6 semaines, c'est bien payé. Le plus souvent, c'est une enveloppe de 400 à 800 ? pour les théâtres un peu subventionnés comme l'euro theater à Bonn ; pleins d'autres théâtres non subventionnés ne payent pas les répétitions. Un acteur indépendant qui ne vit que du théâtre gagne au maximum 800 euros par mois.

En France nous avons le statut d'intermittent. Comment ca se passe pour vous ici ?

GPM : En Allemagne, si on ne travaille pas pour un seul théâtre, on rentre dans la caisse sociale des artistes, la Künstlersozialkasse, mais ça ne concerne que la maladie et la retraite. Il faut souscrire soi-même à une assurance chômage, si on le peut.

AT : 80 % des artistes que je connais ont vraiment des problèmes pour subvenir à leur existence. Ici, contrairement à la France, ce n'est pas tabou pour un artiste de faire autre chose pour arrondir ses fins de mois. Moi, je complète par de la voix : synchronisation pour des publicités et des films ou modération sur les salons? Cela dit, je pense que face au désintérêt de la politique pour la culture, il faut désormais attirer des sponsors privés, même si ce n'est pas encore habituel.

Que dites-vous à un jeune tenté par une carrière au théâtre ?

GPM : Poursuis tes rêves. J'ai su à douze ans que je voulais devenir danseuse. J'avais une mère formidable qui m'a permis de commencer dès l'âge de quinze ans. Je travaille depuis cet âge-là sans interruption et souvent sans vacances. Il faut y croire. Le théâtre n'est pas qu'un métier, c'est une cause, où l'on ne peut que donner énormément de soi. Nous offrons aux gens de quoi penser et ressentir, des expériences qui résonnent en eux après la représentation.

AT : Sois têtu et endurant. Il faut continuer, même quand tu doutes. Le théâtre est une énergie vitale, sur laquelle on ne peut pas mettre de couvercle.

Propos recueillis par Astrid Nierhoff (www.lepetitjournal.com/cologne) Lundi 15 décembre 2014

Liens utiles :

www.aurelie-thepaut.com

www.eurotheater.de

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Publié le 14 décembre 2014, mis à jour le 15 décembre 2014

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