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LES RENDEZ-VOUS DE L’ÉCO - Pierre Legouez, PDG de mod’s hair Deutschland à Düsseldorf.

Écrit par Lepetitjournal Cologne
Publié le 7 septembre 2014, mis à jour le 7 septembre 2014

Celui qu'on appelle volontiers « le coiffeur des magazines » fête cette année les 40 ans de son premier salon à Paris et bientôt 30 ans de success-story en Allemagne. Avec un demi-million d'euros de chiffre d'affaires par salon et par an, mod's hair Deutschland décoiffe la branche, qui ne réalise en moyenne qu'un tiers de ce chiffre annuel. Mais alors, pourquoi la marque est-elle la seule en Allemagne à défendre les couleurs de la french touch ? Pierre Legouez, fondateur de la filiale allemande, nous livre son analyse.
     
Lepetitjournal.com Cologne : Monsieur Legouez, qu'est-ce qu'inventent exactement les frères Frédéric et Guillaume Bérard en 1968 avec la « coiffure de studio » ?

Pierre Legouez : Les frères Bérard ont été les premiers à monter une agence entièrement dédiée à la coiffure de mode et à créer leurs coiffures non sur perruque mais sur le mannequin. Photographes et magazines les bookaient dans le monde entier! Ils croulaient sous les demandes de lectrices : mod's hair, c'est où ? L'idée est née de monter un salon, mais mod's hair ne coupait pas, il coiffait uniquement. Ils sont donc allés en Angleterre, où des gens comme Sassoon montaient des méthodes comme on crée un patron de robe. C'était complètement nouveau ! Avant, on coupait au feeling. Ils sont revenus, ont adopté le principe mais changé la formule et créé des coiffures très naturelles. Leur premier salon a ouvert rue de Rennes en 1974. mod's hair y a initié la révolution du brushing, beaucoup plus vivant que la mise en pli. A partir de là, la coiffure a changé complètement.

Comment s'est construite l'école mod's hair ?

L'Oréal, fournisseur des coiffeurs, a contacté mod's hair et a dit : on voudrait proposer des stages à nos clients. Ils les ont fait venir plusieurs fois, puis, face à la demande, mod's hair a monté une école à Paris, avenue Montaigne.

Quel fut le prochain tournant ?

Un coiffeur japonais était à l'agence et de nombreuses rédactrices japonaises venant à Paris lui demandaient d'ouvrir un salon mod's hair au Japon. La première filiale étrangère a ouvert au dernier étage du Printemps à Tokyo en 1978, avec un succès formidable.

Que faisiez-vous alors ?

J'étais responsable des relations publiques de l'Oréal Allemagne depuis 1978 et m'occupais notamment des stages pour les coiffeurs à Paris. C'est là que j'ai rencontré mod's hair. Voyant l'enthousiasme des coiffeurs allemands pour leur look très « magazine », je me suis dit : on va démarrer la franchise en Allemagne. C'était en 1985.

Quelle place tient l'Allemagne aujourd'hui dans le groupe ?

Le plus grand nombre et les plus gros salons sont au Japon avec un chiffre d'affaires moyen par salon de 20 à 25% supérieur à ici. L'Allemagne est la 3e force en nombre après la France avec 32 salons, mais son chiffre d'affaires  est plus élevé avec en moyenne plus de 500.000 euros par an et par salon. Nous sommes plus haut de gamme ici, le label « Paris » oblige.

mod's hair a-t-il le même succès dans les 16 pays où il s'est implanté ? Y?a-t-il des « griffes » individuelles ?

Au Japon c'est encore plus haut de gamme, le pays adore tout ce qui est français. Les Allemands sont plus anglo-saxons, c'est plus difficile de défendre les couleurs de la France. Il faut être flashé par le look avant de prendre la franchise. Les coupes sont créées à Paris par l'équipe artistique. Il y a deux collections par an, on retrouve les mêmes coiffures dans tous les 500 salons du monde. Ensuite, chaque coiffeur travaille un peu comme un couturier : il a un patron mais s'adapte à la cliente. La force de mod's hair est d'avoir des collections indémodables.

Que faites-vous pour vérifier la mise en place des collections dans tous les salons?

A chaque collection, l'équipe de création à Paris forme le responsable artistique de chaque pays. Celui-ci forme à son tour une équipe artistique, qui va former tous les formateurs des salons en charge ensuite du personnel. En l'espace de quatre semaines on forme la planète !

Comment recrutez-vous du personnel qualifié ici ?

Il y a ceux qui font l'apprentissage classique à la Berufsschule avec un stage ici. Mais nous avons aussi établi notre propre système ici à Düsseldorf avec un volontariat intensif d'un an à l'académie mod's hair (payant) ou bien sur deux ans en alternance, où la recrue est payée comme un apprenti. Dans ces deux cas, on ne passe pas par la Berufsschule, ce n'est donc pas reconnu par l'Etat, mais par toute la profession. C'est très difficile de trouver du personnel, il y a un manque dans toute la coiffure, c'est mondial.

En effet, entre 2000 et 2012, le nombre d'employés à plein temps a baissé de plus de 30 % en passant de 152.991 à 106.367, alors que les indépendants et mini-jobs à 400 euros augmentent de 9.000 et 18.000 personnes*. Comment se situe mod's hair dans ce contexte ?

Il faut défendre les tarifs des coiffeurs. Nous investissons beaucoup dans la formation et présentons un confort pour nos clients, ça se paye. Un bon coiffeur chez nous gagne à partir de 2000-2500 euros brut (tarif de base en Allemagne : 1400 euros) ou plus en fonction du chiffre d'affaires du salon. 50% de nos franchisés sont d'anciens collaborateurs ! Nous les aidons à tous les niveaux (financement, développement, recherche de locaux, formation d'équipes, instruments de presse et marketing?).

Quel serait votre conseil pour booster la branche ?

Déjà qu'ils arrêtent de faire des concours et d'y présenter des coiffures comme des gâteaux, que personne ne veut porter. Ensuite, investir dans la formation. Chez nous, nos coiffeurs ont une formation obligatoire toutes les semaines en salon et régulièrement en académie. Il faut remettre la profession à sa position et investir dans les services. Nous avons ici un spa japonais et un salon de thé. Ça paie : la profession est en perte, mais nous sommes en plus. 

Où sont les autres coiffeurs français ?

Cela fait 30 ans qu'on vend en Allemagne de la mode et des produits français en coiffure, et on est les seuls à tenir le flambeau.  Les autres, Jacques Dessange, Jean-Louis David  etc., sont tous venus puis repartis.

Pourquoi ?

Le label « Paris » n'est pas un sésame. Il faut faire ses preuves sur place, ne pas tout gérer depuis Paris. Beaucoup d'Allemands aiment le style anglo-saxon, très structuré, le style français a une technique qu'on ne voit pas du premier coup d'?il. C'est difficile de trouver des coiffeurs allemands qui comprennent ce look et pour nous, la solution a été de les former nous-mêmes. C'est la qualité de notre structure de formation sur place qui nous permet de très bien nous exporter et de nous implanter durablement. Je suis très fier de voir tous nos collaborateurs allemands porter avec fierté la marque mod's hair.

Propos recueillis par Astrid Nierhoff (www.lepetitjournal.com/cologne) Lundi 8 septembre 2014

* source : Bundesagentur für Arbeit et Friseurmarkt Report 2013

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Publié le 7 septembre 2014, mis à jour le 7 septembre 2014

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