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FRANC-MAÇONNERIE LIBÉRALE – Confessions de deux francs-maçons

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Écrit par Grégory Rateau
Publié le 9 avril 2017, mis à jour le 9 avril 2017

Notre rédaction est allée à la rencontre du Grand Maître de l'obédience maçonnique «Le Grand Orient de Roumanie» (Marele Orient al Romaniei), Gabriel Stanciu, et de son Grand Maître Adjoint Alain Godon. Ils ont accepté de nous parler librement et sans tabous, de la franc-maçonnerie libérale. Ils nous expliquent également leurs motivations profondes quant à leur intégration dans ce qu'ils nomment eux-mêmes «la Fraternité». Ils ne parlent pas au nom de la franc-maçonnerie en tant qu'entité globale, mais au nom de la franc-maçonnerie libérale et des valeurs qui y sont véhiculées.

 

Lepetitjournal.com/Bucarest : Vous faites partie de la franc-maçonnerie libérale ? Quelles différences avec la franc-maçonnerie en général ?


Gabriel Stanciu: Il y a deux courants majeurs dans la franc-maçonnerie: le courant théiste qui est dogmatique, dans lequel pour toutes les procédures internes on jure sur la Bible ou un livre saint mais qui est éminemment symbolique, et il y a notre courant qui est adogmatique. Nous prêtons serment sur notre Constitution. La franc-maçonnerie adogmatique, essentiellement humaniste et démocratique, fut initiée par le Grand Orient de France, qui est la plus grande obédience du genre, éparpillée un peu partout dans le monde.


Alain Godon: Il existe plusieurs organisations regroupant les obédiences maçonniques libérales, tant au niveau européen que mondial. Elles défendent la dignité humaine et les Droits de l'Homme. Nous faisons partie de ces associations. Le Grand Orient de Roumanie est une obédience mixte de loges (ou d'ateliers ? le terme loge peut prêter à confusion : il peut s'agir de l'obédience ou bien du lieu où s'assemble les francs-maçons pour travailler, l'atelier) chaque atelier décide par vote de ses s?urs et/ou frères s'il sera masculin, féminin ou mixte.
 

 

Pourquoi un atelier maçonnique francophone ici en Roumanie ?

AG: Historiquement, le premier atelier maçonnique liberal, Humanitas, fut créé le 25 mai 1991 à Bucarest. Atelier francophone puisque créé par la volonté du Grand Orient de France et du Grand Orient de Belgique grâce à des frères venant spécialement à cet effet. Nous avons aussi un atelier en hongrois; les autres travaillent en roumain. Nous comptons ouvrir un atelier en anglais pour les expatriés, un atelier en italien et un second atelier francophone.
 

 

Quelles valeurs sont enseignées dans la franc-maçonnerie libérale ?

AG: La plus importante est sans aucun doute, l'humanisme. Nous recherchons à progresser ensemble, à évoluer par des initiatives, par des voies philosophiques et progressistes. Dans la franc-maçonnerie libérale, ce qui n'est pas tout à fait le cas dans d'autres obédiences, tout est décidé par vote démocratique. Nous avons nous mêmes été choisis par nos frères et s?urs suite à un vote. C'est très important car nous nous revendiquons d'un courant de la franc-maçonnerie où nous désirons faire progresser l'humanité, en valorisant la tolérance, l'écoute, la parité, le respect, la liberté absolue de la conscience, de la pensée, de l'expression et le constant travail sur soi. Nous n'exerçons aucune pression d'aucune sorte sur nos membres: chacun et chacune venant vers nous en pleine connaissance de cause.
 

 

De manière plus personnelle, pourquoi avez-vous voulu devenir franc-maçon ?

GS: Honnêtement, j'ai toujours aimé les confréries et le côté initiatique car je suis de nature très sociable. Je ne me suis jamais retrouvé dans une organisation politique, je cherchais autre chose. Ici, tu apprends à écouter, ce qui aujourd'hui devient de plus en plus rare. Tu as deux fois deux minutes par sujet pour exprimer tes idées ; ce qui nous force à bien réfléchir avant de nous exprimer. On y apprend également à se perfectionner, à devenir quelqu'un de meilleur.

AG: Durant mon enfance, nous étions très démunis; ma mère élevait seule six enfants. Nous vivions dans un quartier de miséreux et l'injustice dans le monde me touchait particulièrement. J'ai toujours cherché un moyen d'améliorer la société, mais je n'ai pas eu la possibilité de faire de bonnes études (j'ai été soutien de famille pendant sept ans) et cela a engendré un complexe très fort qui ne m'a pas aidé à m'intégrer. Cela a également été un moteur, me forçant à me cultiver tout seul, à compenser ce manque et à me perfectionner par moi-même. Même parmi mes amis je me sentais bien seul, on me taxait d'idéaliste. Il y a 18 ans, je suis venu en Roumanie et j'ai découvert la fraternité des francs-maçons. Un système très structuré, un système qui avait fait ses preuves depuis presque 300 ans et qui m'a offert enfin le cadre pour agir concrètement et partager des avis constructifs pour faire évoluer la société. Je n'étais plus seul dans ma quête.
 

 

Quelles sont les différentes étapes pour intégrer la franc-maçonnerie ?

GS: Il y a deux méthodes, la première c'est la méthode traditionnelle: tu connais un franc-maçon et tu lui demandes de te faire rentrer en te soumettant à son évaluation. Cela se fait par cooptation. Il n'y a pas de publicité ou de prosélytisme. La deuxième, c'est de nous envoyer une lettre d'intention sur notre site en espérant que quelqu'un y soit sensible et accepte de vous parrainer.



Tout le monde peut rentrer dans votre obédience ?


AG: Bien-sûr, n'importe qui. La seule condition est de payer la cotisation annuelle qui est très basse et accessible à tous, et d'avoir suffisamment d'instruction pour comprendre nos textes et adhérer à nos idées. Il faut être également homme probe et de bonnes m?urs.
 

 

Pourquoi les membres doivent-ils garder le secret?

GS: La franc-maçonnerie c'est comme une franchise donnée par une obédience mère, il y a des rites, des rituels et il en découle des droits et des obligations, l'une d'entre elles est de garder le secret sur les méthodes. Cela ne veut pas dire que la franc-maçonnerie est une organisation secrète, nous recherchons simplement la discrétion.


AG: Il y a aussi l'aspect de la motivation initiatique en lien avec le cloisonnement des degrés, des grades. Pour stimuler l'envie du franc-maçon à accéder aux grades supérieurs, on lui en cache les mystères. Cela le motive à travailler, à évoluer, à passer à ces grades supérieures. La nature humaine est ainsi faite. Et puis il y a "le secret maçonnique"? Ensuite il y a la sécurité; les francs-maçons ont été persécutés et le sont encore. Le Grand Maître du Grand Orient de France a été agressé par une folle dans la rue il y a quelques semaines seulement. Le mythe du complot judéo-maçonnique est encore vivant malheureusement?

 

 Est-ce que la franc-maçonnerie a joué un rôle dans la vie politique et sociale roumaine ?


GS: Oui, la Roumanie a été fondée, au XIXème siècle, par des francs-maçons. Un autre exemple est la création des États-Unis, La Fayette était l'un des plus grands francs-maçons de l'histoire de la maçonnerie. Mais cela ne doit pas vous faire croire que l'objectif premier de la maçonnerie est de mettre en place des putschs, je ne fais qu'énumérer des faits historiques largement avérés par tous les historiens.


AG: Si nombre de politiciens roumains du XIXème siècle et du XXème siècle, jusqu'à la seconde Guerre Mondiale étaient à l'époque francs-maçons, j'ajouterai que parmi les règles les plus importantes, on compte celle de ne pas faire de politique lors de nos réunions, on peut en parler en dehors avec ses frères comme tous les citoyens mais cela est prohibé au sein des ateliers ainsi que de mettre en avant nos orientations religieuses ou de faire du business, sous peine d'expulsion.
 

 

Vous m'avez dit qu'il ne fallait pas mettre en avant ses croyances religieuses aux réunions, mais la franc-maçonnerie développe-t-elle ses propres croyances ?

AG: Elle nous apprend à croire en nous et en notre fraternité mais elle ne produit pas de croyances d'ordre mystique, les membres peuvent avoir leurs croyances, cela reste leur choix personnel de liberté de conscience. La franc-maçonnerie est une méthode de pensée mais en aucun cas une croyance. Nos débats nous font évoluer intellectuellement. La base de l'idée est la pensée socratique.



Vous faites référence à la maïeutique, faire accoucher les esprits ?


AG: Tout à fait, nous n'imposons pas une pensée comme un gourou ou un despote, nous laissons germer une idée et qui grandit par le dialogue tout en nous remettant nous-même en question. On ne cesse jamais d'apprendre et de grandir mais on le fait au rythme de chacun; nos frères nous tendent la main. Mais la véritable évolution ne peut avoir lieu que si nous le désirons et par notre propre effort personnel. La franc-maçonnerie est une méthode, une école de vie. J'ai dit?

 

Propos recueillis par Grégory RATEAU (www.lepetitjournal.com/Bucarest) - lundi 10 avril 2017

grégory rateau
Publié le 9 avril 2017, mis à jour le 9 avril 2017

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