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BUCAREST CENTENAIRE - Maison Capsa, littérature, gâteaux et sucreries

Maison-CapsaMaison-Capsa
Wikimedia Commons
Écrit par Bucarest/Centenaire
Publié le 23 novembre 2018, mis à jour le 4 décembre 2018

À la fin de l’année 1918, une Roumanie indépendante et réunie se préparait à abolir la frontière entre l’Orient et l’Occident à l’aide de son authenticité. Suite aux efforts infatigables des monarques, de la classe politique et des intellectuels, le modernisme européen et l’orientalisme cohabitaient harmonieusement dans la capitale du nouvel État roumain. C'est dans ce contexte particulier et dans un cadre élitiste, que la maison Capsa, située sur l’Avenue Victoria du Petit Paris, enchantait ses clients avec ses sucreries françaises servies et accompagnées d’une tasse brûlante provenant de la perle d'Orient.  

 

 

 

On sait déjà que plusieurs institutions publiques de Bucarest ont fleuri sur les ruines des anciennes auberges ou des maisons de boyards - tradition autochtone entièrement respectée par la fameuse Maison Capsa. Au début, en 1852, la confiserie Chez deux frères appartenant aux Aroumains Anton et Vasile Capsa, avait son siège au rez-de-chaussée de l’ancienne Auberge Damari. Le troisième frère, Grigore, perfectionnait déjà à Paris son métier de confiseur, aux côtés du célèbre Boissier, reconnu dans le monde entier pour ses bonbons et ses gâteaux au chocolat. Sept années plus tard, le succès de cette affaire est révélé au grand public grâce à une publicité publiée dans le journal Romanul (Le Roumain) : dans leur confiserie, les deux frères vendaient pas moins 36 assortiments de confiture. En outre, dans la deuxième moitié du XIXe siècle, on retrouve dans l’hebdomadaire français L’Illustration, une déclaration de l’artiste Francis Jourdain: Le domaine dans lequel la joie roumaine excelle concerne aussi la préparation des gâteaux et des confitures. C’est une spécialité qu'on ne trouve nulle part ailleurs.

 

 

De retour au pays en 1868, Grigore Capsa déménagea sans plus attendre son affaire de famille dans les maisons du boyard Slatineanu, qu'il finira par acheter trois ans plus tard en rajoutant à sa confiserie, un hôtel particulier et un café. C’était un ensemble coquet, à la limite de la rigidité néo-classique et de la volubilité du style Art Nouveau, situé dans un recoin de l’ancien Pont de Mogosoaia. L’enthousiasme et l’esprit entrepreneurial de son propriétaire ont aidé à enrichir la pâtisserie roumaine, améliorant les sucreries traditionnelles : le kadaif turc était servi avec de la crème et la baklava n'était plus préparée avec du suif de mouton. De plus, il rajoute des produits propres à l'Europe, montrant une prédilection toute particulière pour la cuisine française. Tout en détectant leurs papilles gustatives, les Roumains enrichissaient aussi leur vocabulaire : la haute société bucarestoise ne parlait plus que de bonbons, de caramels, de pralines, de fondants, de sirop, de crème et de nougat. Grigore Capsa est très vite devenu le fournisseur officiel de la Maison Royale de la Roumanie, mais aussi de princes serbes et bulgares.

 

 

En parlant du café qui y était servi, les romantiques s'étaient tous mis d'accord pour le surnommer le breuvage des esprits ou liqueur intellectuelle. Il semblerait que les intellectuels roumains leur auraient donné raison, car, dans le Café Capsa venaient tous les grands hommes politiques de l’époque, les artistes en tout genre, et surtout les écrivains. Grâce à l'omniprésence de ces derniers, l’endroit s’est rapidement mué en un temple de la versification spontanée. C’était le dernier café littéraire bohème, dans l’enceinte duquel ont germé les plus grands fleurons poétiques de l’imaginaire roumain, à savoir : l’hermétisme de Ion Barbu, l’esthétique de la laideur de Tudor Arghezi ou encore les romans policiers de Liviu Rebreanu, mais encore Les Medeleni de Ionel Teodoreanu, La Vie à la campagne (Viata la tara) de Duiliu Zamfirescu ainsi que l’esthétique de la précision de Camil Petrescu.

 

 

Après la Deuxième Guerre mondiale, l’oiseau au bec de rubis qui avait volé le jeune poète Nicolae Labis des rangs des "Capsisti", a pris la forme du régime communiste. La fermeture des portes du Café Capsa a brisé de nombreuses plumes, les autorités castrant ainsi définitivement le style de vie des esprits les plus brillants du Bucarest de l'entre-deux-guerres.

 

 

 
Sources : Ziarullumina.ro Constantin Giurescu, Istoria Bucureștilor din cele mai vechi timpuri până în zilele noastre, Editura pentru Literatură, București, 1966

 

 

Ana Maria Rosca 

 

 
 

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